Le Nouvelliste
Les gingerbreads de Port-au-Prince parmi les 25 monuments mondiaux à protéger
Nov. 8, 2019, midnight
La réhabilitation du quartier gingerbread de Port-au-Prince n’est pas un projet nouveau. Les démarches pour ce projet qui vise à protéger, restaurer et promouvoir un patrimoine architectural urbain ont commencé en 2009, bien avant le tremblement de terre du 12 janvier. Mis sur la liste du World Watch monuments en 2010, c’est un projet qui est né de l’initiative de Conor Bohan, directeur du programme d’excellence Help, affirme Farah F. Hyppolite, chef de projet gingerbread de la Fokal. « Depuis 2009, des architectes et urbanistes haïtiens s’étaient réunis pour réfléchir sur comment empêcher la disparition de ces maisons. Avec l’Institut de sauvegarde du patrimoine national (ISPAN), nous avons défini un périmètre dans lequel circonscrire ce travail. Les maisons gingerbread existent même en province, à Pétion-Ville, à Carrefour mais il fallait délimiter le travail. » Le tremblement de terre du 12 janvier 2010 a donné la possibilité à ce projet d’émerger. Cinq experts envoyés en Haïti après le séisme se sont associés à des experts et architectes haïtiens et de simples volontaires. Ils ont fait l’inventaire des maisons gingerbread pour voir l’état dans lequel elles se trouvaient et ont rempli une forme qui décrit l’état du bâtiment après le tremblement de terre. Des enquêteurs ont été envoyés également pour inspecter les lieux, voir si les maisons n’étaient pas complètement détruites, si des travaux de réaménagement étaient toujours envisageables. « Dans le quadrilatère inventorié à l’époque, il y avait à peu près 204 maisons gingerbread », précise madame Farah F. Hyppolite. À l’heure actuelle, nous pouvons compter un chantier école qui a permis de restaurer la maison Dufort (2e avenue du Travail) avec l’accompagnement du World et la maison Chenet (structure complétement en bois à la rue M, no17 avec des jeunes issus des établissement techniques comme Canado technique, Haïti tech et le Centre pilote. ». Au départ ce projet dont la Fokal tient les rênes, a formé de jeunes techniciens pour la restauration de ces maisons, car beaucoup de propriétaires qui voulaient réparer leurs maisons ne trouvaient pas la main-d’œuvre qualifiée. « On ne construit plus dans ce style, ni avec ces matériaux comme le bois, les briques et le mortier de chaux », souligne Farah F. Hyppolite. Le gingerbread: un style d’architecture à réapproprier Le gingerbread encore appelé pain d’épice est une architecture typiquement haïtienne ornée de dentelures et dotée de grandes cours. Ce style créé par des ingénieurs haïtiens venant de la France à la fin du XIXe siècle a été combiné dans une conception des conditions de vie et du climat de la Caraïbe. Véritablement en danger, ce patrimoine architectural est menacé par la putréfaction des bois, les intempéries, les catastrophes naturelles telles que le séisme de 2010 et le coût élevé de la restauration et des réparations mais aussi par « une pression foncière », affirme le chef de projet gingerbread de la Fokal. Cette forme de construction, qui est de plus en plus en voie de disparition, illuminait nos paysages d’autrefois. Supplantées par les constructions en béton, les maisons au style gingerbread sont actuellement en péril. Loin de relever seulement des questions techniques, la construction de ces habitations splendides doit engager des réflexions sur le renforcement des capacités de recherche et de formation dans le domaine de l’aménagement et des études urbaines comme rurales en matière d’expertise. L’absence d’une politique publique nationale d’urbanisation fait défaut. La responsable de projet gingerbread de la Fokal assure qu’ils voulaient que l’État haïtien accorde un statut spécial à ce périmètre qu’ils ont défini « parce qu’après le séisme, il fallait protéger ces maisons, les empêcher de tomber. Ce sont des maisons séculaires qui résistent aux intempéries annuelles ». Jusqu’à cette date, aucune prise en charge légale n’a eu lieu. Nous sommes le produit de l’histoire. Elle nous façonne. Elle agit sur nous tout comme nous pouvons agir sur elle : le rapport dialectique entre l’homme et son milieu. Les domaines de vie actuelle et l’ensemble des caractères du passé doivent se mettre au service d’un héritage culturel si riche qu’est la construction au style gingerbread pour non seulement la conservation des expressions anciennes, mais aussi pour la valorisation de l’esthétique. Les maisons gingerbread ont une histoire. Elles racontent une façon d’habiter l’espace, de vivre et un certain art de vivre à Port-au-Prince. « Elles étaient construites entre cour et jardin, rappelle madame Farah F. Hyppolite. Il y avait des relations de bon voisinage, il n’y avait pas des murs élevés comme des forteresses, les enfants traversaient d’une cour à l’autre. Certains vieux racontent qu’ils pouvaient arriver au Champ de Mars en passant de cour en cour sans jamais passer par les rues principales. » L’Observatoire mondial des monuments (World Monuments Watch) est le programme principal du Fonds mondial pour les monuments (World Monuments Fund), une organisation non gouvernementale basée à New York, aux États-Unis. Par le biais de partenariat avec des communautés locales, des bailleurs de fonds et des gouvernements, le Worl Monuments Fund cherche à inspirer un engagement durable en matière de gestion pour les générations futures tout en attirant l’intérêt des gens sur les patrimoines qui sont en danger. Ils font une sélection des monuments à travers le monde qui présentent un intérêt particulier et qui fournissent un apport technique. Le quartier gingerbread de Port-au-Prince côtoie d’autres trésors emblématiques mondiaux comme l’île de Pâques au Chili et la Cathédrale Notre-Dame de Paris en France. « Les lieux choisis sont déterminés non seulement par leur valeur architecturale, mais également par leur impact sur les communautés du monde entier », a déclaré Bénédicte de Montlaur, P-DG du World Monuments Fund.