Le Nouvelliste
«Le président commet une usurpation de pouvoirs préjudiciables aux valeurs républicaines», estime le barreau de Port-au-Prince
Nov. 17, 2020, midnight
Le conseil de l’ordre des avocats de Port-au-Prince a dans une note publiée le 11 novembre insisté sur l’exigence du strict respect de la Constitution et de son application intégrale et mis en garde les pouvoirs publics contre la multiplication des actes de l’autorité qui accentuent la déliquescence de l’État tout en rappelant à la société dans son ensemble que la liquidation de la loi a toujours eu pour effet, historiquement, de consacrer le règne de l’arbitraire et de préparer le lit des régimes de terreur. Dans cette note signée de la bâtonnière Marie Suzy Legros, le conseil dit «avoir pris acte de la décision du Président de la République de créer, par arrêté en date du 28 octobre 2020, une commission ayant pour mission d’élaborer une nouvelle constitution qui devrait prétendument être soumise à la ratification populaire», tout en constatant que des avocats du barreau de Port-au-Prince ont accepté «de prêter concours à l’exécutif en s’associant à une entreprise délibérément inconstitutionnelle qui relève manifestement de l’usage de pouvoirs exorbitants que l’actuel président s’est lui même octroyé». «Le président ne peut en aucun cas et sous aucun prétexte se substituer au pouvoir constituant dérivé. Agissant dès lors en fraude à l’esprit et à la lettre de la Constitution, le Président abolit, de fait, tant la séparation des grands pouvoirs de l’État que la séparation cardinale entre le pouvoir constituant originaire et le pouvoir constituant dérivé. Il commet ainsi une usurpation de pouvoirs préjudiciables aux valeurs républicaines», a précisé le conseil de l’ordre dans sa note, s’appuyant sur le fait que les conditions de forme et de fond relatives à la modification de la constitution sont fixées par les articles 282 à 284-4 et que l’article 150 dispose expressément que le président de la République n’a d’autres pouvoirs que ceux que lui attribue la Constitution. Une fois de plus, le conseil rappelle que la Fédération des barreaux d’Haïti avait déjà condamné les décrets pris par l’exécutif en raison de leur inconstitutionnalité et estime que “cette nouvelle incursion abusive du président de la République, dans le domaine des normes fondamentales mêmes, apparait comme une dérive additionnelle grave qui menace l’ensemble de l’ordre juridique national ainsi que les fondements démocratiques de l’État». En outre, le conseil affirme que le fait de suggérer que le bâtonnier Monferrier Dorval présiderait la commission devant rédiger une nouvelle constitution s’il était vivant “constitue non seulement une atteinte à sa mémoire et une attaque inconséquente à son indépendance d’esprit, mais encore une extrapolation illégitime qui ne manque pas de choquer la conscience des avocats et des membres du conseil alors même que plus de deux mois après son assassinat l’enquête reste laborieuse».