Le Nouvelliste
Selon Jean-Baden Dubois, le FMI attend Haïti pour signer un nouveau programme
Feb. 3, 2020, midnight
L’incapacité des acteurs politiques haïtiens, après trois longues journées des négociations, à sceller un accord politique devant aboutir à la formation d’un gouvernement jette un voile d’incertitude sur l’économie nationale dont tous les principaux indicateurs macroéconomiques sont au rouge en raison notamment des troubles sociopolitiques et du phénomène « peyi lòk » qui ont paralysé le pays ces derniers mois. Sans gouvernement, sans budget, Haïti fait du surplace et ne peut compter que sur ses propres ressources, déjà maigres, plombées par les recettes publiques en berne, conséquence de l’instabilité politique et de l’insécurité engendrées par le « peyi lòk ». « Pour qu’on ait un programme avec le Fonds monétaire international (FMI), il faut qu’il y ait un gouvernement et une fois qu’on a un gouvernement, il faut absolument qu’on ait un budget… », a prévenu le gouverneur Jean-Baden Dubois la semaine dernière, en marge d’une présentation de la Note sur la politique monétaire du premier trimestre 2020 de la Banque de la République d’Haïti (BRH) à certains journalistes et économistes triés sur le volet. Quand est-ce qu’on aura un gouvernement ? Quand est-ce qu’on va avoir un budget ? Deux questions auxquelles personne ne peut répondre, encore moins le gouverneur Dubois, qui a fait savoir à l’assistance que le FMI est prêt à signer avec Haïti un RCF – Rapid credit facility – assorti automatiquement d’un apport budgétaire devant augmenter les ressources de l’État et du coup limiter le recours à la planche à billets. « Parallèlement, l’Union européenne va libérer les 30 millions d’euros d’appui budgétaire promis […] La BID et la Banque mondiale sont elles aussi en attente pour débloquer leurs fonds », a annoncé le gouverneur de la banque centrale, renonçant à l’idée de chiffrer l’impact qu’aurait sur l’économie une prolongation du statu quo. Suite au renvoi de l’ancien Premier ministre Jean-Henry Céant par le Parlement en mars de l’année dernière, le FMI avait déjà pris la décision de geler le programme de prêt concessionnel de 229 millions de dollars à 0% sur trois ans octroyé à Haïti à cause de l’incapacité des acteurs politiques à s’entendre sur la formation d'un nouveau gouvernement et la ratification du budget pour le précédent exercice. Environ un an plus tard, les exigences du FMI demeurent inchangées. Haïti a toutes les peines du monde à se hisser à la hauteur de ces exigences. Le désaccord sur la réduction du mandat du président de la République a fait échouer les trois journées de négociations politiques à la nonciature apostolique. Pour le gouverneur, il n’y a même pas lieu de parler de budget sans qu’au préalable un gouvernement n’ait été formé et installé. « Le cadre budgétaire, même s’il a été travaillé, ne pouvait pas être soumis au FMI pour une raison fondamentale : il y a un accord politique qui est en train d’être mis en place. Avant même d’avoir un accord politique et un gouvernement, avoir un budget en main serait une anomalie », a précisé Jean-Baden Dubois. « Une résolution de la crise actuelle, la nomination d'un nouveau gouvernement engagé et capable de mettre en œuvre des réformes, et le retour du soutien de la communauté internationale pourraient entraîner une augmentation des investissements et une croissance potentielle », a pour sa part prescrit le conseil d'administration du FMI, concluant, en date du 24 janvier 2020, la consultation 2019 avec Haïti au titre de l'article IV. « Depuis mars 2019, Haïti connaît une crise politique prolongée et des troubles civils prolongés qui ont parfois interrompu la plupart des activités économiques du pays. La crise a pesé sur l'économie et la population déjà vulnérable: l'inflation a dépassé 20% en glissement annuel en septembre, la production s'être contractée d'environ 1,2% au cours de l'exercice 2019 (se terminant le 30 septembre), et le taux de change s'est déprécié de 25% durant la même période. Alors que les recettes budgétaires ont chuté et que le coût des subventions à l'énergie a augmenté, le déficit budgétaire s'est creusé pour atteindre 3,8% du PIB au cours de l'exercice 2019 et les arriérés intérieurs ont fortement augmenté. Le ratio de la dette publique au PIB est passé de 40% à 47% au cours de l'exercice », a souligné le FMI.