Le Nouvelliste
Accusations de viol au Camp Nous : des institutions nationales réagissent
May 7, 2020, midnight
Des instances nationales réagissent après les révélations du journal The Guardian concernant des abus sexuels qu'aurait commis le président de la Fédération haïtienne de football, Yves Jean-Bart, sur de jeunes footballeuses formées au Camp Nous (ranch de Croix-des-Bouquets). Dans une note de presse publiée le 4 mai 2020, le ministère à la Condition féminine et aux Droits des femmes (MCFDF) infome avoir pris ce dossier en main afin de s’assurer que les suivis seront réalisés suivant la loi. La ministre Marie Ghislaine Monpremier indique avoir déjà rencontré le ministre de la Justice et lui a demandé d’instruire le commissaire du gouvernement afin qu'il mette l’action publique en mouvement contre Yves Jean-Bart. Le MCFDF, dans cette note, rappelle que l’État haïtien a ratifié la Convention interaméricaine pour la prévention, la sanction et l'élimination de la violence contre la femme, mieux connue sous le nom de Convention de Belém do Pará. « Cet instrument fut ratifié en Haïti le 3 avril 1996. De plus, un décret fut pris le 6 juillet 2005 pour réprimander ces actes. Avec ces outils, si les faits qui lui sont reprochés sont avérés, Yves Jean-Bart passera sa vie en prison car il a commis ces actes sur des mineures qui lui ont été confiées », tranche la note. L’IBESR annonce une enquête L’Institut du Bien-être social et de Recherches (IBESR) révèle avoir appris par voie de presse les allégations d’abus sexuels portées contre Yves Jean-Bart, président de la FHF. « Aussi, l’IBESR informe qu’une enquête est déjà initiée par la Brigade de protection des mineurs (BPM). L’IBESR réprouve ce genre de comportement indigne, scandaleux et honteux, qui peut avoir des conséquences néfastes sur ces jeunes tant sur le plan physique que sur le plan moral, et peut porter atteinte à leur dignité, intégrité et sécurité », peut-on lire dans la note. Plus loin, l’IBESR dit encourager toute autre autorité compétente à mener des enquêtes dans le cadre du respect des droits et libertés fondamentaux de la personne. « L’IBESR réitère son engagement, dans le cadre de sa mission de protection, de collaborer avec la BPM, afin que la lumière soit faite sur le dossier; et de prendre en charge les mineures identifiées par la justice », conclut la note. Les organisations de la société civile réagissent Dans une note de presse portant la signature de Nadine Louis, la Fondation TOYA a fait part de son indignation et “s’insurge de la tendance à l’instrumentalisation des joueuses et la banalisation de l’accusation faite à l’endroit du Dr Yves Jean-Bart, président de la FHF, pour abus sexuels sur mineures révélés par l’enquête du journal The Gardian en date du 30 avril 2020”. La fondation, dans cette note de presse, dit constater “une manipulation de l’opinion publique par certains médias et acteurs sociaux en position de leadership, sans aucun souci pour la protection des mineurs et des jeunes filles”. “Ce comportement selon nous témoigne du niveau de décrépitude de notre société, du mépris à l’égard de la valeur symbolique de la jeunesse et de l’irresponsabilité des institutions appelées à jouer le rôle de garant de la protection des droits”, écrit la fondation. La fondation dit constater “avec consternation et indignation une tendance à la manipulation des victimes et potentielles victimes à travers des prises de positions visant à dédouaner, sans enquêtes ni jugement, l’agresseur présumé”. Pour soutenir cette assertion, la fondation prend en exemple “l’usage abusif des athlètes mineurs les impliquant dans des initiatives de protestation et dans des prises de parole dans les médias, s’inscrivant dans une logique de victimisation des personnes faisant l’objet des dénonciations”. Enfin la fondation TOYA invite les différents acteurs à se ressaisir à travers des mesures administratives et judiciaires adéquates pour écarter tout obstacle qui pourrait faire écran à toute initiative ou démarche devant permettre aux victimes de dénoncer leurs agresseurs et de porter plaintes en toute sécurité dans la perspective d’élucider les faits. “Par conséquent, la Fondation TOYA exige : • un encadrement sécuritaire et psychosocial au profit des filles et jeunes femmes qui séjournent au centre de Croix des Bouquets et à leur famille ; • la démission de M. Yves Jean-Bart de son poste de président de la FHF pour isoler toute influence qui pourrait entraver les procédures ; • un rapport technique de la Commission nationale d'éthique sportive (CNES) du MJSAC installé le 3 janvier 2020 et qui à date reste silencieuse sur cette affaire ; • une enquête approfondie par la CONCACAF et la FIFA pour identifier les coupables ; • des poursuites judiciaires transparentes au cas où les allégations relatives à l’affaire Jean-Bart seraient vérifiées ; la Fondation TOYA invite les forces vives de la société à se solidariser autour de cette recherche nécessaire de lumière sur cette affaire”, conclut la note. Après avoir signé un communiqué conjoint demandant aux autorités de diligenter une enquête sur les accusations portées contre Jean-Bart, Sofa et Kay fanm viennent d’écrire au commissaire du gouvernement de Croix-des-Bouquets, Maxime Augustin. “L’article publié par le journal The Guardian, présentant Monsieur Jean-Bart comme un agresseur sexuel présumé, questionne le devoir moral de l’Etat de protéger l’intégrité physique et psychique des filles haïtiennes et plus généralement les droits de la personne. La vidéo montrant Yves Jean-Bart dans une posture scandaleuse avec une jeune fille interpelle en outre la conscience de la société tout entière sur les rapports qui peuvent être établis entre le plus haut dirigeant du football haïtien et une jeune joueuse, isolée de sa famille et vivant dans le centre, sous sa garde. La société haïtienne en général et les organisations féministes en particulier sont outrées par les images de cette vidéo ainsi que les allégations contenues dans cet article à l’encontre de Yves Jean-Bart”, écrivent les deux organisations. En conclusion, Sofa et Kay fanm soulignent “qu’il semble incontournable que, au vu des faits exposés, M. Jean-Bart soit immédiatement écarté de ses fonctions officielles. “Sofa et Kay fanm vous sollicitent, en votre qualité de protecteur de la société et de défenseur de ses intérêts, en vue de diligenter une enquête judiciaire pour que la lumière soit faite sur cette affaire et de prendre toutes les mesures conservatoires appropriées afin de protéger les victimes et de faciliter le bon déroulement de l’enquête”, conclut cette lettre ouverte portant les signatures de Sabine Lamour et Yolette André Jeanty, respectivement coordonatrices de Sofa et de Kay fanm.