Le Nouvelliste
De Agritrans à Sofidai, les anciens associés du président Jovenel Moïse ont un nouveau projet agricole, dénonce Youri Latortue
Sept. 6, 2019, midnight
Le sénateur Youri Latortue, président de la commission Éthique et Anticorruption du Sénat, cherche des explications sur la création de la Société de financement et de développement agricole et industriel (SOFIDAI). Le parlementaire, à cet effet, a adressé une correspondance au président du Grand Corps, Carl Murat Cantave. Ce, afin que le gouverneur de la BRH, Jean Baden Dubois, puisse fournir « des explications susceptibles de justifier des avantages accordés à la SOFIDAI au détriment d’autres structures légitimes de financement de l’Etat haïtien. Sur Magik9 ce vendredi, Youri Latortue indique que sa correspondance vise directement le gouverneur de la banque centrale qui doit fournir des explications sur la création, en novembre 2018, de cette société. « Le conseil d’administration de SOFIDAI est composé de Pierre Richard Joseph, Vassor Jeune, Kerlande Metayer Joseph et Edouard Clément. C’est ce même conseil que l’on retrouve dans Agritrans, accusé de détournement de fonds. Nous sommes étonnés de constater que c'est ce même conseil qui va diriger la SOFIDAI. Cette société financière va utiliser les fonds de la BRH. Selon une circulaire de la banque centrale, environ 100 millions de dollars ont été mis à la disposition des paysans et des agriculteurs à partir du 1er octobre afin de leur permettre d’obtenir des crédits à des taux préférentiels », a-t-il expliqué. Toutefois, Youri Latortue dit ignorer le montant alloué à SOFIDAI dans cette enveloppe de 100 millions de dollars. « Le gouverneur de la BRH doit fournir ces explications », estime-t-il. Si trois des membres du conseil d’Agritrans dirigent actuellement le conseil d’administration de la SOFIDAI, Youri Latortue indique qu’un 4e membre a été pour sa part nommé à la tête du Fonds de développement industriel. « Cela dit, Agritrans dirige à la fois une société financière privée (SOFIDAI) et une institution publique (FDI) », résume-t-il. Interrogé sur les procédures à suivre pour qu’une entreprise soit affiliée à la BRH, Youri Latortue rappelle que la SOFIHDES, fondée dans les années 1980, a construit sa crédibilité et a été inspectée par la BRH avant d’être affiliée. « La SOFIDAI est créée en novembre 2018, immédiatement après la circulaire. Il n’y a même pas une pancarte de cette institution au siège social mentionné dans les documents », fait-il remarquer. De la parution de la circulation de la BRH (octobre 2018) à aujourd’hui, Latortue indique que plus de 40 millions de dollars ont déjà été décaissés. « Il faut que la banque fournisse des explications sur l’utilisation de ce montant, sur la manière dont les prêts sont accordés, etc. La BRH doit également expliquer s’il n’y a pas eu de vérification sur le conseil d’administration de SOFIDAI avant d’avoir autorisé cette affiliation. Car quelqu’un qui doit répondre de ses actes devant un tribunal de droit commun ne peut pas gérer des fonds publics », a-t-il fait savoir, estimant qu’il y a eu traitement de faveur dans le cadre de ce dossier. « De plus, si la BRH, qui doit se tenir en dehors des scandales, traite avec des gens indexés par la justice, cela veut dire qu’elle ne respecte pas le rapport d’une juridiction administrative », avance le sénateur. Dans sa correspondance adressée à Cantave, Youri Latortue fait remarquer que la SOFIDAI, société privée, relativement récente (moins d’une année d’existence), et « inconnue » du secteur financier, bénéficie de l’endossement de la BRH ; au point d’être accréditée sur la page web de la banque comme une référence institutionnelle en financement. « (…) Les anomalies de ce dossier concernent les plus hautes autorités de l’Etat. A titre d’exemple, veuillez noter que la composition du conseil d’administration de la SOFIDAI, appelé désormais à gérer des millions de dollars avancés par la BRH à un taux largement préférentiel, est quasiment le duplicata du Conseil d’administration de la société Agritrans, objet de plusieurs scandales de corruption (UCREF, CSC/CA et commission sénatoriale). A noter que le taux accordé par la BRH, à la SOFIDAI est de 1% ; et qu’en retour la SOFIDAI finance les agriculteurs au taux de 6%. Pourquoi priver nos paysans de cette marge bénéficiaire ? », peut-on lire dans cette correspondance. Plus loin, Latortue indique que SOFIDAI, dont le siège social se trouve à la rue Dalencourt à Bourdon, exactement comme Agritrans, n’a aucun registre d’expertise ou de compétences justifiant le favoritisme dont elle semble bénéficier. « En outre, le conseil d’administration d’Agritrans est accusé de s’être adonné à une vaste stratégie de détournement de fonds publics par la CSC/CA et doit incessamment en répondre par-devant la justice. La BRH serait-elle tentée de s’adonner à une stratégie de détournement de fonds publics, aux côtés de personnes jusqu’ici indexées par la justice ? Ce constat, ajouté à une pléthore d’anomalies, les unes plus grossières que les autres, dont la nomination du trésorier de Agritrans Edouard Clément à la direction du FDI, nous pousse à intervenir pour assurer que les fonds du FDI et ceux prévus par la BRH à cet effet ne soient dilapidés par SOFIDAI, au détriment des agriculteurs et des paysans de l’arrière-pays, auxquels il est censé venir en aide », écrit le sénateur.