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Le Nouvelliste

Coronavirus : deux décès suspects au pénitencier national

June 1, 2020, midnight

L’épidémie de la Covid-19 n’épargne pas la prison civile de Port-au-Prince. Le 28 mai dernier, le détenu Jacques Baudelaire, 72 ans, est décédé. Selon Pierre Espérance, directeur exécutif du Réseau national de défense des droits humains (RNDDH), ce détenu présentait tous les symptômes du nouveau coronavirus. Pierre Espérance dénonce la passivité du ministère de la Santé publique (MSPP) dans ce décès. « Il souffrait de fièvre, de grippe et de difficultés respiratoires ; ce qui a valu au responsable médical de la prison de formuler auprès du MSPP une demande de dépistage en sa faveur. Aucune suite n’a été donnée à cette demande. Il est mort sans avoir effectué le test », dénonce M. Espérance, ajoutant qu’un autre prisonnier, Julien Hérard, arrêté pour vol, est aussi décédé à la prison civile le 31 mai.  Selon Pierre Espérance, Jacques Baudelaire a été écroué le 3 novembre 2017. « Les charges retenues étaient nombreuses : détournement de fonds, faux et usage de faux, association de malfaiteurs et faux en écriture. Il semblerait qu’il ait été jugé, libéré puis retenu pour autre cause. Il était donc en attente d’un second jugement. Par rapport à son âge avancé, le détenu avait effectué des démarches en vue de recouvrir sa liberté, craignant d’attraper la Covid-19 », indique le responsable du RNDDH, soulignant que Jacques Baudelaire partageait sa cellule avec Clifford Brandt et l’ancien député Anthony Dumont. Le défenseur des droits humains confie que les deux autres co-détenus présentent également les symptômes du coronavirus. « Les deux ont été dépistés le week-end écoulé. Entre-temps, Clifford Brandt a été admis à l’infirmerie et Antony Dumont est toujours dans sa cellule », confie Pierre Espérance. Selon ce dernier, les autorités n’accordent aucune attention aux conditions sanitaires dans les centres de détention, notamment au pénitencier national. « Les agents de la DAP (Direction d’administration pénitentiaire) ne sont pas équipés pour faire face à cette situation. Les autorités n’améliorent pas les conditions sanitaires à l’intérieur des prisons. Les dispositions prises par le ministère de la Justice pour désengorger les prisons n’ont pas donné trop de résultats. Seulement quelque 800 détenus ont été libérés alors que la population carcérale est de plus de 11 000 prisonniers, dont la majorité est en détention préventive prolongée », déplore le responsable du RNDDH.   L’OPC déplore l’indifférence du pouvoir exécutif  Il y a quelques semaines, le Protecteur du citoyen, Renan Hédouville, avait tiré la sonnette d'alarme sur la situation des centres de détention en ces temps de coronavirus. Il avait également fait des recommandations aux pouvoirs exécutif et judiciaire. Contacté par le journal lundi, Renan Hédouville a déploré l’indifférence de l’exécutif. « Après la publication du rapport, le président du CSPJ nous a contactés. Nous avons eu un entretien sur la question. Le CSPJ a formé une commission de trois membres qui doivent travailler avec trois autres membres de la commission désignés par l’OPC. La commission a déjà eu deux journées de travail. Cela avance sérieusement avec le CSPJ. La DAP, quoique dépourvue de moyens, se montre très coopérative. D’ici lundi prochain, il y aura une liste définitive de détenus qui doivent être libérés pour des raisons humanitaires », explique le Protecteur du citoyen. Selon lui, ces démarches peuvent être vaines sans l’implication du commissaire du gouvernement. « Il n’y a pas encore l’implication directe du gouvernement dans ce travail. Le président de la République ainsi que le Premier ministre n’ont pas encore réagi aux recommandations que l’OPC leur avait formulées. Cela traduit une indifférence totale de la part de l’exécutif qui ne se montre pas préoccupé du sort des détenus dans le contexte de l’épidémie », critique Renan Hédouville.  Certains détenus paient les conséquences du dysfonctionnement de la cour d’appel Le Protecteur du citoyen a par ailleurs indiqué que certains détenus sont en train de payer les conséquences du dysfonctionnement de l’appareil judiciaire. « Antony Dumont avait interjeté appel après sa condamnation depuis plus d’un an. Jusqu’à présent, la cour d’appel ne s’est pas prononcé sur son recours. C’est la même situation pour l’ancien député Arnel Bélizaire dont les avocats ont saisi la cour d’appel depuis plus de 3 mois. C’est un déni de justice. A l’heure actuelle, il n’y a pas de commissaire du gouvernement à la cour d’appel. L’ancien commissaire a été nommé à la tête de l’ULCC. Ce tribunal ne fonctionne pas », a encore critiqué le responsable de l’OPC.