this used to be photo

Le Nouvelliste

Jovenel Moïse « assume son statut de despote », selon ses opposants

Jan. 20, 2021, midnight

Le président Jovenel Moïse n’y est pas allé avec le dos de la cuillère en dégainant ses menaces. « Nous avons déjà commencé à surveiller beaucoup de choses dans le pays (…)  Nous avons pris la décision de créer l’Agence nationale d’intelligence (ANI)  afin de surveiller les ‘’vakabon’’ au pays. Yon nèg lè lajan grate w, w ap fè sa k pa sa avè l, n ap met pwa grate dèyè w, sa vle di pou lajistis mete w yon kote … Quand quelqu’un utilise son argent pour déstabiliser le pays, c’est du terrorisme. Nous vous surveillons, n ap rive sou ou », a poursuivi le président avant de prévenir ses adversaires politiques qu’ils ne pourront plus agir comme en 2018, 2019 et 2020. Pour des acteurs politiques et de la société civile, le président Jovenel Moïse « assume son statut de despote ». « Par cette dernière déclaration, il assume son statut de despote », a insisté le Dr Stéphane Michel de Nou Pap Dòmi. « Le président, de fait, a tous les pouvoirs. Il les exerce de manière autocratique, a indiqué Dr Stéphane Michel. Il ordonne à l’organisme qu’il a créé en violation de la Constitution et en faisant fi des alertes citoyennes, de la société en général ainsi que des partenaires internationaux, d’effectuer une surveillance sur des citoyens haïtiens opposés à son projet politique. C’est effrayant mais il reste cohérent dans l’illégalité, la violation des principes démocratiques », a-t-il poursuivi, esquissant le caractère du pouvoir. « C’est un pouvoir personnel de jouissance et tyrannique qui veut imposer à la nation sa volonté sans discussion », a indiqué le médecin qui pousse ses interrogations. « Ce serait intéressant d’entendre les sénateurs, sont-ils aussi espionnés ? La presse est-elle espionnée ? Les délégations étrangères sont-elles espionnées ? », s’est-il demandé. L’ex-sénateur Steven Benoit a soutenu que « l’ANI existe illégalement depuis des années, depuis le début du régime PHTK ». « Des sénateurs de l’opposition étaient sous surveillance. Jovenel ne faisait qu’essayer de régulariser une pratique illégale et inconstitutionnelle », a poursuivi l’ex-sénateur de l’Ouest qui soutient que « les dictateurs deviennent toujours très méchants, criminels avant leur départ du pouvoir ». « Ils sont prêts à tout : assassinats spéculaires, élimination des droits fondamentaux de la population. Le droit de circuler, de manifester, de réunion des partis politiques, etc. », a soutenu Steven Benoit, soulignant que pour garder le pouvoir, Jovenel Moïse « pense pouvoir compter sur sa police répressive, une frange de la PNH, sur l’USGPN, la BSAP, les FAd’H, remobilisées de manière irrégulière et illégale et surtout ses gangs fédérés ». « À l’opposition et à la société civile de s’organiser et de proposer une sortie ordonnée de Jovenel et la mise en place d’un gouvernement de transition de rupture »,  a appelé l’ex-sénateur Steven Benoit. « Avec l’ANI, Jovenel Moïse s’écarte de la Constitution et des principes démocratiques. Il assume son statut de président autoritaire », a confié Me André Michel du Secteur démocratique et populaire. « L’Agence nationale d’intelligence ( ANI), c’est la matérialisation d’une politique autoritaire. C’est la mise en œuvre de la volonté de Jovenel Moïse de réprimer celles et ceux qui se battent pour le respect de l’article 134-2 de la Constitution qui précise que le mandat constitutionnel de Jovenel Moïse prendra fin le 7 Février 2021 », a-t-il fait savoir. « Nous sommes face à un pouvoir impliqué dans des actes de corruption ( PetroCaribe) et de criminalité ( massacres de la Saline, Bel-Air, Cité-Soleil, Pont-Rouge). Nous demandons à la population de se lever du nord au sud, de l’est à l’ouest, pour faire respecter la Constitution », a appelé Me André Michel. Panique, panique « Les dernières déclarations du président Jovenel Moïse doivent nous inquiéter tous. Cette sortie du chef de l’État traduit une panique », a confié le journaliste Hérold Jean-François qui est attentif aux expressions autoritaires du président. «  Quant à l’autoritarisme, on n’en est pas à la première expression venant du président Jovenel Moïse. Il ne faut pas oublier la menace de “ ti aksidan” ki ka rive moun ki pa vle mete kò yo sou kote, ki refize rete nan plas yo... “Suivez mon regard”... La menace du “train” k ap pase sou moun ki kanpe anfas Prezidan an. Cette fois c’est la menace par rapport à l’ANI. Dans la bouche du président aujourd’hui, la justice a un nouveau nom: “ pwagrate” », a souligné Hérold Jean François qui n’oublie pas non plus les «dialogues communautaires». « Il s’est gaussé avec satisfaction d’être celui qui désormais va faire les lois, en indiquant, que ce n’est pas toujours facile quand on doit collaborer avec un autre pouvoir », a poursuivi Hérold Jean François qui n’a pas plus de doute en ce qui concerne le président Moïse. « Il n’y a pas l’ombre d’un doute, le président Jovenel Moïse qui veut être seul maître à bord n’a pas la projection d’un démocrate, tant et si bien qu’il veut se donner une autre constitution où il élimine: le Sénat, l’une des plus vieilles institutions nationales depuis 1807; retire le Premier ministre du système et avoir les coudées franches avec une Chambre des députés “ j’approuve”, a la manière de François Duvalier. Tout cela, après avoir éliminé les prérogatives de contrôle de la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif », a-t-il indiqué. Retour aux années de plomb « Le président considère les manifestations de rues pacifiques comme des actes de déstabilisation. Non, ce n’est pas le cas. Aujourd’hui, nous vivons une situation jamais vécue depuis le départ  du dictateur Jean-Claude Duvalier le 7 février 1986 », a confié au journal le responsable du RNDDH, Pierre Espérance.  « Nous condamnons cette déclaration du président Jovenel Moïse. C’est une menace, une attaque contre la liberté d’expression et d’association. C’est une atteinte aux droits civils et politiques garanties par la Constitution du pays, la déclaration universelle des droits humains et le pacte relatif aux droits civils et politiques », a revendiqué Pierre Espérance. « Nous considérons ces menaces comme une crise de panique de la part de l’exécutif. Le président a dit qu’avec l’ANI, il contrôle les gens. Le président a trop de gens à contrôler. C’est la société qui a rejeté l’ANI et les institutions internationales, les pays amis, tous ont reconnu que l’ANI a un pouvoir extrajudiciaire, au-dessus  de la Constitution et de toutes les institutions du pays », a constaté le militant des droits humains qui encourage  la population à combattre les dérives avec rigueur. « Nous n’avons pas à nous courber devant des actes contraires à la loi. Nous fonctionnons sous l’égide de la Constitution de 1987, de la déclaration universelle des droits de l’homme et de toutes les conventions ratifiées qui protègent les droits civils et politiques. Quand le président dit qu’on arrêtera les gens qui manifestent, cela veut dire qu’il a instrumentalisé les institutions. Il peut utiliser la police et la justice à des fins politiques », a-t-il dit, dénonçant le fait que le pouvoir ne soit pas intéressé à combattre l’insécurité, le phénomène des gangs, l'impunité. « Ils ont une seule chose en tête, c’est priver la population de ses droits », a déploré Pierre Espérance qui défie le président Moïse. « Quand les gens manifestent, font un sit-in, une marche pacifiquement, ils ne commettent aucune infraction. Ce n’est pas un crime. La Constitution de 1987 stipule que les citoyens et citoyennes doivent notifier la police lorsqu’ils organisent une activité sur la voie publique. Une fois que la police est notifiée, elle se doit d’assurer la sécurité de tout le monde. Nous voudrions savoir quelle infraction et les chefs d’accusation que le président peut imputer à quelqu’un ou à un groupe de personnes qui supporte ou qui finance cette manifestation ? Quel est le crime commis par ceux qui supportent une manifestation ? », s’est demandé Pierre Espérance qui a encouragé ceux qui le peuvent à financer les manifestations pacifiques. Face à une levée de boucliers contre l’ANI et d’autres décrets jugés tyranniques, liberticides et les préoccupations du Core Group, l’exécutif avait, fin 2020, joué la montre en sollicitant une consultation sur le décret du l’ANI et celui pour renforcer la sécurité publique. Mais cette fois, le président Moïse ne s’est pas dérobé. Il assume la philosophie et l’objet de l’ANI : un épouvantail et un appareil répressif pour se débarrasser de ses opposants. Le président Jovenel Moïse s’est exprimé après les préoccupations exprimées par l’ONU via le Haut-Commissariat des Nations unies pour les droits de l’homme. « Les récents décrets présidentiels créant une agence nationale de renseignements et renforçant la sécurité publique sont inquiétants, car les analyses préliminaires indiquent qu’ils ne semblent pas conformes aux normes et normes internationales en matière de droits de l’homme. Ils risquent également de conduire à une nouvelle répression des droits à la liberté de réunion pacifique, d’association et de liberté d’expression », a indiqué le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme. L’ANI n’est pas un corps de répression contre les citoyens et citoyenne, selon le gouvernement « L’ANI n’est pas constituée pour être un corps de répression contre les citoyens et citoyennes. Le président de la République n’a pas de velléité de persécution contre quiconque. Au contraire, au cours de ses quatre années de gestion, l’administration a été l’objet de multiples attaques de la part des oligarques et des politiciens rétrogrades. Comme le président l’a si bien dit, s’il y mène une persécution depuis son arrivée au pouvoir et qu’il compte poursuivre au cours des douze mois qu’il lui reste à la présidence, c’est contre la misère, contre l’analphabétisme, contre le black-out, contre le sous-développement, contre la médiocrité et en faveur d’un avenir meilleur pour le pays », a confié au journal le ministre des Affaires étrangères, Claude Joseph. « Cependant,  a poursuivi le chancelier, en réaction au combat du Président contre leurs privilèges et pour une meilleure répartition des richesses du pays, les oligarques ont frappé fort en finançant notamment l’instabilité et le «peyi lòk». Pas besoin d’une agence pour les surveiller parce que le peuple, qui a la souveraineté, observe et donnera son verdict à travers les urnes ».  « La situation qui prévaut dans le pays depuis un certain temps porte à réfléchir sur la sécurisation de notre territoire. Il ne fait aucun doute que nous avons des problèmes de sécurité et de contrôle de notre territoire que la police et l’armée à elles seules ne peuvent assurer. Un état normal ne peut pas garantir la sécurité de sa population et le contrôle de son territoire sans un service d’intelligence », a indiqué le ministre des Affaires étrangères, Claude Joseph. Roberson Alphonse