Le Nouvelliste
La coopération Sud-Sud comme riposte à la pandémie de Covid-19
May 6, 2020, midnight
Cette conversation globale présentée sous forme « webinar », à travers la plateforme d’appels Zoom, autour du thème central « Les Suds face au Covid-19 : De la gestion de crise à l’indispensable disruption », découle d’une stratégie consistant à partager les expériences respectives des pays du Sud afin de les aider à mieux s’armer pour combattre la propagation de la pandémie de Covid-19. Dans ce combat, sans qu’on puisse déterminer avec exactitude le comment et le pourquoi, l’Afrique pour l’instant s’en tire mieux que les autres continents avec seulement 1,1% de malades et 0,5% de morts pour plus de 12 000 guérisons. Laurent Lamothe, ancien Premier ministre d’Haïti, un des instigateurs de cette initiative, parle d’« anomalie statistique » car l’Afrique représente 17% de la population mondiale. Y a-t-il une leçon africaine à tirer et à véhiculer aux autres pays du Sud, notamment à Haïti ? Dans cette lutte contre le nouveau coronavirus, Bocchit Edmond, ancien chancelier haïtien, actuellement conseiller diplomatique de la présidence de la République d’Haïti, a formulé deux propositions concrètes dans un souci de concerter l’ensemble des plans de riposte mosaïque poursuivis au niveau national dans les pays du Sud. La première proposition estampillée Bocchit Edmond consiste en l’organisation d’une conférence mondiale à l’instar de celle de Bretton Woods en 1944 mais consacrée celle-là aux questions sanitaires afin d’aider au renforcement du système sanitaire mondial et de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), créée afin d’aider les états membres de l’ONU à faire face aux questions sanitaires et dont la gestion de la crise du Covid-19 est pointée du doigt par plusieurs pays, en particulier les Etats-Unis. La seconde proposition de M. Edmond pousse les pays du Sud, lors de cette conférence ou peut-être ailleurs, à l’adoption d’une taxe pandémie collectée à partie d’activités financières internationales (sur les billets d’avions, les exportations…) et remise ensuite à l’OMS qui serait en charge de faire une répartition entre les pays du Sud ou les pays en développement afin de leur permettre de renforcer leurs structures sanitaires. A ce moment précis où la communauté scientifique est très divisée, Brahim Fassi Fihri, président l’Institut Amadeus, un think tank marocain, l’autre instigateur de l’initiative, évoque la nécessité d’explorer des champs possibles de coopération entre pays africains et caribéens pour se renforcer d’abord et pour parler ensuite d’une seule voix vis-à-vis des pays du Nord afin de promouvoir des solutions émanant des pays du Sud. La résilience surprenante du continent africain face au Covid-19 peut sans doute servir de tremplin à une coopération sud-sud comme axe possible de riposte contre cette pandémie. Cette première initiative haïtiano-marocaine non officielle réunissant autant d’officiels africains et caribéens de très haut niveau (anciens et actuels ministres, conseillers spéciaux, etc.) en est la preuve. « Je me réjouis de ce partage d’expérience Sud-Sud à travers ce type de plateforme qui doit être se démultiplier puisque les problématiques africaines sont les mêmes dans les pays des Caraïbes, en Haïti notamment », a déclaré Brahim Fassi Fihri insistant pour que des solutions Sud en matière sanitaire puissent être implémentées ailleurs dans les autres pays du Sud. Il fait référence donc à l’expérience du Sénégal où l’Institut Pasteur de Dakar est en train de développer un test de dépistage rapide en moins de 10 minutes à un coût très faible (maximum un euro). L’expérience malgache de traitement du Covid-19 à base d’artémise est aussi évoquée sans oublier la réponse marocaine, élevée au rang d’exemple à suivre par Laurent Lamothe, et qui consiste notamment en la production massive de masques localement et en l’injection de plus de 300 millions d’euros dans l’économie. Si Haïti dispose de moyens assez faibles et ne peut s’aligner intégralement sur la riposte marocaine, Laurent Lamothe a par contre identifié trois points essentiels pour parvenir à une stratégie gagnante. Il s’agit d’une une campagne agressive sur la stigmatisation, d’une participation active des élites dans la résolution de la crise et d’une campagne citoyenne pour saluer le personnel médical risquant sa vie tous les jours pour soigner les malades. Au-delà des considérations sanitaires, les pays du Sud représentent un marché porteur pour les exportations Sud-Sud pouvant contribuer à créer des emplois, à exposer au reste du monde le savoir-faire des pays du Sud et, signale Lamothe, la solidarité Sud-Sud devrait booster substantiellement les économies du Sud. Et, à grâce à la technologie, on assiste à l’effondrement des barrières empêchant aux échanges culturels et commerciaux de prospérer. Les réflexions et partages d’expérience de ce « webinar » – « Covid 19 : Contours d’une réponse unifiée des pays du Sud » – ont fait ressortir les préoccupations entourant les retombées de cette crise sanitaire sur environ 52 pays en Afrique et 13 pays indépendants de la Caraïbe. De même que celui du jeudi 30 avril dernier « Crise Sanitaire : Quel ordre dans le chaos ? ». Le dernier de cette série de « webinar » se tiendra le mardi 12 mai 2020 autour du thème « Innovation pour une relance économique rapide et durable ».