Le Nouvelliste
« Si le président le dit, c’est faux »
May 21, 2020, midnight
Le président a encore frappé. Parlant encore à côté des urgences. La dernière à avoir été formulée sur le terrain politique, c’est l’exigence de son départ. Sur le plan social, c’est l’épidémie, l’augmentation accélérée du nombre de cas et de décès. Pas le moment de venir radoter sur l’électricité vingt-quatre heures sur vingt-quatre, alors que les conditions de vie de la population n’ont cessé de se dégrader. Pas le moment de venir jouer à l’homme de progrès, alors que lui, ses parlementaires (on se souvient de la bande à Bodeau), son parti, son prédecesseur du même parti ont été la négation de toute conscience sociale, de toute prise en compte des intérêts de la majorité. Dans la mémoire populaire, dans la réalité que les gens subissent : PHTK = jouisseurs. Prétendre parler au nom du peuple, il ne manquait plus que ça. À jouisseur l’imaginaire ajoute menteur. Et les gens n’écoutent pas. L’épidémie nous tombe dessus dans ce contexte où le peuple n’accorde aucune confiance au moindre énoncé du pouvoir politique. « Si Jovenel le dit, c’est faux. » La colère, la défiance sont telles que même des gens dont la capacité de réflexion est avérée émettent des doutes sur la réalité de la maladie, parlent de complot à visée répressive et d’enrichissement personnel des membres du pouvoir, de ce à quoi ce pouvoir nous a habitués : visées répressives, enrichissement personnel, mépris des institutions. Il n’y a pas de raison pour qu’il change de nature. On peut concevoir que même dans le pire le PHTK sera, au moins en partie, fidèle à la tradition. Mais la maladie existe, elle affecte des gens, prend des vies. Il faut combattre cela. Malgré Jovenel Moïse et le PHTK, la méfiance justifiée qu’ils inspirent. La création d’une commission avait porté une certaine espérance. « Si Jovenel le dit, c’est faux.» Mais les scientifiques, on n’a pas de raison de ne pas leur faire confiance. Les premières sorties de la commission dirigée par les docteurs Pape et Adrien ont été catastrophiques du point de vue de la communication. Si l’on veut servir, on se doit de tenir compte de tous les aspects de la réalité. C’est seulement à cette condition que l’on peut être efficace. Quand l’urgence était de tenir un discours capable de convaincre sur l’existence de la maladie, les risques qu’elle présente, les mesures à prendre, le réalisme et la justesse de propositions concrètes, on a eu l’impression que la commission voulait convaincre que Jovenel/PHTK ne sont pas un problème. Maladresse, s’il faut appeler la chose par son nom. « Si Jovenel le dit, c’est faux», c’est dans l’imaginaire populaire. Aujourd’hui, pour prévenir, guérir, sauver des vies, il faut un appel collectif à la nation porté par des voix multiples, non identifiables au pouvoir politique. Jovenel Moïse/PHTK ont perdu tout pouvoir de convocation. Souhaitons que médecins, femmes et hommes de divers secteurs de la société civile lancent une vraie campagne de sensibilisation. On ne peut pas amener Jovenel Moïse à se taire. Il a des armes pour défendre ses mots. Mais on peut le laisser parler dans le vide, hors contexte. Je crois que les docteurs Pape et Adrien seront d’accord avec moi sur la nécessité de convaincre la population des dangers de l’épidémie. À eux et nous tous d’être inventifs pour trouver les mots pour convaincre sachant que pour la population, « Si Jovenel le dit, c’est faux ». On ne peut pas sanctionner la population pour motif de surdité. Jovenel Moïse/PHTK ont tout fait pour l’amener à ce degré zéro de confiance. Il faut que d’autres voix lui parlent. Et autrement.