Le Nouvelliste
Les autorités haïtiennes appelées à mieux communiquer sur le Covid-19
March 13, 2020, midnight
Les autorités sanitaires n’ont toujours pas communiqué sur le protocole de prise en charge en cas de manifestation des symptômes du coronavirus. Alors que la pandémie ne cesse de se propager à travers le monde, les citoyens haïtiens vivent avec un sentiment de vulnérabilité. La présidente de la Confédération nationale des vodouisants haïtiens ne cachent pas la peur qui traverse cette communauté. « Nous sommes une communauté à risque », a confié Euvonie Georges Auguste, qui souligne la prédisposition des croyants à consulter les houngans face à quelque chose pour lequel ils n’ont aucune explication. La mambo appelle les responsables du ministère de la Sante publique et de la Population à leur communiquer les informations au fur et à mesure afin de les partager avec les hougans et les mambos partout sur le territoire national. Euvonie Georges Auguste précise que la Confédération nationale des vodouisants haïtien (KNVA) dispose d’un vaste réseau à travers tout le pays. « Nous avons des représentants sur tout le territoire national et même à l’étranger qui peuvent traduire les messages de la santé publique en langage vodou afin de les rendre disponibles aux pratiquants qui en ont besoin pour se protéger », ajoute-t-elle. Plusieurs houngans ainsi que des membres de leur famille avaient contracté le choléra, d’autres ont été tués par des membres de la communauté où ils vivaient faute d’informations sur la nature de la maladie et sur son mode de propagation. Euvonie Georges Auguste ne voudrait pas que cela se reproduise en cas d’introduction du Covid-19 en Haïti. Tout de suite après le tremblement de terre du 12 janvier 2010, une cellule de communication de crise a été créée et gérée par le ministère de la Culture et de la Communication. L’idée a été reprise avec l’introduction du choléra en octobre 2010. « Cette cellule fonctionnait en permanence. Les équipes se relayaient. Des professionnels du ministère de la Culture et de la Communication ainsi que d’autres ministères qui y travaillaient donnaient des conférences de presse chaque trente minutes. Ces conférences de presse étaient retransmises en direct par les médias », se souvient Marie Laurence Jocelyn Lassègue qui était à cette époque ministre de la Culture et de la Communication. Elle rappelle que les jeunes professionnels qui travaillaient au sein de cette cellule de crise bénéficiaient de séances de formation et de l’accompagnement des autorités de la Santé publique, de la Protection civile et d’autres entités impliquées dans la prise en charge en vue d’informer et d’orienter la population. Marie Laurence Jocelyn Lassègue insiste sur la «cohésion» qu’il y avait au niveau de la cellule et le choix de donner la parole aux spécialistes plutôt qu’aux politiciens. En partenariat avec la Digicel, la cellule disposait d’un numéro standard, le #300, lequel les abonnés de n’importe quelle compagnie pouvaient appeler gratuitement pour demander des informations et solliciter de l’aide. Marie Laurence Jocelyn Lassègue pense que cette stratégie qui a été adoptée en 2010 peut être renforcée par les autorités actuelles face au coronavirus. L’ancienne ministre de la Culture et de la Communication qui plaide pour une centralisation de la communication, dans un espace désigné à cet effet, invite les autorités à adopter leur stratégie au développement du numérique. « Aujourd’hui, tout le monde se croit spécialiste en partageant des informations qui viennent de partout sur les réseaux sociaux. Il faut haïtianiser la prévention », recommande-t-elle. Pour le standard auquel les gens peuvent appeler, Marie Jocelyn Lassègue suggère plutôt un numéro à trois chiffres à la place du 4333-3333 mis disponible par les autorités. « Ce numéro doit être également gratuit », conseille-t-elle. Depuis plusieurs semaines, les responsables de l’Association nationale des médias haïtiens (ANMH) et de l’Association des médias indépendants d’Haïti AMIH) avaient annoncé avoir mis leur antenne disponible en vue de faciliter la tâche aux autorités dans leur campagne de communication. Marie Jocelyn Lassègue invite les autorités à saisir cette occasion. « Il faut utiliser les médias haïtiens, il faut utiliser les médias sociaux. Sur les réseaux sociaux, ce doit être la parole de l’État haïtien qui prévaut », dit-elle.