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Le Nouvelliste

Covid-19 : une urgence dans l'urgence

March 31, 2020, midnight

Tous les chiffres - de la mortalité maternelle à la gestion de la transition épidémiologique, en passant par la récurrence des maladies infectieuses - prouvent déjà qu'Haïti faisait face à une crise sanitaire. Le Covid-19 commence à exacerber les maux encapsulés que nous peinions jusqu'ici à anelgésier.  Cet aspect est un secret de polichinelle. Ce que nous ne savons pas, c'est que si certains pays ont dû attendre l'aggravation de la situation sanitaire avec des centaines de cas en soins intensifs pour faire le choix le plus pénible de la médecine, à savoir décider qui doit vivre ou qui doit mourrir, le Covid-19 et les choix qu'il impose bousculent le pays dans une situation où certains en meurent en attendant l'aplanissement de la courbe épidémiologique.  Des hôpitaux publics sont en grève et certains hôpitaux privés ont dû fermer leurs cliniques externes. Conséquences: pour chaque patient qui ne peut plus se rendre en clinique externe pour un malaise et une raideur de la nuque, c'est un cas d'ACV que nous risquons d'avoir s'il s'agit d'une hypertension artérielle mal contrôlée.   Le Covid-19 n'est pas une vue de l'esprit, certains le paient déjà de leur vie. Certains choix s'imposent à tous les pays, d'autres au contraire sont imposables uniquement aux pays qui sont dans les starting blocks dans le marathon de la modernisation des systèmes de santé.  Ainsi, l'hôpital Saint-Damien, l'un des meilleurs hôpitaux pédiatriques d'Haïti, avait révélé au quotidien Le Nouvelliste le mécanisme de la prise en charge des enfants cancéreux en Haïti. « Il n'y a aucun centre de radiothérapie en Haïti, l'ultime recours des patients cancéreux. Malgré la pose, il y a longtemps, d'une première pierre pour la construction de l'Institut national de cancérologie. Généralement, les patients sont envoyés en République dominicaine où ils passent 3 mois environ de radiothérapie avec la mère ou le père», se désolait le Dr Pascale Yola Heurtelou Gassant, chef de service d'oncologie pédiatrique à l'hôpital Saint-Damien. En ce qui a trait aux sous-types de la leucémie (cancer du sang), ce diagnostic a été facilité grâce à un partenariat entre l'hôpital Saint-Damien, qui peut faire le diagnostic morphologique, et un centre au Guatemala. Le test coûte 350 US et les résultats arrivaient en une semaine ; les enfants ne payaient rien. Avant les énormes progrès de l'hôpital Saint-Damien, le diagnostic des tumeurs solides a été posé grâce aux laboratoires de la République dominicaine. Cependant, ils arrivaient à  développer un partenariat avec un anatomopathologiste permettant à cet hôpital de faire le diagnostic en Haïti.  Avec l'apparition du Covid-19, qu'il s'agisse de la radiothérapie en République dominicaine, du diagnostic ou du partenariat avec l'anamopathologiste haïtien qui a dû travailler depuis avec un personnel réduit, tout est au point mort. En revanche, le service d'oncologie pédiatrique continue d'envoyer les spécimens au Guatemala, sachant qu'un jour tout peut s'arrêter, car chaque pays essaie de faire face à ces difficultés et les compagnies de transport ont tendance à fermer leurs portes. le Dr Pascale Yola Heurtelou Gassant ne cache pas ses préoccupations. « Nous avons actuellement une patiente en République dominicaine qui suit les sessions de radiothérapie régulièrement. D'autres patients sont en attente actuellement, ils n'ont pas pu se rendre en République dominicaine pour compléter leur traitement, d'où la necessité d'avoir ses propres ressources en Haïti. Nous dépendons trop de l'extérieur, très probablement si le confinement devient total avec fermeture de la frontière de 3 mois ou plus, l'une des patientes ne pourra plus béneficier de la radiothérapie car le délai serait passé », a confié la pédiatre oncologue. Dans ce cas précis, cette patiente est dans la tourmente. En revanche, elle souligne que le laboratoire au Guatemala n'a envoyé aucune note jusqu'ici pour suspendre l'envoi des spécimens. « Nous continuons à obtenir des résultats », a-t-elle affirmé, avant de souligner que l'anatomopathologiste haïtien qui aidait l'hôpital Saint-Damien dans le diagnostic des tumeurs solides ne reçoit plus les spécimens. « Je ne peux plus envoyer les blocs de paraffine en deuxième révision ; le laboratoire travaille avec un personnel réduit, donc il a limité certaines demandes ». La pandémie affecte également la consultation et l'hospitalisation au service d'oncologie pédiatrique de l'hôpital Saint-Damien.  « Pour le moment nous utilisons le canal virtuel pour les patients en vigilance. Ceux en vigilance de moins de 1 an seront contactés par téléphone et probablement seront vus de manière trimestrielle, et ceux de plus d’une année seront contactés par téléphone et seront vus 2 fois par an. L'hospitalisation de certains patients qui suivent un traitement sera prolongée selon le protocole et suivant le lieu de résidence afin de diminuer l'exposition à l'environnement et respecter la distance sociale. Les rendez-vous de contrôle ont été diminués et se font par téléphone », a expliqué le Dr Gassant.  Malgré ce sombre tableau imposé par la conjoncture actuelle, le chef de service d'oncologie pédiatrique de l'HSD ne perd pas espoir. « Un plan de contingence a été développé au niveau de l'hôpital Saint-Damien, y compris l'oncologie. Pour l'instant, les soins du patient oncologique n'ont pas été modifiés . Mais des mesures ont été prises au cas où cela serait nécessaire. Mais toujours en garantissant des soins de qualité et un traitement adéquat sans affecter ou changer le pronostic de chaque patient. L'hôpital a établi des mesures et nous avons également établi des mesures spécifiques aux services. Les visites sont interdites, le personnel reste sur place pendant 24 heures, on applique la réduction des jours de travail et la redistribution du personnel de l'unité oncologique. Nous avons eu, à travers la FHACI (Fondation haïtienne anti-cancer infantile), un don de la Brasserie la Couronne. Ce dernier nous donne une quantité de bouteilles d'eau et de gazeuses depuis environ 1 an. Les bouteilles d'eau sont données en quantité aux enfants et aux parents et les gazeuses exlusivement aux parents. L'alimentation des patients est toujours assurée par l'hôpital.» L'hôpital a pris également des mesures préventives. « Les visites ont été suspendues. - Trois points de lavage des mains ont été installés dans différentes zones de l'hôpital. - Renforcement de l’hygiène des mains dans tous les services , utilisation de l'eau, du savon, du gel antiseptique, de l'eau chlorée . - L'éducation des parents des patients et du personnel médical et para-médical sur l'importance de l'hygiène des mains est assurée par l’ équipe de CCIN (Equipe de contrôle d’infections nosocomiales). Toutes les mesures sont supervisées et assurées par les infirmières attachées à la clinique externe et les agents de sécurité de l'hôpital." Le curseur a été poussé un peu plus loin en oncologie « Nous avons réduit les heures de travail du personnel pour éviter l'exposition mais sans pour autant compromettre notre mission principale qui est le soin du patient. Depuis janvier l’infirmière éducatrice et l’infirmière chargée du contrôle des infections font quotidiennement l’éducation des parents et des patients . Les enfants avec infections respiratoires aiguës doivent entrer en communication avec le staff à travers le numéro du service et l’infirmière éducatrice ou responsable des infections réalisera un monitoring au téléphone 2 à 3 fois par jour. Si l'état commence à détériorer, il faut venir à l’hôpital dans la clinique de symptômatologies respiratoires et le staff en oncologie sera avisé.» Le Dr Pascale Yola Heurtelou Gassant est une combattante qui croit comme Albert Einstein que "la crise est la plus grande bénédiction qui puisse arriver aux gens et aux pays, parce que la crise apporte des progrès. C'est dans la crise que l'invention est née, les découvertes et les grandes stratégies."