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Le Nouvelliste

Pour une sortie de crise inclusive, réaliste, institutionnelle, républicaine et ordonnée

Feb. 4, 2021, midnight

Haïti connait aujourd’hui une grave crise politique, sécuritaire, légale et constitutionnelle. Le Président Jovenel Moïse annonce une nouvelle constitution et des élections pour l’année 2021. Cependant, l’ensemble des entités politiques, incluant le mouvement EN AVANT, et une majorité d’organisations de la société civile incluant la Fédération des Barreaux d’Haïti, la Conférence Episcopale Haïtienne et la Fédération Protestante d’Haïti, s’en tiennent à l’article 134.2 de la constitution qui exprime clairement que le mandat du président se termine le 7 février 2021. A quelques jours de cette date fatidique et échéance constitutionnelle non-équivoque, l’incertitude, l’angoisse et la peur prennent place dans la ville entre les appels à la grève, aux manifestations et à la désobéissance civile. Parallèlement les positions des protagonistes de la crise se radicalisent, la crise s’envenime par une surenchère de déclarations belliqueuses de part et d’autre. L’impasse est totale et les risques de chaos sont réels à l’aube d’une année qui s’annonce difficile. C’est dans ce contexte explosif qu’une commission de cinq membres choisis exclusivement par le président Jovenel Moise a présenté officiellement son avant-projet de nouvelle constitution. Sur la forme, le processus ayant abouti à ce texte n’a été ni participatif ni inclusif. Au-delà des qualités ou défauts des personnalités qui composent le Comité Consultatif Indépendant (CCI), cette commission ne représente pas les forces vives du pays ni les secteurs représentatifs de la société. L’exécutif entend légitimer le travail de la CCI à travers un référendum qui devrait être organisé par un Conseil Électoral Provisoire (CEP) inconstitutionnel, illégal, qui n’a pas prêté serment devant la Cour de cassation et qui n’inspire pas confiance. De surcroit, il faudra onze mois pour boucler une liste électorale complète si l’Office National d’Identification (ONI) parvient à maintenir son rythme de production de 12,000 cartes électorales par jour (seulement trois millions d’inscrits à date). J’aurai l’occasion de m’exprimer en temps et lieu notamment sur ce texte dont certaines dispositions risquent de déstructurer l’État et affaiblir nos institutions républicaines. L’ambition de la commission sur l’amendement constitutionnel que je présidais à la 50ième législature proposait de rééquilibrer les pouvoirs mais pas de réduire leur importance, de les vassaliser ou même les faire disparaitre totalement (sénat). La question constitutionnelle ne trouvera un épilogue heureux que lorsque nous aurons résolu la crise politique. Pour cela, la concertation inclusive entre les entités politiques doit continuer tambour battant, assistée de la société civile, pour trouver un accord historique entre les forces vives de la nation. Cet accord doit inévitablement tenir compte de la constitution qui stipule que, le 7 février 2021, le mandat du Président Jovenel Moïse se termine. Le 8 février 2021, nous rentrerons donc dans la première année du prochain cycle présidentiel de cinq ans, sans qu’un nouveau président ait prêté serment. Dans l’esprit des dispositions de la constitution traitant de la gestion du pouvoir exécutif en cas de vacance présidentielle, le Conseil des ministres, sous la présidence du Premier ministre, exerce un rôle de premier plan. Les discussions politiques devraient donc au plus vite porter sur le choix d’un nouveau Premier Ministre de compromis inspirant confiance et bénéficiant de la légitimité politique suffisante pour conduire les affaires de l’État jusqu’à l’élection du prochain Président de la république. Ce choix ne peut sortir que d’un accord politique murement réfléchi et liant une palette représentative et inclusive de partis et mouvements politiques de toutes tendances.    A ce propos, le mouvement EN AVANT prend acte que des grands regroupements de partis de l’opposition ont signé un accord politique pour une transition de rupture. Tout en reconnaissant le mérite de cette entente (fruit d’un effort de convergence d’idées), celle-ci doit encore rallier un consensus plus large pour contribuer à la formulation définitive d’une sortie de crise inclusive, réaliste, durable, institutionnelle, républicaine et ordonnée. Il faut un dialogue inclusif parce que nous sommes sortis de la constitution et qu’il est urgent de finalement confronter le pouvoir en place et lui signifier « les yeux dans les yeux » la volonté de la nation telle que déjà exprimée par des nombreux secteurs de la vie nationale. Cette volonté inclut le refus de toute élection bâclée sous l’égide d’un Conseil Electoral non assermenté et non créé dans les formes prévues par la loi, l’adoption d’une nouvelle constitution sans consultation des forces vives du pays. Une constitution dont l’adoption exige un passage en force est irréversiblement voué à l’échec à terme, surtout dans une ambiance aussi délétère que celle que nous vivons actuellement. Les dérives du pouvoir en place ont largement contribué à favoriser cette crise multiforme chaque jour plus grave. Nous pensons notamment à la publication en cascade de décrets décriés portant atteinte aux libertés fondamentales et aux conventions internationales, à la répression des manifestations pacifiques de citoyens paisibles, au support à peine voilée du pouvoir en place aux gangs armés qui pillent, tuent et terrorisent la population. Toute persistance des autorités en place à alimenter ce climat de tension ne fera que compromettre la tenue d’un dialogue inter-haïtien auquel le mouvement EN AVANT est prêt à participer si toutes les conditions sont réunies. Nous tenons à rappeler au Président de la république que la population haïtienne a fait choix de la démocratie comme mode de gouvernance et qu’il a été élu sous l’égide d’une constitution qu’il se doit de respecter. Vive la nation haïtienne, prospère, apaisée, fière et unie ! Le 3 février 2021