Le Nouvelliste
Saluer l’humain… contre le pire
Dec. 29, 2020, midnight
Toute l’année, ils auront fait du mal à ce pays. Jovenel et sa bande. Telle institution universitaire abandonnée à des dirigeants qui puent le noirisme et le conservatisme de l’esclave domestique à plein nez et distribuent des prix à qui leur ressemble, typiques en cela du personnel intellectuel des dictatures et de l’obscurantisme. Les assassins qui hantent les rues et les quartiers populaires. Les indifférents, victimes potentielles des bourreaux que leur inaction conforte dans leurs actions. Ces secteurs de la moyenne bourgeoisie et de la bourgeoisie d’affaires qui ne voient que leurs intérêtes immédiats et n’ont jamais appris à penser le long terme. Ils sont les agents du pire. Le problème avec le pire, c’est qu’on en parle toujours trop et jamais assez. Jamais assez, car ce qui rend chaque homme, chaque femme à son humanité, à sa dignité, c’est cette obligation morale de dénoncer l’inacceptable, cette obligation dangereuse de refuser le confinement de tout pacte servile. Toujours trop, si l’on ne valorise pas ce qu’il y a en face, ce qui, en contre, essaye de conjuguer bonté et beauté. Ce qui relève modestement de la bonne action ou tend vers l’héroïsme, se donne comme preuve que nous pouvons faire du bien, sinon le bien, du juste, du sublime et pouvons participer à autre chose que l’horreur. Laissons le temps de cette dernière chronique de l’année 2020 le vice et la bêtise à eux-mêmes. Et offrons-la, par devoir d’espérance, à des choses ou des actes, des projets, des idées qui témoignent du beau, du bon, ou du juste. Au hasard et dans le tas, Il y a le très beau livre de Syto Cavé, « Quelqu’un de l’entourage », hommage au langage, au rêve et à l’amour : « Il y a quelqu’un qui marche dans la rosée qui tremble / Ce matin de septembre / Comme une chanson d’amour ». Il y a, dans « un di m m a di w » éclairant et salutaire au micro de Marvel Dandin, ce citoyen qui avance des propositions pour une économie organisée de telle sorte que la misère des uns ne fasse plus la richesse des autres. Une part d’utopie, une part de réalisme, mais qu’est-ce qu’un réalisme qui oublie la place du rêve ? Il y a ce sentiment de révolte qui anime cette jeune fille de la moyenne bourgeoisie qui ne veut pas ressembler à sa mère qu’elle aime bien mais qui n’est jamais allée voir dehors, ne s’est jamais associée à une action collective. Cette jeune fille qui apprend à voir les autres et s’engage dans la vie associative. Il y a ce garçon résidant à Cité Soleil disant à un ami plus fortuné tentant de s’emparer d’un bien collectif : j’aurais plus de prétextes que toi… mais ce n’est pas la solution. Les petits gestes : un don, une marque d’attention ou d’affection. La régularité de l’engagement même en période de doute. L’intelligence pour et la volonté de bien faire ce que l’on fait. Parce qu’il y a des choses justes, nécessaires, qu’on ne peut pas fuir au nom de l’égoïsme, du laxisme. Elles appellent souvent au volontarisme, parfois au sacrifice. Le sens du beau, du juste, du bien. Il y a dans ce pays jeunes et vieux, filles et garçons qui en sont porteurs. Dans leur vie de tous les jours. Dans les discours et les actes qu’ils produisent. Penser à eux, saluer leurs gestes, leurs œuvres, leur pari sur la beauté et la beauté humaine. Antoine Lyonel Trouillot