this used to be photo

Le Nouvelliste

La législation sur le bail à usage professionnel, un coup de pouce à l’investissement dans l’immobilier

June 5, 2020, midnight

Le décret du 9 avril 2020 sur le bail à usage professionnel publié au Moniteur spécial no. 4 paru le 11 mai 2020 s’inscrit dans un ensemble de mesures, certes éloignées les unes des autres, visant à favoriser l’investissement dans le secteur de l’immobilier. En effet, il faut remonter à la loi du 13 août 1984 consacrant la copropriété verticale et horizontale suivie de son arrêté d’application édicté sous la présidence de M. Martelly. La conjonction de ces textes favorisera l’érection d’immeubles de bureau contribuant à remodeler la configuration de nos villes avec la création de véritables centres d’affaires permettant une fluidité des échanges et de rencontres favorisés par la proximité géographique des responsables d’entreprises. Dans ce domaine comme dans d’autres, la modification du droit applicable représente un facteur d’attractivité. Car, à cet égard, la législation en vigueur jusque-là se présentait comme un repoussoir.  La législation sur le  louage d’immeubles était marquée par un gel des loyers qui officiellement durait depuis soixante ans (Loi du 19 juillet 1961). Cette situation obligeait les parties à contourner la lettre de la loi pour déguiser les hausses effectives de loyers. Elle a eu pour effet de décourager l’investissement dans l’immobilier et a contribué à la détérioration de quartiers autrefois florissants, les propriétaires n’étant point intéressés à restaurer des bâtisses dont ils ne pouvaient tirer un revenu supérieur à l’investissement. Ce qui a entraîné une décrépitude rampante des anciens quartiers de la capitale et des chefs-lieux de départements. Par ailleurs, la procédure pour la récupération de son local par le bailleur était décourageante. En cas de contrat à durée indéterminée, le délai de congé-location était trop long, quatre ans selon la pratique des tribunaux (Loi du 17 mai 1948 sur le délai de congé de location, loi du 14 septembre 1947 sur la procédure de congé). En cas de non-paiement de loyers, il fallait attendre trois mois d’impayés pour pouvoir obtenir une résiliation judiciaire du contrat et le déguerpissement du locataire, ce après avoir enduré toutes les lenteurs de la procédure (loi du 14 septembre 1947). Il était donc nécessaire que voie le jour une législation qui s’applique spécialement aux baux portant sur des locaux où s’exercent des activités artisanales, commerciales, industrielles ou professionnelles. Préparé par la Commission pour la Réforme du Droit des Affaires, voté par la Chambre des Députés, le texte languissait au Sénat rendu inopérant depuis la longue litanie des peyi lòk. D’où sa promulgation aujourd’hui sous forme de décret. S’appliquant principalement à des activités légalement réputées commerciales, il est  logique que le texte du décret soit inséré dans le code de commerce de manière à faire de ce dernier le creuset des principales normes intéressant le monde des affaires. Ainsi, le texte dont il s’agit s’insère dans le Titre VII du Livre I du code de commerce désormais intitulé « Des contrats commerciaux » dont il constitue le second chapitre intitulé « Du bail à usage professionnel ». Ce chapitre contient neuf sections. La numérotation des articles, qui est celle adoptée pour tous les textes portant modification du code de commerce (cf. loi du 3 avril 2018 réformant le statut du commerçant et les actes de commerce, Le Moniteur, spécial no. 5, 21 mai 2018), s’explique de la manière suivante. Le premier chiffre indique le Livre I, le second chiffre le septième titre du livre, le troisième chiffre indique le deuxième chapitre du titre et le quatrième chiffre la section du chapitre dans lequel s’insère l’article. Ce mode de numérotation permet la modification d’une section ou d’un chapitre sans que soit chamboulée la numérotation des articles du code tout entier. Définition du bail professionnel Est considéré bail professionnel, toute convention écrite ou verbale par laquelle un bailleur permet à un preneur, personne physique ou morale, d’exercer dans les lieux loués une activité commerciale, industrielle, artisanale ou toute autre activité professionnelle. Rentre dans le champ d’application de cette législation le local habité par le preneur mais dans lequel il exerce une des activités énumérées ci-dessus. Le décret introduit dans les rapports de location commerciale, industrielle ou professionnelle une souplesse qui permettra aux parties d’adapter leurs stipulations contractuelles à leurs besoins tant en ce qui concerne la durée, la sous-location ou le renouvellement du contrat. Quant à la sous-location, contrairement au code civil, celle-ci est en principe interdite sauf stipulation contraire du bail. En cas de décès du locataire, son conjoint, ses ascendants ou descendants en ligne directe pourront demander que bénéfice du bail existant leur soit étendu. La libéralisation des prix du loyer professionnel Pour obvier  aux inconvénients de l’ancienne législation énumérés plus haut, la nouvelle loi instaure la liberté des prix du bail professionnel à l’intérieur de limites objectives tenant à la superficie, à l’état de vétusté des locaux et aux prix du marché dans la localité. Le preneur sera toutefois protégé contre les hausses intempestives de loyers car l’augmentation de loyers devra avoir été prévue à des époques convenues dans le contrat, sinon elle n’interviendra qu’à l’expiration du bail initial.  Le preneur est encore protégé en ce que le changement de propriétaire oblige le nouvel acquéreur à respecter les baux existants qui continueront à s’exécuter jusqu’à leur expiration. De même, toute réparation ou rénovation de l’immeuble loué autorise le propriétaire à récolter les fruits de son investissement en augmentant les prix du loyer mais à une double condition ; premièrement le locataire actuel jouit d’un droit de préférence sur le local rénové et en cas de désaccord, les nouveaux loyers sont fixés à dire d’experts. Si malgré tout, le locataire ne peut suivre, le bail est résilié de plein droit et les parties recouvrent leur liberté. La résiliation du bail professionnel Le bail à durée déterminée prend fin de plein droit à l’expiration du terme. En vue d’éviter la pratique abusive par certains propriétaires d’une succession infinie de baux à durée déterminée, il est prévu que tout bail d’une durée inférieure ou égale à un an renouvelé deux fois est de plein droit transformé en bail à durée indéterminée. Dans le cas du bail à durée indéterminée, le préavis de congé de location est de six mois et n’aura plus besoin de la sanction judiciaire lorsqu’elle aura été notifiée d’une manière qui permette de s’assurer de la réception effective de la notification. La formulation adoptée dans le projet de loi laisse à cet égard les parties libres d’utiliser un acte extrajudiciaire, un acte sous seing privé avec accusé de réception ou une communication électronique. En cas de non-paiement des loyers pendant deux mois consécutifs, le bail professionnel est résilié de plein droit. Le bailleur, huit jours après une sommation de payer demeurée vaine, peut requérir le juge de paix pour procéder à l’expulsion du locataire et de ses ayants-droit. Les offres de paiement au moment de l’expulsion sont irrecevables. Quoique le bail soit résilié et le locataire expulsé, ce dernier demeure débiteur des loyers impayés dont le paiement pourra être poursuivi par toutes les voies de droit. Application du nouveau texte aux baux professionnels existants La nouvelle législation s’applique aux baux à usage professionnels en cours. Toutefois, les augmentations de loyers permises par le texte ne pourront avoir lieu avant l’expiration des baux en cours. Limitation du recours aux tribunaux Par ailleurs, le décret s’est efforcé de limiter au maximum l’intervention du juge, les principaux points de contentieux pouvant être aplanis par les experts : fixation de nouveaux loyers lors du renouvellement du bail ou après des travaux de rénovation. Pour tous les autres cas de désaccord entre les parties, la nouvelle législation privilégie les solutions extrajudiciaires, et lorsque cela deviendra nécessaire, les litiges relatifs aux baux professionnels seront du ressort de la juridiction consulaire et seront traités comme affaires sommaires. Il est important de noter qu’il n’est en rien dérogé aux dispositions légales en vigueur relatives aux baux à usage d’habitation. La nouvelle législation sur les baux à usage professionnel en rééquilibrant les rapports entre les parties constitue un coup de pouce à l’investissement dans le secteur de l’immobilier. Souhaitons que la stabilité politique et la reprise des activités économiques permettent d’en tirer profit.