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Le Nouvelliste

Adou et sa bombe de paix

Feb. 5, 2021, midnight

Dans le monde du graffiti, Frantz Jeanty est connu sous le nom d'Adou Manje Gèp. À l’école, il n’avait pas de rival en ce qui concerne le dessin. « J’avais toujours la meilleure note pour cette matière qui ne représentait pas grand-chose pour obtenir la moyenne générale », confie l’artiste. On disait souvent de lui « Piti sa manje gèp wi ». Un slogan de ses camarades qui voulait dire qu’il est très doué en dessin. À l’école, en primaire, l’artiste est mû par une passion puérile, mais vers la fin du secondaire, il a dû abandonner l’école, et ce qui n’était pour lui qu’un hobby est donc devenu un métier. Le dessin et la peinture sont devenus la principale source de financement de cette famille pauvre de Cité Boston. « Mon père ne pouvait plus payer la scolarité, ma mère n’avait plus l’âge pour travailler », raconte Adou Manje Gèp. Le graffiti a croisé sa route entre 2006 et 2007. Il avait un ami qui devait animer une émission à TéléMax appelée « Wa Rap ». Cette connaissance avait besoin qu’Adou dessine la toile de fond de cette émission. Bousculé par le temps, son ami lui a conseillé d’utiliser du spray à la place de ses pinceaux. C’est à partir de ce moment que l’artiste commence à marier la peinture et les bombes aérosols dans ses dessins, car il n’était pas encore trop habile avec le spray. Des mois se sont écoulés, le graffiti est devenu une passion pour le très talentueux Frantz Jeanty. Le spray est maintenant un jeu entre ses mains. Les lignes, les courbes et les couleurs de ces fresques peuvent en témoigner. « Un dessin avec du spray me coûte moins d’heures de travail», fait remarquer Adou. Cependant, il n’a pas abandonné la peinture. Frantz Jeanty aime la sincérité. Son accessoire favori est la casquette. Le dancehall est sa musique favorite. Se référant au milieu dans lequel il a grandi, le graffeur se considère comme un héros : « Je serais peut-être mort ou j'aurais été peut-être en prison, si j’avais choisi d’emprunter la mauvaise voie » Frantz Jeanty dit ne pas regretter d’avoir embrassé le graffiti à mi-parcours de son métier de peintre. Il prévoit déjà un avenir sûr et fructueux dans ce milieu. « M ap rive lwen »,  ce sont les mots qu’il a lancés fièrement. Sa participation au festival Haïti, le Printemps de l’Art Pour l’artiste, ce fut une très belle expérience. Il a peint une belle tête de femme. Cette dernière est entourée de fleurs et de chaque côté du visage plane un joli papillon. Pour Adou, ce graffiti représente Haïti. Il a voulu montrer que nous sommes responsables de l’image négative qui se projette du pays à l’extérieur et qu'Haïti peut retrouver sa beauté d’autrefois. Il a voulu aussi encourager le reboisement. Par ailleurs, Adou se réjouit que le graffiti commence à être apprécié en Haïti, particulièrement auprès des jeunes. Mais il souhaite la présence de graffeurs internationaux dans d’autres éditions de cette activité culturelle. « La violence nous détruit, donc, je rêve d’une société où l’on parlera le langage de la paix et de l’amour. Mon spray est l’unique instrument que je possède pour prêcher des messages d’unité », conclut Frantz Jeanty.