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Le Nouvelliste

Les plaies par balle ou à l'arme blanche en grand nombre à l’hôpital de Médecins sans frontières

Dec. 18, 2020, midnight

À l’hôpital de Médecins sans frontières à Tabarre, environ deux tiers des patients reçus dans les urgences sont des cas de plaie par balle ou à l'arme blanche. Ces chiffres publiés le 17 décembre 2020 par l’organisation humanitaire montrent le niveau de violence auquel est exposée la population. Entre 2004 et 2020, deux années marquées par la recrudescence inégalée de l’insécurité, il n'y a pourtant pas photo, si l’on en croit l’un des psychologues de l’hôpital. Les victimes des gangs armés se sont accrues ces dernières années, déclare-t-il. Les propos de Philippe, père de quatre enfants, rapportés dans un article de MSF, sont poignants. Au moment de rentrer chez lui vers 21 heures après être sorti du bureau, son chauffeur de taxi-moto et lui ont été attaqués par des bandits. Le chauffeur a été tué et lui, par chance, a été blessé à la jambe. Se rendant dans un hôpital public, il n’a pas pu être soigné faute de fournitures. Il s’est rendu à l’hôpital de Médecins sans frontières à Tabarre où il a été opéré. Mais son cauchemar allait commencer quelques jours plus tard. « J'ai été opéré et quelques jours plus tard, le psychologue est venu dans ma chambre. Il m'a dit que ma jambe était en très mauvais état et qu'il faudrait très probablement l'amputer. J'étais en état de choc. Je suis le seul à subvenir aux besoins de ma famille et j'ai quatre enfants. Il m'a fallu beaucoup de courage pour l'accepter ».  « Depuis que je suis à Tabarre, ma fille aînée, âgée de 7 ans, a dû abandonner l'école parce que je ne gagne plus d'argent pour continuer à payer ses frais de scolarité. Ils m'ont tiré dessus, m'ont rendu handicapé et ont compromis l’éducation de mes enfants et les promesses d’un avenir meilleur que je pouvais leur offrir », se lamente-t-il. Philippe, comme tant d'autres patients admis au centre d’urgence de traumatologie de Tabarre, sont des victimes d’acte d’insécurité. Environ deux tiers des patients reçus dans les urgences sont des cas de plaie par balle ou à l'arme blanche. Les accidentés de la voie publique complètent le reste du tableau. Depuis novembre 2019, date de la réouverture du centre, plus de 1 795 patients blessés ont été traités à l'hôpital de Tabarre pour des urgences chirurgicales, des soins psychosociaux et de la physiothérapie. L’unité de soins intensifs de l’hôpital, dont les six lits sont régulièrement occupés, voit parfois sa capacité débordée. La plupart des patients proviennent de différents quartiers de Port-au-Prince. Si 2004 a été une année marquée par la recrudescence de l’insécurité dans le pays, comparée à 2020, l'écart est énorme. « Nous avons longtemps reçu des victimes des gangs armés, surtout à partir de 2004. Mais ces dernières années, cela s'est accru, avec une multitude de vols à main armée et de conflits », a fait remarquer Elkins Voltaire, psychologue à l'hôpital de Tabarre. L’infirmière en chef des soins ambulatoires, Roussena Rouzard, explique qu’en raison de la situation sécuritaire du pays, certains patients ne se présentent pas à leurs rendez-vous de suivi avant deux mois, ce qui augmente le risque d'infection de leurs blessures ». À l’hôpital, les patients admis aux urgences sont ceux dont les blessures sont potentiellement mortelles, telles que des fractures ouvertes ou des blessures graves à la poitrine ou à l'abdomen. En dépit de la pandémie de coronavirus qui sévit depuis mars 2020 dans le pays, une moyenne de 150 patients y sont admis mensuellement. « Pourtant, les personnes admises ne représentent que 28 % de l'ensemble des patients qui se font soigner à Tabarre pour des blessures traumatiques ou d'autres affections. Le plus souvent, les patients arrivent avec des blessures qui ne répondent pas aux critères d’admission telles que des fractures ou des lacérations osseuses fermées. « Ce qui montre à quel point il est difficile de trouver des structures de soins », lit-on dans cet article intitulé «Haïti, traiter les victimes de trauma». Profitant de l’occasion, le Dr Naina Bhalla, chef de l'équipe médicale de l'hôpital MSF de Tabarre, a plaidé pour la disponibilité du sang en Haïti. « Le sang est vraiment vital pour assurer la poursuite de ce travail qui sauve des vies », rappelle le médecin.