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Et si lire devenait un acte de résistance ? Faire aimer la lecture à la génération de l’instantané
April 23, 2025, 10:28 p.m.
Lire n’est pas un devoir, c’est une aventure – rendons-la désirablePort-au-Prince, le 23 Avril 2025. Bien des classes et foyers, la lecture est encore perçue comme une obligation scolaire ou une épreuve intellectuelle. Or, rien ne tue plus sûrement le goût de lire que d’en faire une corvée. La clé, c’est de restaurer la dimension émotionnelle et sensorielle du livre : un bon roman n’est pas un exercice, c’est un voyage. Il faut offrir aux jeunes lecteurs des livres qui résonnent avec leur univers intérieur, avec leurs préoccupations, leurs émotions, leur époque. Pourquoi leur imposer un Zola dès le premier contact, quand des auteurs contemporains comme Garry Victor, Joël Des Rosiers, ou Margaret Atwood peuvent ouvrir la porte de l’imaginaire et du questionnement social avec puissance ?La lecture devient alors un miroir du monde et de soi. Comme le dit le philosophe Alain Bentolila, “on ne lit pas pour apprendre à lire, on lit pour apprendre à penser.” Et ce pouvoir-là, aucun écran ne peut l’imiter.La lecture est un acte vivant : faisons-en une expérience collectiveTrop souvent, la lecture est cantonnée à un acte solitaire, silencieux, presque figé. Mais elle peut être joyeuse, dynamique, incarnée. Des clubs de lecture dans les écoles ou les quartiers, des lectures théâtralisées, des marathons de lecture publique, des concours de slam littéraire… tout cela crée un rapport vivant au texte. Cela donne chair aux mots.Un adolescent peut se découvrir lecteur à travers un roman lu à voix haute par un pair, ou par le biais d’une discussion passionnée autour d’un livre qu’il n’aurait jamais ouvert seul. En Haïti, dans certaines écoles rurales où les livres sont rares, ce sont ces moments de lecture collective qui plantent les graines d’un amour durable pour les histoires.Le numérique n’est pas l’ennemi du livre – il peut en être le tremplinPlutôt que de diaboliser les écrans, pourquoi ne pas en faire des alliés ? Le numérique, lorsqu’il est bien utilisé, peut conduire à la lecture, pas l’en éloigner. Des plateformes comme Wattpad permettent aux jeunes d’écrire et de lire les histoires des autres. Les livres audio rendent les classiques accessibles autrement. Des applications interactives transforment la lecture en aventure sensorielle. Et même les réseaux sociaux, lorsqu’ils valorisent des contenus littéraires (comme les communautés BookTok sur TikTok), peuvent réveiller des vocations.L’enjeu n’est donc pas de bannir la technologie, mais de dompter son usage et d’y intégrer le livre comme un objet désirable, moderne, vivant. L’important est que le jeune lecteur entre en contact avec le texte – peu importe le support.Former l’attention, jour après jour : lire comme on muscle le regardLire exige une compétence rare aujourd’hui : la concentration. Dans un monde où tout se consomme en 10 secondes, où l’attention est une monnaie, lire un chapitre, c’est nager à contre-courant. Il faut donc enseigner la patience cognitive, comme on entraîne un muscle. Cela passe par des rituels courts mais réguliers : dix minutes par jour de lecture silencieuse, sans téléphone, sans bruit. C’est peu, mais c’est une révolution.Comme l’explique la neuroscientifique Catherine Gueguen, la lecture développe les connexions cérébrales liées à la mémoire, à l’analyse, et à l’empathie. Elle permet au cerveau de “ralentir pour mieux comprendre”, contrairement au défilement rapide qui nous rend passifs.Apprendre à aimer lire, c’est apprendre à se reconnecter à soi, aux autres, au réel. C’est construire une pensée autonome dans un monde qui propose des opinions préfabriquées.Lire, c’est résister à la perte de soiÀ l’heure où tout va plus vite, lire, c’est reprendre le contrôle. C’est dire non à la dictature du clic, oui au temps long. C’est apprendre à voir au lieu de juste regarder, à entendre entre les lignes, à douter, à relier. Faire aimer la lecture aujourd’hui, ce n’est pas imposer un passé glorieux, c’est proposer une issue possible à la confusion du présent.Et si lire redevenait un acte de résistance ? Une manière de se tenir debout dans le tumulte, d’élargir son monde, d’ouvrir un espace de respiration. Pour cela, il faut que les éducateurs, les parents, les institutions – et même les technologies – deviennent des alliés dans cette bataille douce, mais décisive.En cette Journée mondiale du livre, faisons ce pari ensemble : offrir à la jeunesse non seulement des livres, mais le goût de lire. Car là où le plaisir entre, l’attention suit, et l’esprit s’ouvre.Deslande ARISTILDEVant Bèf Info (VBI)