Le Nouvelliste
Un discours à la nation que le président Jovenel Moïse aurait pu prononcer.
Oct. 16, 2019, midnight
Très chers compatriotes, Le moment est grave ! Je m'adresse à vous, sachant que vous vivez tous des moments pénibles et sans précédent. En luttant pour ce que je croyais sincèrement être une cause juste, j’ai mis une majorité d'entre vous, particulièrement ceux qui sont les plus vulnérables, en péril. Le temps est aujourd’hui venu, quelles que soient mes convictions personnelles, de mettre un terme à tous les comportements qui ont amené la Nation à ce tournant fatidique de son histoire. Depuis bientôt 4 semaines, contre vents, marées, et autres manifestations de rue, j'ai persévéré avec détermination dans la mission que vous m’avez confiée il y a plus de deux ans, en pensant que les cris de détresse qui parvenaient jusqu’à moi n’étaient que des manipulations d’une opposition qui ne visaient qu’à une chose, une seule : le renversement d’un pouvoir démocratiquement élu. Hélas, en me battant contre mes adversaires politiques, je vous ai négligés et j’ai failli à mes responsabilités. Depuis plus de six mois, de graves pénuries de carburant, une inflation galopante, une carence d’emplois décents, ont rongé votre confiance en l’avenir en vous volant la dignité de pouvoir convenablement nourrir, vêtir et envoyer vos enfants à l'école. De plus, pensant que rien de pire ne pourrait arriver, les affres d’une violence endémique et l’absence quasi totale du règne du droit sont devenus votre lot quotidien. À tout cela, la nature se réveille elle aussi, quand la plus petite pluie transforme toutes nos rues, tous nos sentiers et tous nos ravins en torrents musclés. Il n’existe d’endroit sur le territoire national où la libre circulation des citoyens et des biens n’est entravée. Des Cayes à Petit Goave, de Léogane à Saint-Marc et au Cap Haïtien, nos hôpitaux, nos centres de santé et nos ambulances sont régulièrement attaqués pendant que nos stocks de produits de première nécessité s’épuisent. Il devient de plus en plus évident qu’avec chaque jour de « lock », nous allons rapidement et irréversiblement vers une des pires crises humanitaires de notre histoire ; une crise dont les conséquences seront aussi douloureuses, qu’insoupçonnées et imprévisibles. Responsable de la bonne marche des institutions du pays, je dois me rendre aujourd'hui à l’évidence que mon équipe a échoué. Héritier d’un système délétère et dysfonctionnel dont je n’ai pas su me défaire, j’en suis malheureusement devenu un pion. Cependant, fidèle au mandat que vous m’avez confié, je fais aujourd’hui appel à vous, à votre sagacité, à votre courage, à votre détermination, à votre abnégation pour qu’ensemble nous partions en guerre contre ce système pour le détruire, car l’enjeu est simplement trop important : il s’agit de la vie de millions d’entre vous dont le lot quotidien n’est qu’une misère abjecte. Fort de ce constat cinglant et sachant que je suis le premier responsable de la crise actuelle, je suis prêt, à ce stade, à faire tous les sacrifices qui s’imposent pour que j’arrive à léguer à ceux qui me succèderont une Nation digne de ce nom. Cependant, pour arriver à un entendement commun de ce que seront ces sacrifices, il est impérieux que nous arrivions conjointement à créer un espace sain de dialogue inclusif, sans a priori, sans sujet tabou et sans réserve dont l’objectif sera d’aboutir à une alliance historique entre tous les enfants du pays. Je viens à vous ce soir pour convier les représentants de tous les partis politiques, de toutes les institutions de la Société Civile, sans exclusion et sans exclusive, à s'asseoir avec moi pour définir les termes du dialogue suscité et commencer sans tarder le processus de reconstruction de notre nation. Que Dieu nous bénisse, nous pardonne nos péchés communs et nous accorde la sérénité du cœur, de l’âme et de l’esprit pour qu’ensemble nous arrivions à sortir la Nation du bourbier où elle est empêtrée.