Le Nouvelliste
L'ordre des avocats de Port-au-Prince condamne l’investiture des membres du CEP et les dérives de l'Éxécutif
Sept. 24, 2020, midnight
Alors que la Fédération des barreaux d’Haïti (FBH), dans une résolution prise en juillet dernier, avait condamné l’éxécutif pour usurpation de compétence législative s’agissant des differents décrets qui avaient été pris, le conseil estime “qu’au lieu de se ressaisir, l’exécutif n’a pas désemparé dans sa volonté de faire de la norme juridique l’expression de son caprice politique”. L’ordre des avocats de Port-au-Prince ne va pas par quatre chemins pour statuer que l’arrêté du 14 septembre 2020 portant sur l’adoption du nouvelle Constitution par voie référendaire et la mise en place d’un Conseil électoral provisoire, est inconstitutionnel et relève de l’amalgame. «Les élections se trouvent associées au changement de constitution comme s’il s’agissait d’une seule et même opération. Sur le fond, cette décision s’inscrit clairement dans une forme d’exercice autocratique du pouvoir. Elle ne peut dès lors qu’être au service de desseins politiques obscurantistes qui aggraveront la crise actuelle et consacreront le règne de l’arbitraire et donc du non-droit. L’assassinat du bâtonnier Dorval, symbole vivant du respect du droit, coïncide étrangement avec une telle approche visant à l’anéantissement des contraintes juridiques », affirme l’ordre des avocats de Port-au-Prince. Face à ce constat, «le conseil condamne énergiquement l’investiture des membres du CEP dont une partie du mandat est manifestement inconstitutionnelle et rappelle aux président de la République et au gouvernement qu’ils sont liés par le droit. » L’ordre pointe du doigt le dédain de l’exécutif pour la règle de droit qui se traduit par le fait qu’il n’ait pas hésité à soustraire les membres du CEP à la procédure d’habilitation qui passe par leur prestation de serment par devant la Cour de cassation. Précisant que la prestation de serment est une formalité légale qui revêt une grande valeur symbolique et juridique, l'ordre des avocats de Port-au-Prince, déclare qu”en procédant, ce mardi 22 septembre 2020 à l’installation des membres de ce CEP au Palais national, en dépit de l’inaccomplissement de cette formalité contraignante, le chef de l’État s’est élevé au-dessus de la loi et a trahi son serment constitutionnel. «Toutes ces mesures sont adoptées dans l’ignorance ou le mépris des contrepoids institutionnels existants et dans un contexte où le pouvoir personnel du chef de l’État fait office de norme en dehors des principes fondamentaux de la République et de toutes les règles de droit. Cette tentative d’anéantir les équilibres institutionnels exprime la vision d’un pouvoir total qui se déploie progressivement sous nos yeux mêmes. Face au projet qui se précise chaque jour davantage d’installer durablement dans le pays un régime autoritaire couplé à une politique de terreur, le conseil croit impérieux de lancer un signal d’alarme aux avocats, aux magistrats, aux greffiers, aux huissiers,, aux notaires, aux professionnels du droit en général et à la nation toute entière », souligne le conseil. Fort de ce qui précède, le Conseil de l’Ordre des avocats de Port-au-Prince, dans cette note de condamnation, a cru bon de rappeler les prescrits de la constitution à savoir : « que le président ne peut en aucun cas, se substituer au pouvoir constituant, car il n’a d’autres pouvoirs que ceux que lui attribue la Constitution (art. 150 de la Constitution); que les procédures de modification de la Constitution sont prévues dans la loi fondamentale même (art 282-284-4 Const) que les organisation des élections doit correspondre au temps électoral ».