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Le Nouvelliste

Jose Joachin Davilmar : « Réflexions sur Ayiti : Cahier de mon vécu »

June 9, 2020, midnight

Le Nouvelliste: Présentez-vous aux participants à Livres en folie. Jose Joachim Davilmar: Né au Limbé en janvier 1969, j’ai grandi au Cap-Haitien  alors que je passais mes vacances d’été entre Borgne et Port-Margot. Je suis, de ce fait, le produit typique d’un homme à cheval sur quatre communes du département du Nord. Mes études primaires et secondaires, une fois bouclées au Cap-Haïtien, je me rendis à Port-au- Prince où en 1993 j’obtins une licence ès-sciences économiques à l’IHECE. Deux ans plus tard, je complétai des études en communication à l’Institut français en Haïti. Je roulai ma bosse dans  le commerce privé et la promotion de la vente de produits pharmaceutiques tout en étant enseignant de littérature et de latin au niveau secondaire. Dans l’intervalle, j’avais entrepris, sans vraiment les parachever, des études en droit et en sociologie. Je quitte Ayiti en 2006 pour me rendre aux États-Unis où je vis depuis avec ma famille. J’y ai décroché une licence en Actuariat. J’ai été un candidat malheureux aux législatives de 2015 en tentant de représenter la circonscription de Borgne au Parlement. Après cette enrichissante expérience, j’avais  livré mes observations et ma nouvelle compréhension de la perpétuelle crise ayisienne au grand public en publiant « La Saga Haïtienne à la loupe d’un Candidat » en décembre 2016. De 2017 à 2019, je prêtai mes services au cabinet de Wilson Laleau, à l’époque chef du cabinet du président Jovenel Moïse tandis que j’œuvrais également à l’EDH comme responsable de communication de ladite institution alors que j’étais aussi membre de la Commission nationale pour l’intégration et l’insertion socio-professionnelle des jeunes. Jusqu’à cette date, j’occupe le poste de directeur des  relations publiques au sein de l’organisation Ansanm Pou Ayiti, une organisation militant dans la diaspora. Mon engagement çà et là de façon ponctuelle ou pour une cause  m’a toujours placé sous les projecteurs. Marié depuis août 1995, père de trois enfants, j’évolue actuellement à mon propre compte dans l’industrie des Assurances à part que je prête, aux côtés de ma femme, mes services à la West Palm Biz Inc.(un multiservices œuvrant au sein de la communauté haïtiano- américaine de la Floride). En plus de mon bureau de consultations en marketing et en communication, j’offre ma collaboration à plusieurs stations de radio du Sud de la Floride et à certains journaux publiés tant en Ayiti que dans la diaspora. Actuellement, j’anime chaque dimanche de 9h à Midi   le show à succès « THERMOMETRE » sur Radio Mondiale.  Me voici, Jose J. DAVILMAR, la résultante d’un milieu et d’une époque façonnés par des forces contradictoires m’identifiant à un être constamment en quête d’équilibre et d’actions. Un battant qui refuse de lâcher prise. LN: Quel est le titre de l’ouvrage que vous allez présenter à la 26e édition de Livres en folie ? Quelle est sa catégorie? Avez-vous d’autres titres ? JJD: Ce long, varié, élaboré et tumultueux parcours décrit ci-dessus m’a permis d’être bien rompu aux affaires du pays, au fonctionnement de la diaspora et d’avoir un regard expérimenté de la chose publique ayisienne. D’où  « Réflexions sur Ayiti : CAHIER DE Mon VÉCU » le titre de mon ouvrage qui sera présenté à la 26e édition de Livres en folie. Un  livre qui, certainement, va faire l’objet de lecture, de réflexions et de critiques. Sans l’ombre d’un doute, je suis persuadé, absolument convaincu qu’il sera bien accueilli par les amis lecteurs. C’est un ouvrage facile à lire qui fait partie de la catégorie d’un « court mémoire » offert par la plume d’un homme désireux de perpétuer une tranche d’histoire de son vécu dans un « pays sien » qu’il aime comme un être de chair. Un pays qui le fait souffrir mais auquel il s’attache comme une sangsue.  « La saga haïtienne à la loupe d’un candidat », je veux rappeler, est le titre de mon premier ouvrage publié après les législatives ayisiennes de 2015. Comme tous les travailleurs intellectuels, j’ai le projet de publier plusieurs titres qui me tiennent à cœur. Mais vous  savez qu’écrire est une œuvre ardue, de longue haleine et coûteuse. Cependant les manuscrits sont bien ficelés. Au fur et à mesure, si Dieu nous prête vie, nous aurons la possibilité de partager nos idées avec les autres. Cela prendra le temps qu’il faudra mais arrivera à coup sûr. LN: Pourriez-vous nous présenter votre plus récent ouvrage ? JJD: Après l’expérience des élections, je croyais avoir beaucoup vu, beaucoup compris, mais aujourd’hui, mon champ d’observation s’étant élargi, du Palais national à l'Électricité d’Haïti (EDH) en passant par la Commission nationale pour l’innovation et l’intégration socioprofessionnelle des jeunes (CNIIJ) et un bref séjour  à l’hôpital du Canapé-Vert, sans oublier ma contribution comme responsable des relations publiques à la tenue à Karibe Hôtel par « Ansanm pou Ayiti »  de deux grands sommets sur l’aide humanitaire en Ayiti, je me rends compte que l’énumération n’était pas absolue, loin d’être exhaustive.  Je vécus des expériences tantôt révoltantes, tantôt surprenantes mais toutes enrichissantes qui me plongèrent, qui me plongent encore dans de profondes réflexions. De toutes ces réflexions, celles portées sur les  inégalités sociales criantes que j’ai pu observer en Ayiti m’ont particulièrement frappé. J’ai eu l’occasion de découvrir un pays que je croyais connaitre mais qui, au fond, m’était tout à fait inconnu. Le pays de la misère à la puissance exponentielle. Ces expériences, tout en engendrant en moi la crispation d’une révolte intérieure nourrie depuis fort longtemps, me portèrent à exposer mon point de vue au grand public plutôt que d’assister sinon en spectateur silencieux ou acteur complice à la descente aux enfers de notre chère Ayiti. D’aucuns diront que cette démarche est un exercice cathartique. Un dépuratif mental. En tout cas, c’est ce qui motiva la production de ce Cahier de mon vécu qui constitue un véritable plaidoyer pour la « finalité de l’essentiel » en Ayiti. En lever de rideau, j’ai fait une pirouette au cœur de notre histoire dans la tentative d’expliquer ce glissement innommable qui a conduit la nation dans ce gouffre. Je vais me hasarder à percer, en explorant ses premiers pas [le berceau], le nuage qui enveloppe le pays ; et aussi la suffisance et l’ignorance qui l’environnent de fables derrière lesquelles se cache la vérité. Refusant d’être ce loup blessé qui se tait pour mourir, je choisis de me libérer de mes passions, de mes pulsions à l’effet de proposer des options novatrices et salvatrices à un pays qui a besoin d’être secoué, de se forger un destin à la dimension du rêve de ses valeureux fondateurs. Sans vouloir justifier certains agissements, je juge utile de faciliter une meilleure compréhension de mon comportement politique et de l’expliciter en partageant mes récentes expériences et le passé orageux de la nation. Je l’ai fait avec les mots de tous les jours,  évitant tout jargon inutile. Le livre est simple et se veut un  prétexte pour renouveler à l’alma mater ma foi dans son avenir et surtout mon choix arrêté de jouer un rôle dans le projet fou et ambitieux de la placer là où elle devrait être : pays émergent. Ce livre se propose de faire écho à Paulo Freire qui croit qu’on peut partir du réel vécu pour mettre à nu les mécanismes de domination, se désaliéner, donc s’affranchir. Réflexions sur Ayiti : Cahier de mon vécu n’est pas seulement un ouvrage pour partager mes expériences et produire des réflexions, il permet également aux lecteurs de parcourir et de saisir toute une période charnière de l’histoire de la société ayitienne. À l’écoute des faits et de mes expériences, je me permets du vagabondage dans ce voyage à travers ce premier Cahier. Le vagabondage peut être défini comme étant ma manière de cheminer dans la question ayitienne sans assumer que je dispose d’une réponse, d’une solution. À le dire, à le croire, je serais un prétentieux. Tout simplement, je n’ai pas la prétention de construire ou de proposer une théorie.  En gros dans cet ouvrage, je reviens comme pour responsabiliser, accuser. Piquer, foutter l’orgueil. Ce « Cahier de mon vécu », plaidoyer pour la « finalité de l’essentiel en Ayiti »se veut donc moisson pour un avenir plus humain, plus partagé.  LN: Que pensez-vous de l’initiative d’organiser cette édition virtuelle de livres en folie? JJD: Je crois que le monde change. Dans cette situation désespérée, soyons, en dépit de tout, optimistes en essayant de regarder le pays, le monde à travers un rayon de soleil. En ces moments singulièrement denses où de grandes inquiétudes hantent la vie de la Nation, doivent surgir des échantillons d’Ayitiens qui y puiseront les matériaux et les outils nécessaires pour continuer à avancer. Livres en folie est en train de s’ajuster à cette nouvelle façon de vivre. La tenue de cette 26e édition en dépit des conditions difficiles rentre en droite ligne avec mon plaidoyer pour la « la finalité de l’essentiel » en Ayiti. Cette année, plus de gens auront la possibilité de participer à cet événement culturel. Bravo aux organisateurs qui, en emboitant le pas avec les nouvelles technologies, envoient un signal clair : Ayiti ne peut plus se permettre de rater des opportunités. Elle doit prendre place dans le train du numérique, et s’approprier son coin de soleil, son espace où ce soleil brille pour tous. LN: Vous êtes à combien de participations à livres en folie en tant qu’auteur ? En tant que visiteur ? JJD: Je suis à ma première participation à « Livres en folie » comme auteur et j’en suis honoré. Une joie débordante mêlée d’une grande fierté m’envahit. Je ne le cache point. En tant que visiteur, j’ai eu le bonheur de participer aux dix dernières éditions. Je suis vraiment content de porter les deux chapeaux à cette 26e édition qui sera virtuelle donc spéciale à cause de la pandémie Covid-19 qui nous visite malheureusement. Je trouve que c’est très astucieux de la part des organisateurs que je prends plaisir à féliciter. LN: Merci de nous lire un extrait de votre ouvrage. « Ce judicieux rêve de faire de l’État un espace familial et patrimonial, heurté très tôt contre les murs de la trahison, de la division et de la discorde, devient chimérique. Les pères fondateurs, peu de temps après l’exploit du 18 novembre 1803, avaient vite succombé aux charmes et aux privilèges du pouvoir. L’enthousiasme du début n’a pas pu résister aux querelles intestines. Ils se mirent à se battre entre eux au lieu de se battre pour la « finalité de l’essentiel », pour l’érection dans les Caraïbes d’un monument, d’une nation fière qui n’a rien à envier à ses voisins de l’époque. C’était l’occasion de prouver, après cette victoire épique, que la liberté est mille fois plus féconde que l’asservissement.  Loin de là. L’agriculture, depuis lors, alla toujours décroissant, et aujourd’hui, en 2020, Ayiti ne produit presque plus, au point que le bois (acajou, campêche…) devient son principal produit d’exportation. Plus de sucre, presque plus de coton ni de cacao, plus rien. Ayiti a comme perdu la tramontane en ignorant que les colons avaient réalisé cette opulence, fait de cette colonie la perle des Antilles grâce au travail forcé. Une immoralité à corriger. On doit admettre qu’il fallait adopter des moyens  respectant bien sûr les droits des travailleurs, utiliser des procédés matériels et des machines avancées à l’effet de produire les résultats qu’ils donnent partout ailleurs. D’ailleurs, le travail forcé aboli, certains pays sont devenus plus prospères qu’au temps de l’esclavage qui énerve les forces de l’intelligence. La science est venue en aide à la justice. Il était possible de se mettre à l’œuvre, non de contraindre la population mais de l’intéresser au travail. Car la liberté politique n’est pas incompatible avec le travail. Il s’agissait de sortir de la routine de l’époque, de recourir à des formes de production plus efficaces que celles du temps de l’esclavage. C’était le temps de la première révolution industrielle où la force musculaire était devenue inutile. Il faut admettre malheureusement que notre esprit collectif est paralysé au niveau de la première étape de l’évolution de la pensée. Ce qui également entrave toute évolution matérielle. La prédisposition naturelle de toute société à penser ensemble, à vivre ensemble,  à rêver ensemble semble avoir été mise en veilleuse par notre incapacité à réfléchir sur nos problèmes et à formuler même des simulacres de solutions. Au lieu d’aborder avec intelligence, science et recul les controverses et les chicanes qui empoisonnent depuis toujours notre existence de peuple, nous nous retranchons derrière notre singularité aveugle. La question de couleur (noirisme et mulâtrisme). La problématique des langues (créole vs français). Le binôme nèg andeyò vs nèg lavil qui se nourrit à l’origine de la dualité Bossales vs Créoles… Ce laisser-frapper constant et répétitif ne sera jamais la clé de notre réussite ou de notre éveil. Au contraire… »   LN: Vous avez un message pour les lecteurs qui prendront part à cette édition virtuelle ? JJD: Cette 26e  édition de Livres en folie est une opportunité, une porte qui s’ouvre sur l’avenir du pays. Une grande première. C’est la facilité offerte à tous sur un plateau en or. À chacun sa possibilité de participer à ce grand  kombit intellectuel. Plus d’exclusive. Grâce à la magie de la technologie moderne, en dépit de la distanciation sociale, la participation des lecteurs peut se multiplier. Avec seulement 89 bibliothèques, dont 33 publiques, la jeunesse ayisienne ne peut pas grandir intellectuellement. C’est normal. L’esprit critique qui permet à l’enfant de comprendre son environnement et de s’ajuster ne s’acquiert que par la lecture. Bonne participation à tous et surtout procurez-vous mon ouvrage : «  Réflexions sur Ayiti : Cahier de mon vécu. »