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Le Nouvelliste

Le Core Group inquiet après la publication des décrets sur l’Agence nationale d’intelligence et le Renforcement de la sécurité publique

Dec. 14, 2020, midnight

Après la classe politique et  la société civile haïtienne, c’est maintenant le Core Group (composé des ambassadeurs d’Allemagne, du Brésil, du Canada, d’Espagne, des États-Unis d’Amérique, de France, de l’Union européenne, du représentant spécial de l’Organisation des États américains et de la représentante spéciale du secrétaire général des Nations unies) qui exprime son inquiétude suite à la publication, le 26 novembre 2020 du décret portant création, organisation et fonctionnement de l’Agence nationale d’intelligence (ANI) et de celui pour le Renforcement de la sécurité publique. « Le décret sur le renforcement de la sécurité publique étend la qualification d’acte terroriste’’ à certains faits qui n’en relèvent nullement et prévoit des peines particulièrement lourdes (de 30 à 50 ans de prison) », dénonce le Core Group. La communauté internationale dénonce aussi le fait que le décret créant l’ANI donne aux agents de cette institution une quasi-immunité juridique, « ouvrant ainsi la possibilité à des abus ». « Ces deux décrets présidentiels, pris dans des domaines qui relèvent de la compétence d’un Parlement, ne semblent pas conformes à certains principes fondamentaux de la démocratie, de l’Etat de droit, et des droits civils et politiques des citoyens », a critiqué le Core Group, qui continue de croire en l’importance de rétablir un Parlement élu par l’organisation des élections législatives au plus vite, dès que les conditions d'un scrutin démocratique seront réunies. Sur son compte Twitter samedi, le Premier ministre Joseph Jouthe a déclaré : « J'ai pris connaissance du communiqué du Core Group de ce 12 décembre. Je reste persuadé que le Core Group continuera à nous aider à réfléchir sur la manière de mettre fin aux exactions des groupes armés qui sèment l'insécurité, la terreur et le deuil dans les familles. Ces agissements et comportements empêchent les autorités haïtiennes de travailler pour une meilleure performance en matière de droits humains, et permettre à Haïti de jouer pleinement son rôle dans le concert des nations. » Il faut rappeler qu’après la publication le 26 novembre dernier de ces deux décrets, le président avait dit rencontrer les membres du Core Group. « Je viens de terminer une fructueuse rencontre avec le Core Group. Les échanges ont porté sur le projet de constitution, les prochaines élections, le climat sécuritaire et la poursuite du dialogue interhaitien », avait écrit Jovenel Moïse sur son compte Twitter le 3 décembre dernier. La bâtonnière de l’ordre des avocats de Port-au-Prince, Me Marie Suzy Legros, au cours des funérailles nationales en hommage à Me Gérard Gourgue cette semaine, avait déjà appelé le chef de l’Etat à arrêter la fabrication de décrets-lois, soulignant que celui sur l’Agence nationale d'intelligence (ANI) est « tyrannique et liberticide ». «Le bâtonnier Gérard Gourgue ne s’en ira pas en paix si je me garde de dire au président de la République d’arrêter la fabrication des décrets-lois. Le bâtonnier Gérard Gourgue ne s’en ira pas en paix si je me garde de dire au président de la République que le décret portant création, organisation et fonctionnement de l’Agence nationale d’intelligence (ANI) et celui pour le renforcement de la sécurité publique sont des textes tyranniques liberticides que la société haïtienne a l’obligation légitime de rejeter, et comme de fait, les rejette… », avait fulminé la bâtonnière Legros. Dans un numéro spécial de Le Moniteur en date du 26 novembre 2020, le locataire du Palais national a publié deux décrets qui renforcent ses pouvoirs en tant que chef de l’Etat. Le décret portant création organisation et fonctionnement de l’Agence nationale d’intelligence confère en son article 5 à cette agence la mission de la mise en œuvre de la politique du gouvernement en matière de renseignements et de contre-renseignements. Les membres de cette nouvelle structure, qui seront appelés « agents », disposent de pouvoirs immenses et illimités. Selon le décret, ils n’ont de compte à rendre qu’au chef de l’Etat et sont intouchables dans l’exercice de leurs fonctions… Dans le décret portant sur le Renforcement de la sécurité publique publié le 26 novembre 2020 dans le journal officiel de la République Le Moniteur, le président Jovenel Moïse et le gouvernement qualifient d’actes de terrorisme des actes comme l'enlèvement, la séquestration, les actes de dégradation et détérioration de biens publics ou privés, l'installation de barricades sur la voie publique, des conseils considérés comme favorables à un groupe terroriste, des policiers inactifs face à des actes répréhensibles… Les coupables risquent entre 30 et 50 ans de prison et une amende de deux millions à deux cent millions de gourdes…