Le Nouvelliste
Haïti ne respecte pas les standards minimaux de transparence budgétaire, avertit le Département d'État américain
June 16, 2020, midnight
Le Département d'État américain a publié le lundi 15 juin son Rapport 2020 sur la Transparence Fiscale évaluant 141 pays à travers le monde en fonction de leur transparence budgétaire, et à la lumière des standards minimaux. Si Haïti ne disposait d’aucun document budgétaire pendant neuf des 12 mois de la période d'évaluation, le rapport s’est appuyé sur d’anciens budgets pour produire un ensemble de recommandations à prendre en compte pour que le pays puisse se conformer aux standards minimaux de transparence budgétaire. Sur les 141 gouvernements évalués dans le rapport sur la période d'examen allant du 1er janvier au 31 décembre 2019, le Département d'État a conclu que 76 satisfaisaient aux exigences minimales de transparence fiscale, au contraire des 65 autres gouvernements, dont Haïti. Par exigences minimales en matière de transparence budgétaire, le rapport fait référence à la mise à disposition de documents budgétaires clés qui sont accessibles au public, pratiquement complets et généralement fiables. Le rapport prend en compte également une évaluation de la transparence des processus d'attribution des contrats et des licences par le gouvernement en question pour l'extraction des ressources naturelles. En Haïti, le rapport établit que « dans le passé, les documents budgétaires accessibles au public ne fournissaient pas une image pratiquement complète des dépenses et des sources de revenus prévues du gouvernement, y compris les revenus tirés des ressources naturelles ». De plus, nous dit le rapport, « le budget ne fournit pas suffisamment de détails pour chaque ministère ou organisme et ne comprend pas les allocations et les revenus des entreprises publiques ». C’est précisément le cas du budget 2019-2020, adopté le 5 juin dernier en conseil des ministres, qui ne prévoit aucun financement en provenance des entreprises publiques et organismes autonomes ayant pourtant l’obligation légale de fournir au trésor au public une partie de leurs revenus. « Les documents budgétaires accessibles au public devraient fournir une image sensiblement complète des dépenses et des sources de revenus prévues du gouvernement, y compris les revenus tirés des ressources naturelles. Les budgets devraient comprendre les dépenses ventilées par ministère et les revenus ventilés par source et type. Les documents budgétaires devraient détailler les allocations et les revenus des entreprises publiques », explique le rapport précisant que les entreprises publiques doivent avoir des états financiers audités accessibles au public. Plus loin, le rapport rappelle que « les documents budgétaires doivent intégrer tous les comptes ou fonds spéciaux. S'il existe des comptes hors budget qui ont un but légitime, ils doivent être vérifiés, les résultats rendus publics et les comptes soumis à surveillance ». Par ailleurs, le gouvernement haïtien a tenu des comptes hors budget qui n'étaient pas soumis à la même surveillance et audit que les autres dépenses, constate le rapport. Son budget militaire n'était pas soumis à un contrôle civil. La Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif (CSC/CA) a partiellement examiné les comptes du gouvernement, poursuit le document, mais elle n’a pas rendu son rapport public dans un délai raisonnable. Si l’auteur du rapport reconnaît que les budgets militaires et de renseignement ne sont souvent pas accessibles au public pour des raisons de sécurité nationale, il exige cependant que ces budgets soient approuvés par le Parlement et soumis à un contrôle civil. S’agissant des critères et procédures par lesquels le gouvernement haïtien attribue des contrats ou des licences pour l'extraction des ressources naturelles, ils ont été spécifiés par la loi et par décret mais, dans la pratique, découvre le rapport, ces lois et règlements contractuels n’ont pas été suivis par le gouvernement. Les informations de base sur les récompenses pour l'extraction de ressources naturelles n'étaient que sporadiquement accessibles au public. Après cette première étape d’évaluation, un ensemble de recommandations spécifiques sur les mesures à court et à long terme, à mettre en place par Haïti pour améliorer sa transparence budgétaire, est ensuite formulé dans le rapport du Département d'État. Il s’agit pour Haïti de « publier des documents budgétaires dans un délai raisonnable ; publier plus de détails sur les sources et types de revenus, ainsi que sur les dépenses par ministère ; fournir plus de détails sur les allocations et les revenus des entreprises publiques ; soumettre son budget militaire à une surveillance civile ; assurer un audit et une surveillance adéquats des comptes hors budget ; améliorer la fiabilité des documents budgétaires en produisant et en publiant un budget rectificatif lorsque les recettes et dépenses réelles ne correspondent pas à celles du budget adopté ; veiller à ce que la Cour supérieure des comptes vérifie les comptes du gouvernement et publie les rapports d'audit qui en résultent ; respecter systématiquement les lois et règlements relatifs à la passation de contrats et à l'octroi de licences dans le domaine de l'extraction des ressources naturelles ; et enfin, publier régulièrement des informations de base sur les extractions de ressources naturelles ». Bien qu'un manque de transparence budgétaire puisse être un facteur propice à la corruption, le rapport n'évalue pas la corruption. Constater qu'un gouvernement «ne satisfait pas aux exigences minimales de transparence budgétaire» ne signifie pas nécessairement qu'il existe une corruption importante au sein du gouvernement. De même, la constatation qu'un gouvernement «satisfait aux exigences minimales de transparence budgétaire» ne reflète pas nécessairement un faible niveau de corruption. Les examens annuels de la transparence fiscale des gouvernements qui reçoivent l'aide des États-Unis aident à garantir que les fonds des contribuables américains sont utilisés de manière appropriée et offrent des opportunités de dialogue avec les gouvernements sur l'importance de la transparence fiscale, a souligné le Département d'État américain justifiant ainsi le bien-fondé de la publication d’un tel rapport.