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Le Nouvelliste

Journée artistique à l’École Saint-Joseph des Frères de l’instruction chrétienne

Jan. 25, 2021, midnight

L’art a entrée libre à l’École Saint-Joseph des Frères de l’instruction chrétienne à Pétion-Ville, ce dimanche 24 janvier 2021. Le temps d’une journée peintres, sculpteurs, forgerons, photographes et graffeurs ont communié avec le public curieux qui a fait le déplacement pour cette grande messe artistique qui s’est tenue dans le cadre de la première édition du festival « Haïti, le Printemps de l’Art ».  Décidément, les amants de l’art n’ont aucune raison de s’ennuyer en cette fin du mois de janvier 2021. Les organisateurs de la première édition du festival d’art contemporain « Haïti, le Printemps de l’Art » se sont assurés de leur offrir une programmation riche, diversifiée et surtout gratuite du 14 au 31 janvier 2021. Ce dimanche 24 janvier par exemple, le public avait le choix. L’Université Quisqueya accueillait outre des conférences et ateliers, les vendeurs de tableaux et artistes de rue à travers la foire baptisée, « Atis lari, penti a gogo ». Dans les hauteurs de Pétion-Ville, la Galerie Monnin à Laboule 17 recevait le vernissage de l’exposition des œuvres de Killy, André Blaise et Frantz Zéphirin. La galerie Trois visages à l’Espace Pèlerin 1, présentait Majigridi avec Celeur, Iris, Nico, Samdi et Thoni Louis. Et bien entendu, la cour de l’École Saint-Joseph des Frères de l’instruction chrétienne à Pétion-Ville, s’était transformée en une grande galerie d’art à ciel ouvert, où le forgeron Ricoeur Bruno, le sculpteur Edrice Toussaint, 12 photographes, 18 peintres et 15 graffeurs donnaient à voir leurs œuvres. Les fabriquaient même sous les yeux du public au fil des heures.  Visage masqué, COVID19 oblige, le public investit l’espace dès l’ouverture, l’esprit alerte, l’œil vif tentant de déchiffrer les œuvres qui s’offrent à lui. Les tableaux d’une quinzaine de peintres sont au cimaise d’une galerie éphémère faite d’alignement de feuilles de plywood peints en blancs et du grillage brut qui enserre des tentes. Les œuvres de peintres dont la réputation n’est plus à faire côtoient celles de jeunes dont le travail est à apprécier ou à surveiller. Ainsi, en faisant le tour de cette exposition en plein air que semble ouvrir ces poissons en fer signés Ricoeur Bruno, on découvre des toiles de Levoy Exil, Xavier Dalencour, Onel, Mario Benjamin, Clifford Bertin, Jhony Jean, Damas, Anayica Louis, Réginald Sénatus, Samdi, Daphné Meyer, Valérie Noisette, Cicéron, Richard Nesly, Jean Robert Alexis et Lesly Pierre. Lobenson Civilma, quant à lui,  présente quatre sculptures dont un buste de Léonard de Vinci et un de la danseuse Vivianne Gauthier. Les deux autres symbolisent l’étonnement, le cri. Ces quatre sculptures sont  réalisées grâce à un mélange de résine, d’epoxy et de poudre de marbre.  Parallèlement, les clichés de photojournalistes et de photographes attirent aussi les visiteurs. Qu’il s’agisse de la série Pèlerinaj de Johnson Sabin, celle sur les mariages de Valérie Baeriswyl, les scènes du dimanche de Vanessa Cass, les photos de chacun de ces 12 photographes professionnels invitent à faire une pause pour admirer le travail. Derrière chaque image se cache une histoire qui mérite d’être racontée.  Telle photo de Fabienne Douce témoigne de l’existence au pays du combat de Pingué, une forme de lutte sauvage accompagnée de danse qui se pratique dans certaines régions reculées du pays surtout à l’occasion de la période pascale. On aime revoir ces clichés du photojournaliste Jeanty Junior Augustin, notamment ceux pris lors de la manifestation du 12 septembre 2017 qui a fait le tour des réseaux sociaux. L’un des clichés de Jean Marc Hervé Abélard, pris au Marché aux chèvres à la Croix-des-Bossales, nous fait pénétrer dans la réalité des abattoirs. On tente de comprendre le rituel du bassin Mambo Inan ou les pèlerins du Lakou Soukri avec Pierre Michel Jean. On se souvient, nostalgique, des dames de Symbi Roots avec l'une des images de Estaïlove St-Val, découvre Péligre, le fleuve Artibonite coincé dans un écrin de verdure avec Georges Harry Rouzier ; revient sur le drame des incendies de marchés publics avec une triste image d’Edine Célestin, ou encore l’incendie des stands de carnaval au Champs de Mars l’an dernier avec cette photo de Réginald Louissaint.  Le temps d’un saut au stand de Gadi Maciaq, on se rince les yeux avec ses clichés dont la dimension artistique est saisissante alors que Jazzy’s photography donne à voir les photographies de mariages, son domaine de prédilection.  Cependant, rien n’aura attiré autant le regard que ces graffeurs qui réalisent en direct de grandes fresques sous les yeux admiratifs de dizaines de jeunes. Debout, ils regardent les graffeurs des heures durant se donner à la tâche, observent chaque esquisse, chaque ligne, chaque jet de spray, guettant l’instant où l’idée maîtresse va surgir. Difficile de dire, lequel de Assaf, Adou, Freddy, Gary, Never, OliGa, Pens, Rayza, Snoopy, Tchooko, Vicky, Vlad, Youry, Zébra ou 2son a ravi le cœur du public. Ces somptueux graffitis qui ont pris la place de la peinture blanche sur ces grands tableaux en aggloméré, étonnent et séduisent chacun à leur façon.  Mis à part les graffitis, on n’oubliera pas les sculptures en bois grandeur nature réalisées avec beaucoup de doigté par Edrice Toussaint. Ce couple qui s’embrasse vole la vedette à une dizaine d’autres pièces exposées à l’évènement, dont cette représentation de la femme aux yeux bandées qui symbolise la justice ou encore, cette mère envoyant en l’air son bébé.  Sur cette cour de l’école des Frères de l’instruction chrétienne, l’art rayonne de mille feux. Tout respire talent, créativité, imagination. Voir ces différents artistes en exposition ou démonstration fait penser à ce qui aurait pu être s’il y avait eu un meilleur encadrement. Des conversations se lient, des rencontres se produisent, des acquisitions se font, mais des vocations se créent aussi. En silence. Ces enfants qui assistent au “Live art with the kids”, un atelier de peinture dirigé par Oliga, nous le confirment.  Cette immersion dans les arts en cette journée du dimanche 24 janvier 2021 s’apparente à une parenthèse, un paragraphe intéressant dans le récit de notre quotidien chaotique. Une sorte de pause dont on avait besoin avant d’affronter cette nouvelle semaine qui risque d’être, elle aussi, marquée par des nouvelles peu réjouissantes. Cette journée à l’instar de plusieurs autres activités de « Haïti, le Printemps de l’Art », confirme que l’art, la culture, demeure la planche de salut que nous devons saisir pour mieux nous ouvrir au monde.