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Le Nouvelliste

Annulation de la dette et rareté de dollars sur le marché, le gouverneur de la BRH fait le point

May 8, 2020, midnight

Le Nouvelliste : Que souhaite Haïti dans le grand mouvement de réclamation d’annulation des dettes quand on sait qu’Haïti – hors Venezuela – a peu de dettes ? Jean Baden Dubois : Effectivement, certains soutiennent une annulation complète de la dette extérieure des pays à faible revenu à cause du Covid-19, mais il faut préciser que les mesures arrêtées par les pays du G-20 ne visent pas une annulation de dette mais plutôt un moratoire sur le service de la dette pour aider certains pays à faire face à des problèmes de liquidités et dégager des ressources pour pouvoir mieux répondre aux défis de la pandémie. Les pays débiteurs auront un moratoire durant lequel ils n’auront pas l’obligation de servir la dette, mais une fois le moratoire terminé, ces pays devront recommencer à honorer leur service de la dette. Cette suspension des paiements portera sur les remboursements prévus sur le reste de l’année calendaire. Il existe, certes, un vaste mouvement de solidarité des pays créanciers et de certaines institutions internationales comme le FMI et la Banque mondiale pour soulager les pays débiteurs, mais nous ne sommes pas encore arrivés à un grand mouvement d’annulation de dette. Ne l’oublions pas, tous les pays sont affectés d’une façon ou d’une autre par la propagation du Covid-19. De nombreux pays et organismes créditeurs au-delà des pays du G20 se seraient engagés à fournir un moratoire aux pays débiteurs pour alléger leurs besoins de liquidités. C’est vrai, hors Venezuela Haïti a peu de dettes, mais nous ne savons pas encore si le Venezuela va participer à cette initiative. LN : Haïti va-t-il pousser dans une autre direction ? Proposer autre chose ? JBD : Il faut dire que les marges de manœuvre d’un créancier sont beaucoup plus large que celle d’un pays débiteur. Haïti étant dans cette deuxième catégorie de pays a une marge de manœuvre très réduite. Étant donné qu’en dehors des pays du G20, d’autres pays et organismes créditeurs ont manifesté leurs intérêts à fournir un moratoire aux pays débiteurs. Haïti pourrait s’orienter dans un processus de demande de moratoire envers ses principaux créanciers jusqu’à la fin de l’année 2020 et peut-être même jusqu’en 2021. Une telle démarche n’a pas cependant pas un caractère structurel. Nous sommes actuellement en train d’initier des discussions avec le Fonds monétaire international en vue de la signature d’un Staff Monitored Program (SMP) qui doit nous conduire à la mise en place d’une Facilité élargie de crédit (FEC).  Le SMP devrait nous offrir, avec l'aide de nos partenaires, la possibilité d'élaborer un programme de réformes structurelles plus approfondi qui pourra éventuellement être mis en œuvre dans le cadre d’un programme à moyen terme. Les bailleurs de fonds d’une manière générale réagissent favorablement après la signature d’un SMP. Je reconnais que la conjoncture internationale est délicate eu égard à l’impact du Covid-19 sur l’économie mondiale.  LN : Proposer autre chose ? JBD: L’idéal serait d’avoir la possibilité d’accéder à des financements sur les marchés financiers internationaux. En effet, pour avoir des ressources le gouvernement guatémaltèque a émis en avril dernier des bons du Trésor sur les marchés internationaux dans le cadre de la crise du Covid-19. Nous devons travailler pour renforcer notre crédibilité en mettant en œuvre des politiques visant à renforcer la stabilité macroéconomique, les réserves internationales et à faire progresser les réformes structurelles clés visant à remédier à la mauvaise gouvernance, à un environnement des affaires difficile et à une pauvreté généralisée.     LN : La circulaire de la BRH est de moins en moins respectée par les maisons de transfert. Quelle option à la BRH pour le paiement des transferts en devises ? JBD: La circulaire de la BRH est malaisée à appliquer pour le paiement des transferts en devises dans le cadre de cette pandemie Covid-19. En effet, depuis l'apparition de la crise sanitaire, il est devenu plus problématique de s’approvisionner en billets depuis les États-Unis. De son côté, la banque centrale n’émet que la monnaie nationale et n’est pas en mesure d’importer suffisamment de numéraires en vue de répondre à la demande. On peut constater une certaine rareté de billets en dollars sur le marché. Toutefois, il ne faut pas occulter que la circulaire permet de payer les transferts en gourdes au bénéficiaire, si ce dernier l’accepte. Selon les informations qui circulent dans les médias et reportées à la BRH, au niveau des points de service des maisons de transfert, les transferts ne sont pas versés suivant le taux requis par la circulaire. En ce sens, la BRH est en train d’examiner certaines mesures qui seront prises dans l’immédiat aux fins de protéger le consommateur financier et garantir l’intégrité du système financier.