Le Nouvelliste
La vision politique d'une Première ministre derrière le succès économique du Bangladesh
Feb. 7, 2020, midnight
Le Nouvelliste a décidé de faire la lumière sur l'éclatant succès économique, vanté par le Forum économique mondial, du Bangladesh, dont le territoire correspond à l'ancien Pakistan oriental. À la tête du Bangladesh depuis 2009, la Première ministre Sheikh Hasina, 72 ans, a entrepris, contre vents et marées, des réformes salutaires pour l'économie de son pays. Première ministre de 1996 à 2001 puis de nouveau à partir du 6 janvier 2009, Sheikh Hasina a réussi le pari de sortir son pays de la pauvreté chronique dans laquelle il pataugeait depuis son indépendance, proclamée en 1971, pour rendre vivace l'espoir de voir un jour, dans deux décennies peut-être, le Blangadesh figurer sur la courte liste des pays développés. Personne ne conteste les références économiques du gouvernement de Sheikh Hasina - la Banque asiatique de développement (BAD) est le dernier membre d'une liste croissante d'institutions internationales attestant de la réussite économique du Bangladesh. La BAD a classé le Bangladesh comme l'économie ayant la croissance la plus rapide de la région Asie-Pacifique, éclipsant la Chine, le Vietnam et l'Inde. Dans le même temps, les améliorations dans de nombreux indicateurs socio-économiques enregistrées par le Bangladesh suscitent la convoitise de ses voisins. Propulsé par un secteur manufacturier robuste et un énorme boom des infrastructures, le Bangladesh s'est fixé l'objectif de devenir un pays développé d'ici 2041 pour coïncider avec le jubilé de platine de son indépendance. De nombreux commentateurs ont qualifié cet objectif d'ambitieux. Toutefois, même les plus ardents critiques du gouvernement réfléchiraient à deux fois avant de remettre en question sa plausibilité. Depuis 2006, on assiste à un changement radical d'attitude vis-à-vis du Bangladesh qui a surpassé le taux de croissance du Pakistan. Il y a dix ans, personne n'aurait parié un centime sur un Bangladesh qui progresserait à un rythme aussi rapide. En essayant de déchiffrer le succès économique du Bangladesh, les experts évoquent plusieurs facteurs cruciaux, notamment la satisfaction de la demande d'électricité, le développement des infrastructures, la stabilité politique et l'autosuffisance alimentaire. Aucune de ces réalisations n'a été facile. Lorsque le gouvernement de Sheikh Hasina a essayé d'introduire et de mettre en œuvre ses politiques, il a souvent été confronté à d'énormes risques et implications politiques. Il y a une décennie, le Bangladesh était aux prises avec des pannes de courant suffocantes. Actuellement, le pays produit plus d'électricité que nécessaire la nuit et est sur le point d'éliminer toute forme de pénurie d'électricité. À son retour au pouvoir en 2009, Sheikh Hasina a entrepris d'atténuer d'abord la pénurie d'énergie avant de se lancer dans des plans à long terme. À titre temporaire, elle a décidé d'autoriser des entreprises privées à construire de petites centrales électriques, appelées centrales à location rapide. La décision a reçu une avalanche de critiques de la part de nombreux milieux - des partis d'opposition, des économistes à la presse, et aux groupes de réflexion, intimidant de nombreux membres de la bureaucratie. Mais Sheikh Hasina a refusé de revenir sur ce qu'elle pensait être le bon pas en avant. Elle a défendu sa décision avec force, apportant les modifications nécessaires pour lever toute ambiguïté juridique et s'est concentrée sur sa mise en œuvre. Près de 10 ans plus tard, personne ne doute que sa décision a contribué à résoudre de manière permanente la crise énergétique. D'une certaine manière, ce chapitre illustre également la confiance que Sheikh Hasina accorde au secteur privé. Elle est consciente de l'héritage socialiste du pays, qui se méfie extrêmement des incursions du secteur privé dans des domaines critiques, mais elle connaît également les vertus du marché libre. Lorsqu'elle est arrivée au pouvoir en 1996, elle a brisé le monopole de l'industrie des télécommunications, ouvrant la voie à une concurrence intense entre les entreprises. Comme conséquence évidente, le Bangladesh bénéficie désormais de l'une des données mobiles les moins chères et des coûts d'utilisation des téléphones mobiles les plus bas du monde, ce qui, entre autres, a aidé les services financiers mobiles de ce pays, mondialement reconnus, à prospérer. Au pouvoir, Sheikh Hasina a ouvert de nombreux secteurs traditionnellement réservés au secteur public au secteur privé, notamment la santé, la banque, l'enseignement supérieur, la télévision et même les zones franches et économiques. Dans le même temps, son gouvernement a considérablement élargi les programmes de protection sociale pour aider à se relever la tranche la plus pauvre et la plus négligée de la population et à augmenter les subventions d'autres secteurs cruciaux de l'économie tels que l'agriculture. Sa philosophie de développement est une combinaison de vertus capitalistes et socialistes. Durant la plus grande partie de son histoire, le monde n'a connu le Bangladesh que pour les calamités naturelles, la pauvreté déchirante, la famine et la violence politique. Ces événements et ces aspects méritaient l'attention, mais ils ne reflétaient certainement pas l'aspiration de cette nation. La plus grande histoire aurait dû être la résilience avec laquelle ce peuple a résisté à d'innombrables catastrophes naturelles et crises. Malheureusement, minimiser cette résilience a été l'approche adoptée par les gouvernements successifs pour assurer le flux ininterrompu de l'aide étrangère. Un ancien ministre des Finances, tristement célèbre, a déclaré une fois que l'autosuffisance alimentaire pourrait prendre le pas sur le soutien étranger entrant. Un tel état d'esprit a freiné le progrès économique de ce pays durant de nombreuses années. En effet, le facteur le plus décisif derrière le succès surprenant du Bangladesh est que Sheikh Hasina a insufflé un sentiment de confiance dans le psychisme national de son pays. À titre d'exemple, son gouvernement a décidé d'autofinancer un pont après le retrait de la Banque mondiale. Les observateurs ont peut-être ignoré l'approche tenace, audacieuse, courageuse et pragmatique de la Première ministre, mais aucune explication du succès du Bangladesh ne serait suffisante sans la prise en compte du facteur Sheikh Hasina. Traduit de l'anglais par Patrick SAINT-PRÉ