Le Nouvelliste
A l’école du coronavirus: pouvons-nous faire mieux que l’Italie, l’Espagne, la France et les Etats-Unis ? (deuxième partie)
April 6, 2020, midnight
III. LA VOIE DE SORTIE : Mare senti nou pandan 3 mwa Une combinaison de raisons fait que jusqu’ici le pays a été plutôt épargné par l’épidémie. Je cite au pif : notre distance par rapport à la Chine, les recommandations des États-Unis, de la France et du Canada d’éviter de voyager en Haïti ; la baisse de l’activité touristique depuis plusieurs décennies, la survenue relativement précoce des premiers cas… Il s’agit maintenant de construire sur cette bonne fortune en prenant les mesures les mesures qui s’imposent pendant au moins trois mois (avril, mai et juin) pour empêcher un retournement de situation et attendre avec sérénité l’arrivée de l’été. III. A. Augmenter la discipline sociale. Une meilleure appropriation des mesures à venir passe par une meilleure discipline sociale. Pour ceci, il faut 1) calmer l’anxiété de la population 2) redonner confiance. L’anxiété est liée à la somme d’informations inexactes ou excessives en circulation, aux prévisions apocalyptiques, à l’incertitude et à la confusion généralisées. Il s’agit de communiquer mieux et de façon plus ciblée (radio préférable à télé, message préenregistré préférable à point de presse, périodicité bihebdomadaire préférable à quotidienne). Une ligne gratuite à code court (3 à 4 chiffres) dédiée uniquement à la diffusion d’information serait disponible en permanence pour que la population puisse s’informer sur l’épidémie. Elle serait différente de la ligne permettant de solliciter les services ambulanciers. La confiance ne se donne pas elle se mérite. Il lui faut du temps pour se construire quand elle a été altérée. Une possibilité serait de faire appel à une personnalité au-dessus de tout soupçon (en dehors des politiques et du cercle des intimes du pouvoir) pour être la personnalité désignée pour la communication technique des actions entreprises dans le cadre de l’épidémie. Pour ne pas avoir à réinventer la roue, l’équipe du MSPP qui l’avait fait durant le choléra pourrait reprendre du service. Au-delà de la communication, il existe une suspicion légitime sur l’utilisation des fonds alloués pour faire face à l’épidémie. Une transparence totale dans tout le processus de passation de tous les marchés liés à l’achat de services dans le cadre de l’épidémie serait pratiquée. Les informations actualisées seraient disponibles pour tous, à tout moment et en temps réel sur un site internet dédié à cette fin. De plus, des organisations indépendantes de la société civile comme la Fondation Héritage, la Fondation Je Klere et l’OCPAH[1] et autres, auraient la possibilité à tout moment de vérifier les informations proposées et de produire des rapports indépendants hebdomadaires sur l’utilisation des fonds engagés. III. B. Agir à trois niveaux Bloquer l’entrée des cas importés. L’apparition précoce des premiers cas en Haïti a eu un effet bénéfique. Il a contraint les dirigeants à prendre la mesure qui s’imposait depuis longtemps la suspension de tous les vols vers Haïti. Cette mesure devrait être maintenue au moins jusqu’au 30 juin et même au-delà tant que l’OMS ne déclare que l’épidémie est maitrisée à l’échelle mondiale ou que les États-Unis ne parvienne à inverser la tendance de l’épidémie. L’expérience a montré que le fait d’autoriser l’accès à des vols venant d’un seul pays était suffisant pour permettre l’entrée de cas importés. L’ouverture précoce de nos vols risquerait de voir se décharger sur le pays une quantité de personnes fuyant l’ampleur de l’épidémie dans leur patrie d’adoption, ce qui compliquerait notre situation. Limiter la transmission communautaire. Bloquer l’entrée des cas importés est très simple, il faut tout juste un peu de cran à nos dirigeants. Par contre, limiter la transmission communautaire est nettement plus complexe. Il faut des mesures énergiques mais il faut surtout une bonne compréhension du problème, une bonne lecture de la sociologie haïtienne et une dose de créativité pour produire des solutions sur mesure ; et ne pas se contenter de reproduire les modèles importés. Prévenir la transmission à tous les départements. A l’heure de la rédaction de ce texte, 4 départements sont concernés par l’épidémie. Il s’agit de faire des cordons sanitaires autour des départements infectés aussi bien pour empêcher que les 6 autres départements soient atteints que pour aggraver la situation de certains départements déjà affectés. De la sorte, il faudrait interdire toute circulation de personnes « de » et « vers » les départements concernés. L’interdiction de circulation des personnes concernerait tous les modes de transport (véhicule privé ou public, à moteur ou à traction animale, motocyclette ou bicyclette, transport aérien, transport à pied ou à dos d’animal…). Les dérogations ne concerneraient que les malades en quête de soins avec une note appropriée du médecin traitant. La circulation des marchandises serait toutefois autorisée avec le port obligatoire de masque ou de foulard[2] en coton faisant fonction de masque (FFFM) pour tous les occupants du véhicule. La Police Nationale instituerait des points de contrôle (24/24 et 7 jours sur 7) sur les routes nationales pour s’assurer du respect de ces directives. Un registre pour l’enregistrement de chaque véhicule franchissant le point de contrôle sera institué pour le contrôle du mouvement des véhicules autorisés. [1] Ordre des Comptables Professionnels Agréés d’Haïti [2] Option admise et recommandée par les autorités canadiennes pour peu que le foulard soit lavé chaque jour