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Le Nouvelliste

Nos entreprises : entre crise et responsabilité sociale

April 27, 2020, midnight

Notre pays traverse, à l’instar du monde, une crise sanitaire sans précédent qui affecte tous les aspects de notre vie en société. Au-delà des difficultés de confinement que rencontre chacun, l’économie déjà fragilisée par des crises successives met à genoux les entreprises et les familles haïtiennes.  Aussi, dans cette lutte pour la survie de nos entreprises, puisqu’il s’agit effectivement de survie, on ne peut mettre de côté la responsabilité sociale des entreprises.   Peut-on parler de responsabilité sociale des entreprises (RSE) à l’heure ou celles-ci sont en lutte pour leur propre survie ? Rappelons que la RSE est le fait pour l’entreprise d’intégrer dans ses opérations les préoccupations économiques, sociales et environnementales de ses parties prenantes, qu’elles soient internes ou externes.  Aussi, en ce temps de crise du coronavirus, les parties prenantes sont d’autant plus préoccupées par non seulement leur santé et la santé des leurs, mais également par des sujets d’ordre économique qui résultent de ce confinement forcé.  Aucune entreprise, à l’heure actuelle, ne peut fonctionner en faisant abstraction de ces préoccupations et plus que jamais la RSE est d’actualité! Néanmoins, toutes les entreprises, même si elles le souhaiteraient, n’ont pas les moyens de faire des dons en argent comme peuvent le faire certaines d'entre elles. La RSE, bien qu’elle comporte une part de philanthropie qui est appréciée et utile à la communauté, n’est pas qu’une histoire de dons.  Toute entreprise peut, selon sa réalité, ses ressources et capacités financières poser les actions responsables qui lui permettent de traverser cette crise.   Plus que jamais, la sagesse populaire s’applique, puisque c’est dans les mauvais moments qu’on reconnait ses vrais amis, les consommateurs et la société sauront distinguer les entreprises qui se seront démarquées positivement ou négativement au cours de cette crise. Comment agir de façon responsable sans donner l’impression que l’entreprise profite de la situation pour gagner en visibilité? À cette question directe, je répondrai simplement qu'il suffit d’être authentique, sincère et empathique dans ses actions.  Dans ses interventions, l’entreprise doit aider à la recherche de solution pour la communauté sans chercher à en tirer un avantage direct.  Le public doit bien sûr savoir que les entreprises contribuent, cependant ceci ne doit pas faire l’objet de « sur-publicité ». Quelles sont les attentes du public et des consommateurs envers les entreprises ? Nous pouvons regrouper les attentes des consommateurs et de la société en quatre grandes catégories : Que les entreprises agissent effectivement de façon responsable en tenant compte du bien-être commun.  Ceci implique que chacun fasse sa part, selon ses moyens et capacités.  Il ne s’agit pas de vendre, mais plutôt de contribuer à trouver des solutions au(x) problème(s) au(x)quel(s) on fait face collectivement.  L’empathie est la clé et il serait malvenue et mal vue qu’une entreprise veuille profiter d’une situation de crise que ce soit financièrement ou pour se faire du capital image. Les entreprises peuvent intervenir de différentes façons en mettant à contribution leurs ressources et leurs moyens de production, tels que: Apporter des modifications à leur chaîne de production pour fabriquer des produits urgents et utiles dans le cas de la crise, comme dans le cas des désinfectants pour des entreprises Farmatrix, Berling et autres ; des masques et vêtements pour le personnel médical comme l’ont fait plusieurs entreprises de l’ADIH. Soutenir les entreprises locales. Plus que jamais, il est évident que la solidarité est de mise afin de préserver nos entreprises, nos emplois, nos consommateurs… donc portons une attention particulière à consommer local.  Il y va de notre survie!  Pas besoin d’attendre une politique gouvernementale quelconque qui risque de ne jamais arriver.  Utiliser les réseaux des entreprises (clients, fournisseurs, etc.) pour la diffusion de messages de sensibilisation (comme nous l’avons vu avec Kako). Profiter de ce temps de ralentissement pour revoir les opérations et activités de l’entreprise afin de les optimiser, d’accroitre leurs impacts positifs tout en réduisant leurs impacts négatifs. Que les entreprises posent des actions philanthropiques apportant une contribution réelle au secteur et domaines le nécessitant le plus. Ces derniers temps, les actes de philanthropie se sont multipliés et nous félicitons toutes les entreprises qui ont contribué d’une façon ou d’une autre.  Diverses actions philanthropiques sont possibles :  Des dons en argent, comme nous l’avons vu dans le cas des entreprises qui ont supporté des initiatives du gouvernement ou de certaines ONG, pensons notamment à E-Power, le Groupe Capital Bank, Fatima Group entre autres. Des dons de matériel et d’équipements, comme l’ont fait plusieurs entreprises membres de l’ADIH en offrant des masques, blouses et matériel de protection pour le personnel médical, ou encore de kits de tests permettant de détecter le virus (Groupe Bigio) et même de respirateurs artificiels (Digicel). Des dons logistiques, en mettant à contribution leurs espaces (notamment Fatima Group avec l’Habitation Jouissant) et leur capital confiance pour mobiliser d’autres entreprises à s’impliquer. C’est ce qu’a fait l’Association des importateurs de véhicules à moteur (AAIVM) ainsi que la Carribean Port Services et les compagnies maritimes affiliées avec leur don de 650 mille dollars[1]. Que les entreprises offrent des produits et services adaptés et pertinents en tenant compte des risques actuels comme par exemple : Des espaces respectant la distanciation sociale, informant et sensibilisant les usagers à la responsabilité de chacun à se protéger mutuellement, des postes de lavage des mains ou de désinfection, des mécanismes réduisant les risques comme les ouvre-portes à pied, des services de livraison, des services en ligne, des commandes par téléphone, etc. Bref, innover et trouver des façons de poursuivre l’activité de votre entreprise tout en réduisant les risques pour votre clientèle! Attention au regroupement de masse qui accroit les risques! Que les entreprises traitent avec le plus grand soin leurs employés et collaborateurs en minimisant pour eux les impacts de cette crise.  Trois aspects à considérer :   La santé sécurité au travail. On attend de l’entreprise la mise en place de mesures protégeant réellement les travailleurs : distanciation sociale, port de masques et de gants, désinfection des zones critiques, quarts de travail rotatifs pour limiter le nombre d’employés sur le lieu de travail en même temps, protection du personnel particulièrement à risque, etc. Le soin que l’entreprise prendra à préserver ses emplois et éviter, autant que possible, les mises à pied.  Les entreprises sont encouragées à convenir avec leurs employés d’aménagement d’horaires particuliers pour ce faire. L’accès aux soins aux employés et à leur famille en cas de maladie. Attention, il ne s’agit pas pour les entreprises d’en faire une opération marketing visant à mettre leur marque en avant mais plutôt de faire les choses bien, en tenant compte de leur communauté et de leurs parties prenantes.  Ceci est d’autant plus important qu’il y aura un après coronavirus.  En forçant une pause mondiale, cette crise aura démontré l’importance de faire les choses différemment, d’agir de façon plus responsable.  Les entreprises ne pourront se permettre de ne pas capitaliser sur les leçons apprises : Le virage vers l’économie numérisée a été amorcée en mode accéléré qu’il s’agisse des services, de la formation et de l’éducation en ligne, du télétravail ou autre ouvrant la voie à des systèmes moins consommateurs de ressources et d’énergie. Malgré un contexte de globalisation des marchés, il est important de préserver certaines filières de production locales, et ce, pour notre sécurité nationale. Cette crise compte tenu de son ampleur, requiert pour s’en sortir une mise en commun des acteurs et des ressources. Chaque entreprise, chaque individu a son rôle à jouer. « Ne jamais gaspiller une bonne crise », disait Winston Churchill. Espérons cette fois-ci, qu’à défaut de pouvoir l’éviter nos entreprises sauront s’adapter responsablement! Nathalie Pierre-Louis Laroche