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Le Nouvelliste

Coronavirus: les Haïtiens entre méfiance et « principe de précaution »

March 30, 2020, midnight

Le coronavirus, c’est à ce jour près d’un million de cas confirmés et plusieurs dizaines de milliers de morts dans le monde. Pire, quand on regarde la courbe de progression du virus, on s’aperçoit qu’on est sur une pente raide, caractéristique d’une croissance exponentielle. Pas sur un sommet dont on pourrait espérer une décroissance. Trois milliards de personnes, soit près de la moitié de la population mondiale, sont en confinement. Ayant été pris au dépourvu, les Etats font ce qu’ils peuvent pour réduire la propagation du virus. Pour le moment, pas de vaccin ni de traitement type. En Haïti, nos dirigeants ont longtemps hésité à fermer les frontières, ce, en dépit de nombreuses suggestions de voix avisées dans l’opinion publique. Le gouvernement n’a pas profité de la période où nous n’avions pas encore de cas. On avait pourtant le temps. Beaucoup de temps. Le 19 mars, Haïti a enregistré ses deux premiers cas. C’est alors que le président de la République a annoncé en catastrophe une série de mesures barrières. Tous les pays ont fait l’expérience. Dès que le premier cas est confirmé, il y en aura d’autres. Beaucoup d’autres. Pourquoi ? Parce que la personne, avant d’avoir les premiers symptômes, a déjà transmis le virus à d’autres. Et ainsi de suite. Le gouvernement n’avait peut-être pas voulu prendre des mesures avant l’arrivée du virus sur le territoire. Les mesures de confinement, par exemple, coûtent cher à l’économie. Mais l’arrivée du virus coûtera encore plus cher. Le gouvernement n’avait peut-être pas voulu écouter les alarmistes qui font une montagne d’un problème qui n’avait pas encore été chez nous. Les alarmistes ont tendance à exagérer le problème. C’est vrai. Mais leurs alertes ont toujours aidé à prendre conscience et à anticiper les catastrophes naturelles. Samedi 28 mars, on en est à 15 cas. Entre-temps, les mesures barrières ne sont pas respectées. Chacun a ses raisons pour ne pas les respecter. Certains disent devoir vivre au jour le jour. D’autres vont jusqu’à douter des informations du gouvernement. Ces doutes s’accroissent avec le manque de leadership des autorités dans la gestion de la crise. D'autres encore croient qu’il n’y a pas de malade et que les dirigeants nous mentent dès le début. Même avec 15 cas, la méfiance reste intacte pour une bonne partie de la population. Il peut être difficile pour les autorités de démontrer noir sur blanc à la population que ces malades ont bien été infectés par le Covid-19. Quels que soient nos doutes et nos contraintes, tâchons de respecter les consignes au nom du « principe de précaution ». Le principe de précaution, tel que défini par l’ONU en 1994, s’énonce ainsi : « Quand il y a risque de perturbations graves ou irréversibles, l’absence de certitudes scientifiques absolues ne doit pas servir de prétexte pour différer l’adoption de mesures. » Si le gouvernement n’avait pas anticipé l’arrivée du coronavirus, chacun de nous doit faire ce qu’il peut pour ne pas tomber malade et empêcher la propagation du virus dans le pays. Dans un État faible où le système de santé est défaillant, « se mèt kò ki veye kò ». Faisons les bons gestes ! Le virus est réel. Une personne en meurt toutes les 30 secondes dans le monde ces derniers jours (3 000 morts par jour en moyenne). Sur le plan des croyances religieuses, vous pouvez croire en ce que vous voulez, prier ce que vous voulez, mais cela n’empêche pas de faire les gestes qui sauvent. Après avoir prié pour demander quelque chose aux divinités, vous avez toujours une ou des actions à faire. Vous priez pour demander la réussite scolaire, après il faut étudier; vous priez pour demander la réussite professionnelle, après il faut partir travailler. Il y a toujours quelque chose à faire. Dans le cas du coronavirus, vous êtes libre de prier si vous êtes croyant. En même temps, il n’y a aucun mal de respecter les consignes des autorités sanitaires.