Le Nouvelliste
«Le tribunal ne peut fonctionner au gré des bandits», s'indigne Jean Wilner Morin
Jan. 22, 2020, midnight
Les assises criminelles avec ou sans assistance de jury pour cette année judiciaire ne débuteront pas cette semaine en raison du climat qui prévaut au Bicentenaire. Celles qui avaient été interrompues en août 2019 non plus. Le nombre de dossiers en attente de recevoir jugement en pâtit. Considérant que même les dossiers acheminés du cabinet d'instruction depuis juin 2019 n'ont été entendus, le juge Jean Wilner Morin a souligné qu'il ne manque pas d'affaires en souffrance. Les efforts pour réduire le taux de détention préventive prolongée ont donc été vains, d'après l'homme de loi. Mais il impute cette responsabilité à l'insécurité au Bicentenaire. Cette dernière «crée des retards au niveau de l'administration de la justice», a indiqué Jean Wilner Morin, président de l'Association nationale des magistrats haïtiens. Selon le magistrat, la justice devrait travailler à plein régime. Mais la réalité au tribunal de première instance de Port-au-Prince est que les juges, tout comme les avocats, ne sont pas toujours présents en nombre. L'administration pénitentiaire est également contrainte parfois d'arpenter le boulevard Harry Truman avec des détenus. Les jours d'activité ou de paralysie dépendent du bon vouloir des gangs armés, s'ils s'affrontent pour établir leur hégémonie. «Le tribunal ne peut fonctionner au gré des bandits», rappelle le juge instructeur, s'indignant de la permanence de la crise que traverse la plus grande juridiction du pays. Ce lundi, comme toujours, le tribunal a été affecté par les affrontements du week-end écoulé. La zone est déserte, a observé Me Morin. Le tribunal ne fonctionne pas, estime-t-il. À en croire ses dires, ses pairs ne se rendent au tribunal que certaines fois. «C'est une situation difficile», se plaint le magistrat, qui plaide en faveur d'un «déplacement provisoire» dudit tribunal. Les autorités concernées n'ont jamais répondu aux appels du pied des associations de magistrats ou des avocats qui sont également dans de beaux draps avec cette situation. «Par mesure de prudence, il faudrait déplacer provisoirement le palais de justice, le temps de pacifier la zone», a insisté Jean Wilner Morin. Il se montre stupéfait de ce que le ministère de la Justice a entrepris des travaux de rénovation dans l'ancien local de l'USAID qui abrite aujourd'hui ledit palais. Depuis plus d'une semaine, les salles et bureaux du parquet et du tribunal de première instance sont vidés afin de les réaménager. Une telle démarche laisse croire qu'il y a très loin de la velléité à la volonté de faire fonctionner la juridiction de Port-au-Prince. Ni l'urgence ni l'essentiel ne sont pris en compte par cette mesure, selon ceux qui fréquentent l'espace. «Je remets en question ce calcul. Pourquoi rénover un espace qui ne nous appartient pas ? Qui pis est, la zone n'est pas fréquentable», a lâché le magistrat, qui croit nécessaire de déplacer le palais de justice au bénéfice des justiciables et des employés. C'était également l'occasion pour le magistrat d'appeler les autorités concernées à assumer leurs responsabilités pour juguler le problème.