Le Nouvelliste
Accusations de viol au Camp Nous : l’enquête du RNDDH est en cours
May 13, 2020, midnight
Tandis que le dossier d’accusations d’abus sexuels sur de jeunes footballeuses portées contre le président de la Fédération haïtienne de football, Yves Jean-Bart dit Dadou, continue de défrayer la chronique, le Réseau national de défense des droits humains (RNDDH) est déjà à pied d’œuvre pour mener une enquête sur la véracité de ces allégations. « Ce dossier d’accusation de viol, de détournement de mineurs que l’on reproche à la FHF, précisément au président Jean Bart, est grave et salit l’image du pays. Il faut que lumière soit faite dans l’intérêt de la société qui a droit à la vérité et pour qu’aussi, celles qu’on dit être victimes puissent avoir justice. On ne peut pas prendre ces accusations à la légère, d’autant qu’elles émanent d’un article paru dans un journal respectable en Angleterre. Il faut qu’on fasse une enquête », fait savoir le directeur exécutif du RNDDH, Pierre Espérance. M. Espérance confirme avoir pris connaissance le 17 mars dernier d’une lettre de la Fédération haïtienne de football (FHF) datée du 10 mars 2020 et signée du secrétaire général de la Fédération haïtienne de football, Carlo Marcelin, sollicitant une enquête sur une campagne de dénigrement contre la FHF. À ce moment, il ignorait la gravité des accusations, mais le dossier avait été confié à une équipe. Pour l’heure, on ignore à quelle phase est l’enquête, encore moins quand elle sera finalisée, mais l’équipe du RNDDH y travaille avec sérieux et impartialité, assure-t-il. Leurs visites au Camp Nous, le ranch de la Croix-des-Bouquets où sont formées les footballeuses, s’effectuent sans entrave de la part de quiconque. Cependant Pierre Espérance affirme ne pas s’y tromper. Ce n’est pas un dossier facile. De ce que révèlent ses propos, on n’est pas encore en mesure de recueillir le témoignage de toutes les potentielles victimes. D’ailleurs, certaines seraient à l’étranger. Il faudra alors que cet organisme des droits humains, membre de la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH), établisse les contacts à travers ses réseaux de prime abord. Cela va prendre du temps. On ne peut pas oublier non plus que d’autres instances telles que la Fifa devraient avoir leur mot à dire aussi. « En Haïti quand on parle de corruption, d’impunité, de viol, de détournement de mineurs, on fait face à une forte résistance. Même lorsque les accusations seraient fondées, on essaiera d’étouffer le scandale », confie Pierre Espérance, qui avoue néanmoins que ce n’est pas la première fois qu’il entend parler de problèmes au niveau de la Fédération haïtienne de Football, à savoir des allégations de corruption et de népotisme et à présent de viol. S’agissant de ces dossiers, il est vraiment difficile de les mener à bout. « Certes les informations sont là, les victimes existent, mais du fait qu’il n’y a pas de protection pour les victimes, pour les témoins, les bourreaux utilisent le système pour effrayer les victimes, pour les exécuter ou simplement les réduire au silence. Avec la précarité qui sévit dans le pays, même quand les victimes dénoncent haut et fort les faits, il y a toujours un avocat, un proche qui contourne le processus pour trouver des moyens de négocier et enterrer le dossier. « On opte souvent pour le kase fèy kouvri sa. Dans plusieurs cas sur lesquels le RNDDH a travaillé, les victimes ont été contraintes à l’exil, explique le défenseur des droits humains qui reconnaît q'iici « les bourreaux sont protégés ». « Dans ce dossier, on pourrait trouver la vérité. On pourrait arriver à trouver les informations, trouver les auteurs, comme on l’a fait pour le massacre de La Saline. Mais, si vous me demandez si après l'enquête les allegations ont fondées, si on pourrait arriver à un procès, je vous dirais qu'il faudra beaucoup se battre », confie Pierre Espérance, rappelant, pour preuve, le dossier de Jean Dominique assassiné depuis le 3 avril 2000, où les assassins courent encore ou ont été tués en prison.