Le Nouvelliste
Le calvaire des enfants démunis au centre d'accueil de Carrefour
Jan. 29, 2021, midnight
Sept heures du matin, nous sommes dans la cour du centre d'accueil de Carrefour, un espace logeant environ trois cents enfants et adolescents démunis. Certains d'entre eux, sans chaussures et avec des vêtements déchirés, se mettent au travail pour nettoyer l'espace. Sur leur visage, de la désolation et du désespoir. Dans la cour dudit centre, des piles d'immondices dégagent des odeurs pestilentielles. Même ceux qui portent un masque ne peuvent résister. Ce grand espace qui devrait être une vraie maison de refuge pour ces enfants comporte plusieurs chambres à coucher avec des lits en fer mais sans aucun matelas. Pour attirer le sommeil qui n’est pas toujours facile à trouver, ces enfants utilisent des morceaux de tissus sales et déchirés, racontent-ils. La nourriture devient un luxe au centre d'accueil de Carrefour. Les enfants se nourrissent à la merci des bons Samaritains, raconte l'un des responsables du centre qui a préféré garder l’anonymat. « Ce sont les sœurs de la charité qui nous aident et d'autres membres de la communauté qui pensent aux enfants. L’État n'a pas pris en compte ses responsabilités », confie le responsable. « Nous avons l’habitude de passer deux jours sans nourriture. On n’a pas payé nos moniteurs ; ils pourraient nous aider à trouver quelque chose à manger », raconte avec une voix triste un adolescent de 10 ans. À la cuisine du centre d'accueil, les réchauds à gaz utilisés pour préparer la nourriture aux enfants deviennent des réchauds de bois. Pire, mêmes les bois se font rare. « Ces réchauds que vous voyez, c’était des réchauds à gaz. À présent nous les utilisons comme des réchauds de bois ; on a même apporté du charbon pour préparer à manger aux enfants. Parfois les plus grands vont chercher du bois au lycée Louis Joseph Janvier et au centre Polyvalent », explique l’une des cuisinières. « Je suis une contractuelle, je travaille depuis 10 ans dans ce centre d’accueil ; on nous a promis des lettres de nomination, jusqu’à présent rien n’est fait. Nos enfants ne peuvent pas aller à l’école », se désole une cuisinière qui fait croire que le ministère des Affaires sociales et du Travail n’a pas payé les employés depuis 18 mois. « Le situation de ces petits-enfants qui vivent cette misère résulte de l'irresponsabilité des autorités du ministère des Affaires sociales et du Travail », s’offusque l’un des responsables de cette maison d’accueil, qui appelle les autorités du pays à prendre conscience et à penser aux enfants des rues au centre d’accueil de Carrefour en vue de prévenir la délinquance juvénile et l’augmentation de l’insécurité dans le pays. Le centre dispose d’une école créée en vue d’offrir aux enfants le pain de l’instruction. Cette dernière ne fonctionne plus. Les enseignants ont abandonné. Ils n’ont pas reçu leur salaire depuis cinq mois, selon les employés de cette institution rencontrés sur place. Aux heures de classe, les enfants du centre d’accueil de Carrefour sont pour la plupart en pleine rue, quand certains jouent dans la cour et d’autres exercent des tâches domestiques. À la demande d’un des responsables du centre, quatre des six professeurs reprennent leurs travaux au centre d’accueil. « On souhaite que l’État paie nos enseignants et nous accorde du matériel scolaire afin de poursuivre l’année scolaire », sollicite avec sa voix triste un enfant de six ans, qui manifeste son intérêt pour l’éducation malgré sa pénible situation au centre. Dans le souci de résoudre les problèmes du centre, les employés ont à plusieurs reprises organisé des muvements de revendication pour exiger leur nomination et le paiement des mois d’arriérés de salaire que l’État leur doit. Ils ont même manifesté devant les locaux du MAST, mais leurs cris n’ont jamais été entendus. Une nouvelle ministre prend les commandes au MAST. Quel espoir pour ces enfants démunis du centre d’accueil de Carrefour ? Anicile Maitre