Le Nouvelliste
Joseph Jouthe se laisse aller et se met en difficulté…
May 13, 2020, midnight
Enregistrées à son insu, des déclarations du Premier ministre lors d’une conversation privée font le tour des réseaux sociaux. Joseph Jouthe affirme avoir désapprouvé, mais pas sans injures, le budget présenté par son ministre de l’Economie et des Finances. « Li vini avèk menm tenten bidjè a. Je lui ai dit que ce budget ne reflète pas la grande vision du président. Ale lakay ou al refè devwa w », a lancé le chef du gouvernement, se référant au ministre Boisvert. Pour Jouthe, Haïti n’existe pas. Il ne voit pas pourquoi quelqu’un se présenterait comme candidat à la présidence pour diriger le pays. « Qu’est-ce que vous allez diriger ? Le pays n’existe pas. Il n’existe ni sur le papier ni dans le réel », a-t-il tancé, qualifiant de ''salopri'' les membres de la population qui soutiennent ces leaders qui, selon le Premier ministre, sont liés à des gangs. « Je ne ressemble pas à l’État. Si je savais comment faire pour détruire l’Etat, je l’aurais déjà fait. En Haïti, vous avez beaucoup de gens qui ont le statut d’homme et de femme d’Etat… Je ne suis pas un politicien, je me demande ce que je fais là ... », a-t-on retenu dans cette conversation entre le chef du gouvernement et des personnes non identifiées. Sidérée par ces déclarations, l’organisation politique Bouclier, un parti proche du pouvoir Tèt kale exige la démission du Premier ministre. « Nous nous trouvons dans l’obligation morale et patriotique pour vous demander la démission du Premier ministre », lit-on dans une lettre ouverte de ce parti adressée au président de la République. Pour le Parti Bouclier, les récentes déclarations du Premier ministre sont malveillantes. Les responsables de cette organisation politique ont exhorté Jovenel Moïse à ne pas se faire complice des déclarations de Joseph Jouthe. « Nous qualifions Jouthe Joseph de traitre national. Il ne mérite pas la confiance de la nation », ont-ils fulminé. L’ancien président de la Chambre des députés Gary Bodeau, élu sous la bannière du Parti Bouclier, estime quant à lui que Joseph Jouthe doit rester à son poste. « Nous avons besoin de beaucoup plus de synergie pour conduire la barque nationale à bon port en ces temps difficiles. Le Premier ministre a son tempérament. Je déplore sa déclaration qui est inopportune et inappropriée. Cependant, il doit rester à son poste pour continuer à servir le peuple haïtien », a-t-il dit. « Nous ne pouvons changer de Premier ministre comme nous changeons de chemises. Jouthe est un homme impulsif qui dit les choses telles qu’il les sent. Il a présenté ses excuses à la nation et à ses collaborateurs. C’est ce qui compte. Nous avons besoin de la paix et de la sérénité dans ce pays. Ce gouvernement doit s’accorder sur une réponse coordonnée à la maladie du coronavirus au lieu de se donner en spectacle. Notre priorité doit être la redynamisation de l’économie, la réforme de la sécurité publique et de la justice et les dispositions techniques à adopter pour combler le vide institutionnel », s’est positionné Gary Bodeau. Pour sa part, Me André Michel, porte-parole du Secteur démocratique et populaire, l’aile dure de l’opposition, a déclaré au Nouvelliste : « le Premier ministre de facto, Joseph Jouthe, n’est pas sérieux. Il ne prend pas non plus le pays au sérieux. Cela ne nous surprend pas. D’ailleurs, s’il était sérieux, il n’aurait pas accepté de collaborer avec Jovenel Moïse. Les oiseaux de même plumage s’attroupent. C’est bien malheureux pour le pays. » De toute façon, a ajouté l’opposant farouche au pouvoir en place, « nous autres de l’opposition, nous prenons le pays très au sérieux. C’est pourquoi nous nous battons pour l’organisation de la Conférence nationale haïtienne, l’aboutissement du procès PetroCaribe et la mise en place d’une transition politique responsable en vue de casser le système d’exclusion en place dans ce pays depuis plus de 200 ans. Nous sommes très optimistes. » La Primature n’a pas encore officiellement réagi aux déclarations du Premier ministre. Le Nouvelliste a tenté en vain d’entrer en contact avec M. Jouthe. Contacté par le journal, le président du PHTK, le parti au pouvoir, Liné Balthazar a fait savoir que le PHTK n’a pas de position sur les déclarations du Premier ministre. Après avoir déclaré il y a quelques semaines qu’il a l’habitude de parler au téléphone avec les chefs du gang de Village-de-Dieu, Joseph Jouthe avait par la suite fait savoir que le président de la République lui avait conseillé de mettre un peu de « filter » dans ses propos…