Le Nouvelliste
La fermeture des classes et son lot de malheurs
Nov. 22, 2019, midnight
Le réseau privé de l'éducation dans le pays détient la plus grande part des écoles. Ce sont bien ces établissements qui souffrent le plus. Ils sont contraints de placer leur personnel incluant les enseignants en situation d'arrêt de travail depuis septembre. Certains ont payé uniquement le mois de septembre, d'autres opèrent une réduction de salaire. Mais la majorité n'a rien payé. Les dépenses consenties pour préparer la rentrée des classes les laissent peu d'argent en réserve. Les directions se mettent d'accord sur un point : il serait malsain d'exiger des parents le paiement d'un service dont ils n'ont pas bénéficié. Jean Edson Méus tire ses revenus déjà faibles de l'enseignement de l'anglais au niveau du nouveau secondaire et professionnel. Tous les centres d'enseignement qui bénéficiaient de ses services sont fermés à Carrefour. Il a déjà travaillé deux semaines en septembre mais le collège ne pouvait pas le payer. En guise d'alternative, il a commencé à donner des cours aux particuliers. « À présent , je gagne même pas la moitié de mes revenus habituels. Tous mes projets sont à l'arrêt. Si j'avais une femme et des enfants, j'aurais beaucoup plus de mal à m'en sortir », dit-il. Mais tous n'ont pas la même chance. Enseignant de sciences sociales, Emmanuel Bernard continue d'assister ses élèves qui sont en classe d'examens officiels. L'école a créé une dynamique pour leur enseigner les notions de base. Durant toute la période de troubles, il reçoit les deux tiers de son salaire. Ce qui lui permet, ajoute-t-il, de se maintenir à flot et de faire des gestes de solidarité avec des proches. L'enseignant de carrière mesure «l'impact considérable » de cette fermeture des classes tant au niveau pédagogique qu'au niveau économique notamment pour les enseignants qui étaient désœuvrés durant la période de troubles. « Ç'aurait été idéal qu'on rouvre les classes en cette fin d'année pour réduire le temps de l'oisiveté des enfants qui n'ont qu'une semaine de classe en quatre mois », estime Emmanuel Bernard. Sous couvert de l'anonymat, en raison des menaces subies pour avoir tenté de recevoir des élèves en civil, une directrice interpelle directement l'opposition qui réclame le départ de Jovenel Moïse sans condition. « Les directeurs n'ont pas décidé de fermer leurs écoles. Le ministère ne peut pas sortir un nouveau calendrier à cause de l'incertitude causée par le mouvement des rues. Si l'État ne peut ouvrir l'école, c'est à l'opposition de le faire. Car ce sont eux qui dressent les barricades. » Selon l'éducatrice, le fait d'envoyer les programmes aux élèves est un palliatif qui ne saurait remplacer leur présence en classe. Directeur d'écoles, Marc Anthony Alix affirme qu'il engage 110 employés qu'il ne peut payer ni octobre ni novembre. Il espère un retour en classe dès décembre pour ne pas pénaliser davantage les élèves et le personnel. « Notre système éducatif est déjà à l'agonie et les élèves viennent de perdre pas mal de jours de classe, déplore l'éducateur. Ils seront peu productifs. » Pour que le pays puisse avoir une éducation de qualité, M. Alix parie sur le personnel enseignant bien formé et mieux rémunéré. Mais la façon dont le pays les traite comme des travailleurs journaliers ne fait pas honneur à la profession, note-t-il. Bien que le calme soit revenu dans la commune de Carrefour, son école est restée fermée parce que ses élèves, craint-il, viennent des zones réputées tendues ces derniers mois comme Léogâne, Gressier ou Martissant.