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Le Nouvelliste

La Cour de cassation relogée, le reste délabré

Jan. 23, 2020, midnight

Sur la liste des bâtiments publics à construire à la rue de la Réunion ou, dans un cadre plus global, à la cité administrative, à tort ou à raison, on a omis d’ajouter le palais de justice. Aujourd’hui, le lieu qu’occupait cet édifice n’est plus qu’un vaste terrain recouvert d’herbes sauvages, sur lequel résiste allégrement une ruine. La clôture de fer de ce palais sert à étaler des vêtements « pèpè »et des ouvrages traitant de différents sujets. Le local devient méconnaissable. Surtout avec cette pratique de « car wash » qui s’est développé aux alentours du vestige du palais de justice. Pour offrir un nouveau temple de Thémis, en octobre 2010, le ministère de la Justice s’est servi de l’ancien bureau administratif de l'USAID au boulevard Harry Truman. Celui-ci loge à présent le barreau, le parquet, le tribunal de première instance ainsi que la cour d’appel de Port-au-Prince. Si cet espace peut résister à un cataclysme similaire à celui du 12 janvier 2010, il n’est pas aussi confortable et élégant que l’a été le palais de justice, où s’est tenu l’historique procès des Timbres. De plus, le palais de justice est situé à quelques encablures de la « VAR » au Bicentenaire qui est devenu le repère des bandits opérant au Village-de-Dieu ou même à La Saline. Durant la période de « peyi lòk », des bandits ont pu subtiliser sans crainte un substitut commissaire du gouvernement. À la même période, un agent de sécurité a été blessé par balle alors qu’il circulait dans la cour du palais de justice. Pour saler l’addition, le 31 décembre 2019, Bob Dolciné, huissier dudit tribunal, a reçu des projectiles à l’entrée dudit palais. Ce dernier a succombé à ses blessures quelques heures avant le nouvel an. Avec l’insécurité qui s’est accrue, magistrats debout et assis ont beau plaider pour reloger le palais de justice. « L’association exhorte les autorités concernées à prendre toutes les dispositions pour déplacer le tribunal dans cette zone fragile réputée de non-droit pour éviter le pire », avait écrit le président de l’Association nationale des magistrats haïtiens, (ANAMAH) Jean Wilner Morin, également juge au tribunal. De telles démarches ont eu lieu mais les discussions n’ont porté leurs fruits. La figure tutélaire de la justice est impuissante face à l’insécurité. La première démarche pour relocaliser le temple de Thémis remonte à quelques mois après le séisme du 12 janvier 2010. L'ancien ministre de la Justice Paul Denis, avait annoncé la reconstruction du palais de justice, d'alors de Port-au-Prince. Celui-ci avait laissé entendre que le gouvernement Bellerive avait manifesté la volonté de reconstruire le temple de Thémis. Tout le monde s'attendait à ce que le palais soit reconstruit le plus tôt possible. Ce projet s'est envolé ainsi que celui de la reconstruction de la capitale haïtienne qui traîne encore dix ans après sa destruction. Les tribunaux ne sont pas dans un meilleur état que le palais de justice. Délogé provisoirement de la rue d’Ennery à la rue de la Réunion, le tribunal de paix de la section Sud de Port-au-Prince laisse à désirer. Supportée par deux containers, la clôture en grille et la cour où poussent des herbes sauvages offre un tableau répugnant. La salle d’attente des avocats, des fondés de pouvoirs et des justiciables  n'est constituée que de deux bancs placés dans la cour. Aux tribunaux des sections Nord et Est, respectivement à la rue Pétion et Lamarre, les conditions de travail sont identiques. La seule institution qui sauve la face dans le secteur judiciaire, dix ans après le séisme, c’est la Cour de cassation. Construit grâce à une enveloppe de 15 800 000 dollars américains offerte par Taïwan, le palais de la Cour de cassation, inauguré le 14 juillet 2015, n’a rien à envier à un colossal bâtiment. C’est le seul bâtiment dont les juges puissent être fiers, malgré la présence des marchands, des mécaniciens, entre autres,   qui élisent domicile dans ses environs.