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Le Nouvelliste

La flagrance continue n’existe pas dans la législation haïtienne, selon le président de l’Association professionnelle des magistrats

Dec. 20, 2019, midnight

Le juge Wando Saint-Villier, président de l’Association professionnelle des magistrats, a été interrogé ce vendredi sur les notions de flagrant délit, d’enquête, de poursuite et de récusation. Selon le magistrat, la flagrance désigne une situation où une infraction est en train d’être commise ou vient d’être commise. « L’infraction étant une situation de violation de la loi, particulièrement dans le cas où nous parlons, de la loi pénale. L’auteur est pris la main dans le sac au moment il commet le crime où s’il vient de le commettre et est dénoncé par la clameur publique», précise-t-il.  En ce qui concerne la durée de la flagrance, le magistrat se réfère à l’article 30 du code d’instruction criminelle. « La loi n’établit pas de durée. L’article mentionné fait allusion à celui qui est poursuivi ou dénoncé par la clameur publique, qui peut être interpellé comme suspect si l'on trouve des indices l’associant à l’infraction. La Cour de cassation a publié un arrêt stipulant que le délai de la flagrance ne va pas au-delà de 24 heures. On peut dire qu’il s’agit d’un arrêt de principe. À partir de celui-ci le délai est de 24 heures. En France, le délai est de 48 heures. Toujours en France, le procureur de la République (équivalent du commissaire du gouvernement) peut prolonger le délai jusqu’à 8 jours. Dans ce cas, on parle de flagrance continue. Mais ce terme n’existe pas dans notre législation », a-t-il fait savoir.  Le juge Saint-Villier a également été interrogé sur la séparation, par le législateur, de la fonction d’enquête d'avec la fonction de poursuite. Selon Me Saint-Villier, cela permet de garantir les droits des parties. « Notre système judiciaire est inspiré du système romano-germanique dans lequel le commissaire du gouvernement n’est pas un magistrat indépendant. Dans certains pays, on parle tout simplement de fonctionnaire quand le commissaire n’est pas indépendant. Un fonctionnaire qui a un rôle de poursuite et qui est rattaché au ministère de la Justice. Parce que le commissaire du gouvernement n’est pas une autorité de poursuite indépendante, pour garantir les droits des personnes poursuivies on confie la charge de l’enquête à un magistrat indépendant qui est le juge d’instruction. Ce dernier ne fait pas un travail de poursuite mais recherche à charge et à décharge tous les éléments qui peuvent faire jaillir la vérité judiciaire. En tant que magistrat indépendant, il agit avec objectivité, neutralité et impartialité. Celui qui est devant un juge d’instruction doit s’inquiéter seulement s’il a une implication dans les faits reprochés », a-t-il expliqué.  Selon le code d’instruction criminelle, dans quel cas le commissaire peut émettre un mandat d’amener ? À cette question, le président de l’APM répond en citant encore l’article 30 du code. « Cet article est clair et non équivoque. C’est seulement dans des cas de flagrant délit qu’un commissaire du gouvernement peut émettre un mandat d’amener. Le commissaire du gouvernement peut se rendre sur les lieux quand une infraction a été commise. Arrivé sur les lieux, celui-ci peut trouver le ou les auteurs présumés des faits. À ce moment, il peut auditionner les concernés. Il peut émettre des mandats de dépôt s’il estime que les interrogés ont une quelconque implication comme auteur ou complice. En revanche, en arrivant sur les lieux, si le commissaire ne trouve pas les individus qui ont une implication dans les faits reprochés, il peut toujours émettre une ordonnance ayant pour titre «mandat d’amener» s’il y a dénonciation de la clameur publique. L’intéressé doit être interpellé et transporté devant le commissaire pour audition. L’alinéa de l’article 30 du code d’instruction criminelle stipule que la simple dénonciation à elle seule ne suffit pas pour que le commissaire du gouvernement émette un mandat d’amener. La plainte ou la dénonciation ne suffit pas. Le commissaire peut décerner un mandat de comparution ou une lettre d’invitation. Si l’intéressé ne se rend pas, le commissaire peut toujours mener une enquête officieuse et monter un dossier afin de saisir le cabinet d’instruction. En l'absence de flagrance, aucun cadre légal n’autorise au commissaire d’émettre un mandat d’amener », soutient-il.  En ce qui concerne la récusation, Wando Saint-Villier rappelle que ce terme est utilisé en principe dans les procès en matière civile. « Malheureusement, ce terme est utilisé à tort et à travers par nos professionnels du droit. L’article 442 et suivant du code de procédure civile établit les conditions dans lesquelles une partie peut récuser un juge. Dans nos pratiques judiciaires, certains avocats récusent des juges en matière pénale alors qu’en cette matière, au regard du code d’instruction criminelle en son article 429, on parle de demande de renvoi, demande de dessaisissement. En cas de récusation le dossier ne va pas toujours devant la Cour de cassation. S’il s’agit d’un juge du tribunal de première instance, il reviendra au doyen de statuer, s’il s’agit d’un juge de la cour d’appel, il reviendra au président de la cour d’appel d’être saisi. La Cour de cassation intervient quand il s’agit d’une récusation en masse. Ici on est en matière civile. En matière pénale, en cas de demande de renvoi, il revient aussi à la Cour de cassation de statuer. Entre-temps, les tribunaux ne sont pas en mesure de juger.  Cela aura un effet suspensif. Par ailleurs, si une demande de renvoi concerne un juge d’instruction, il pourra continuer d’enquêter même si le dossier est devant la Cour de cassation. Pour les autres cas, il y aura un effet suspensif », a-t-il expliqué.