Le Nouvelliste
Pénurie d'essence, accusations, démentis et écrans de fumée…
June 18, 2020, midnight
Ce jeudi, des files de véhicules étaient visibles dans des pompes à essence de la zone métropolitaine de Port-au-Prince. Entre les tap-tap, les taxis-motos, les automobilistes en panne sèche, venus à pied, personne n'a oublié d'apporter leur « galon jòn ». Pour en avoir. Ou pour en avoir un peu plus si la rareté revient. Si le tanker avec 250 000 barils de gazoline est à quai depuis mardi après-midi, l’opération pour déporter le produit lancée, les utilisateurs des produits pétroliers prennent leur mal en patience. C'est au goutte à goutte que les stations vendent l'essence. Le blâme sur les raisons de cette pénurie est jeté sur les compagnies pétrolières par le directeur général du BMPAD, Ignace St-Fleur. Elles avaient du produit dans leurs cuves, soutient-il, mercredi 17 juin 2020. Le ministre du Commerce et de l’Industrie Jonas Coffy est entré dans la danse le même jour. Il s’est fendu d’un communiqué dans lequel il dit prendre acte d’informations « faisant croire à une prétendue rareté de gazoline ». Face à la « spéculation illicite » que cette situation a provoquée, Jonas Coffy brandit le bâton, la loi du 20 décembre 1946. L’Association des professionnels du pétrole (APPE) qui réunit cinq compagnies pétroliers prend le contrepied des affirmations des autorités. « Cette rupture de stock est due à un retard de plus de deux semaines de la livraison d’essence par rapport aux demandes qui avaient été transmises par les compagnies pétrolières au BMPAD qui a repris le contrôle des importations depuis le début du mois de juin », lit-on dans la note de cette association présidée par Randolph Rameau. « Le fait que le navire délivre un volume d’essence plus important que prévu résulte du choix du BMPAD pour éviter une deuxième importation quelques jours après cette première importation », a poursuivi ce communiqué qui assure que les stations-service seront ravitaillées. En interview sur Magik 9, Randolph Rameau a déploré les conséquences de cette situation pour les consommateurs. Il assure que l’on s’achemine vers l’approvisionnement des stations pour sortir de cette situation. Ce n’est pas de gaieté de cœur que nous voyons ce qui se passe dans les stations à essence en pleine pandémie, a confié Randolph Rameau qui invite les consommateurs à la patience. D’ici vendredi, la situation va connaitre une nette amélioration grâce aux livraisons effectuées à partir de Thor et de Varreux. Avec des mots choisis et mesurés, il voit la poursuite du partenariat avec l’Etat, dans la volonté de résoudre les problèmes. La rareté intervient au moment où Prebel-Rish Haïti a commencé l’alimentation du marché dans le cadre d’un contrat de six mois avec le BMPAD. Si le focus est mis sur le retard de livraison, des observateurs attendent et voir si effectivement, Prebel-Rish Haïti, dans le cadre de ce contrat signé en mai avec le BMPAD, va pouvoir honorer les termes de l’offre lui ayant permis de remporter ce marché. Sur la gazoline, Prebel-Rish a gagné avec un Platt’s + 8 centimes 11 par gallon, Platt’s + 6 centimes 28 par gallon de kérosène et Platt’s + 6 centimes 55 par gallon de diesel. L’offre la plus proche de Prebel-Rish pour la gazoline, venue de Remito Transport, est de Platts’s – 10 % + 5 centimes par gallon. Interrogé sur l’obtention des informations sur la commande Prebel-Rish Haïti, le président de l’APPE indique que les « données seront connues ». "Évidement, Prebel Rish Haïti est dans l’obligation de respecter les termes de son contrat", a-t-il souligné. Si la compagnie donne un crédit de 120 jours à l’Etat haïtien, son contrat stipule qu’elle a une lettre de crédit en dollar. « La devise applicable pour les factures, les paiements et les lettres de crédits pour toute marchandises selon ce contrat sera le dollar américain. L’article 7.1 de ce contrat signé entre le BMPAD et Prebel Rish indique que « les conditions d’achat pour le présent contrat sont établies sur une base de Platt’s de la date du B/L ajouté du premium prévu (8.11 centimes us Ndlr) à l’article 6. Le vendeur est responsable du paiement de tous frais, taxes et charges de déchargements ou autres frais liés à la livraison du produit au lieu de déchargement. Le vendeur est tenu de commander la quantité exacte dûment inscrite le bon de commande correspondant à la capacité de stockage du pays ». Ce contrat prévoit trois sites de stockage : aux ports de Varreux, Thor et Tristar Martissant. D’un autre côté, le président de l’APPE refuse de parler de surgains engrangés par le secteur. Plus loin, il a regretté que les compagnies pétrolières n’aient pas rendu publique leur demande d’une révision de la structure de prix remontant à 8 ans. Reste à savoir si l’Etat paiera moins che les produits pétroliers, si les prix à la pompe vont baisser et si les consommateurs pourront dormir sur leurs deux oreilles, en toute quiétude, loin des gallon jaunes… Roberson Alphonse