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Le Nouvelliste

Insalubrité aux abords de l'HUEH: à qui la faute ?

Dec. 18, 2019, midnight

De la rue Saint-Honoré à la rue Monseigneur Guilloux, des immondices jonchent la chaussée. Un camion vient, quand les circonstances le permettent, ramasser les déchets de l'hôpital général situé tout près de l'ancien hôpital militaire. Quand le camion ne vient pas, c'est la galère. Les déchets traversent la barrière de ce coin destiné au stockage de toute sorte de résidus. Les marchands qui s'installent devant la barrière inhalent, circonstances obligent, l'odeur pestilentielle des détritus. Les patients ne sont pas en reste. Contrairement aux déchets stockés à la rue Saint-Honoré, ceux qui jonchent la rue Monseigneur Guilloux sont oubliés. Excréments, vêtements usagés et déchets médicaux ne font qu'un; tout le monde attend la prochaine pluie. «Il n'y a qu'un seul moyen pour ce pile d'immondices de disparaitre, c'est la pluie », vocifère un propriétaire de pharmacie à la rue Monseigneur Guilloux. Il déplore le fait que plusieurs voix se soient soulevées contre les marchands qui brûlent les déchets alors qu'ils pourraient passer deux mois à l'empiler sous le regard complice des concernés. « Personne ne pense à l'image que cela renvoie de ce qui se fait à l'hôpital. Comment un patient peut être guéri de sa maladie si l'hôpital lui même est malade ?», se demande ce propriétaire de pharmacie sous le couvert de l'anonymat. Pour sa part, un médecin de service aux urgences de l'HUEH attire l'attention sur les maladies nosocomiales. Parce que tous les milieux hospitaliers sont vulnérables aux virus, bactéries et autres micro-organismes qui circulent dans l'air que nous inhalons, ce médecin de service aux urgences de l'HUEH qualifie de cocktail explosif l'association de l'insalubrité à ces micro-organismes. « Parfois, on perd un malade non pas à cause de la maladie mais à cause d'une infection contractée au cours de son hospitalisation. Certains malades quittent l'hôpital plus graves qu'ils ne l'étaient au moment de la consultation, beaucoup de professionnels de santé sont aussi victimes des infections nosocomiales entraînées par l'environnement insalubre de l'hôpital », révèle ce médecin, interniste. « Déjà, nous faisons pipi parfois à même le sol. Il n'y a pas de toilettes pour les patients et leurs parents, cette odeur est tout simplement insupportable pour nous », racontent deux personnes qui accompagnent un malade hospitalisé à la salle orange du service de médecine interne. Cette dernière donne une vue sur les marchands qui cohabitent avec les déchets le jour et l'odeur quasi étouffante des déchets la nuit. Les immondices sont majoritairement éparpillées à la rue Monseigneur Guilloux, notamment devant le nouveau bâtiment de l'HUEH dont l'inauguration se fait encore attendre. Cela en dit long sur le traitement qui attend ce nouveau bâtiment si rien n'est fait pour assurer un climat de propreté dans l'environnement de l'HUEH. À la rue Joseph Janvier, qui débouche sur la maternité de l'HUEH, non loin de la faculté des sciences de l'UEH, elle aussi en construction, un tas d'immondices bloque le passage entre la rue de la Réunion et la rue Joseph Janvier. En face, les marchands n'ont pas trop le choix, ils sont obligés de jongler entre plusieurs montagnes de détritus afin de liquider leurs produits, d'autant que la gestion des déchets à Port-au-Prince semble ne pas être pour demain la veille. « Durant 3 jours, j'avais décidé de rester chez moi, je n'en pouvais plus. Après tout j'ai constaté que rien n'avait été fait; je dois prendre soin de mes enfants, donc je retourne malgré moi », se résigne une marchande à la rue Joseph Janvier. En face, des femmes enceintes s'efforçant de donner la vie au gré d'une odeur qui embaume l'atmosphère et qui peut provoquer des maladies broncho-pulmonaires à force que les habitants de la zone essaient chaque soir de brûler une petite portion avant de la remplacer le lendemain. Une personne qui revient de la clinique externe en dermatologie se pose la question suivante : à qui la faute ? « La direction de l'hôpital qui devrait dénoncer cette situation à défaut d'en trouver une solution? Au ministère de la Santé publique qui devrait de concert avec le ministère de l'Environnement et les mairies assurer la propreté dans l'environnement des hôpitaux où des patients sont hospitalisés ? Est-ce la faute à la mairie qui ne s'inquiète guère de l'insalubrité à Port-au-Prince ? Est-ce la faute aux organismes chargés de collecter les résidus qui ont déjà fait montre de leur incompétence à s'atteler à cette tâche ? Est-ce la faute au président de la République qui semble ne pas se soucier de la propreté à moins d'un kilomètre du palais national ? », se questionne cet homme avisé qui, sans le vouloir, passe en revue nos grandes et petites défaillances dans la gestion des déchets en Haïti. Claudy Junior Pierre