Le Nouvelliste
L’OPC qui approuve déjà le changement de constitution va relire les décrets relatifs à l’ANI et au renforcement de la sécurité publique
Dec. 17, 2020, midnight
Alors que les décrets créant l’Agence nationale d’intelligence et sur le Renforcement de la sécurité publique sont déjà publiés dans le journal officiel de la République d'Haïti, Le Moniteur, et sont, par voie de conséquence, applicables, le directeur de cabinet du président de la République, Nahomme Dorvil, a écrit au Protecteur du citoyen l’invitant à donner son expertise sur ces deux décrets très critiqués par des organisations de la société civile et la communauté internationale. Dans cette correspondance en date du jeudi 17 décembre, la présidence sollicite l’éclairage de l’OPC en matière de droits humains et estime que la publication de ces documents soulève un « débat éclairé et intéressant sur l’impérieuse nécessité de sécurité nationale et la protection des libertés fondamentales constitutionnellement garanties… » Une source proche de l’OPC a confié au Nouvelliste que la demande du Palais national sera analysée et des commentaires liés à « la protection des droits humains et la sauvegarde de la démocratie seront produits en guise de réponse… » Le conseiller spécial du président de la République, Guichard Doré, estime que c’est une bonne chose que la publication de ces décrets ait soulevé des débats sur la sécurité nationale dans le pays. « On n’a jamais eu ce débat depuis 35 ans », soutient-il. Guichard Doré fait savoir que la publication de ces deux décrets n’a rien à voir avec un retour à la dictature comme le dénoncent des organisations de la société civile. Pour lui, il s'agit de l’animation politique. Pour montrer l’importance de ces deux décrets, le conseiller spécial du chef de l’Etat confie au Nouvelliste que, quelques minutes avant l’interview, on lui a fait part d'un cas d’enlèvement à la plaine du Cul-de-Sac. Pour Guichard Doré, la situation d’insécurité qui prévaut actuellement dans le pays est « une attaque contre les intérêts fondamentaux de la nation ». M. Doré ajoute que l’exécutif est à l’écoute des critiques relatives à la publication de ces deux décrets. Doré confirme pour le journal qu’effectivement le Palais national a sollicité l’éclairage de l’Office de la protection du citoyen notamment sur les articles les plus critiqués des deux documents. « LOPC n’aura pas à réécrire les décrets », précise Guichard Doré. « L’OPC fera un rapport sur les articles critiqués… », révèle-t-il. « Le souci du gouvernement, c’est le bien-être de la population, de rétablir la paix dans le pays et la libre circulation. Ce n’est pas un retour à la dictature », rassure le conseiller de Jovenel Moïse. Interrogé sur la demande de l’exécutif à l’OPC, Me Samuel Madistin, président du conseil d’administration de l’organisation de défense des droits humains FJKL a déclaré au Nouvelliste que « l’OPC n’est pas là pour supporter un président de la République dans ses dérives comme il l’a fait en apportant un appui à la démarche du président Jovenel de modifier les dispositions constitutionnelles sur l’amendement de la Constitution par un arrêté en violation du principe de l’obligation de conformité. » « La mission de l’OPC est de veiller au respect par l’Etat de ses engagements en matière de droits humains, notamment les engagements contractés au niveau régional et international. L’OPC, par exemple, doit intervenir auprès de l’Etat pour la protection et le respect des droits des filles et des femmes enlevées à longueur de journée soumises à des actes de violences sexuelles, physiques et morales malgré les engagements pris par Haïti dans la convention Belem Do Para, garantir le droit de manifester des citoyens-nes qui est un droit politique garanti par la Pacte international des droits civils et politiques de 1966 ou le Pacte San Jose de Costa Rica de 1969. C’est ça la mission de l’OPC », a avancé Me Madistin. Pour répondre aux préoccupations du Core Group qui avait déjà affirmé que ces deux décrets ne sont pas conformes à certains principes fondamentaux de la démocratie, de l’Etat de droit, des droits civils et politiques des citoyens, le président de la République avait déclaré : « Quand je prends une décision, je l’assume en tant que chef de l’Etat, le président de la République ! Toutes mes décisions sont prises pour le bien-être de la population. » Jovenel Moïse avait dénoncé ce qu’il considère comme une politique de deux poids, deux mesures de la part de la communauté internationale. Le chef de l'État avait fait remarquer qu’en République dominicaine il y a la Direction nationale d’intelligence, qu’aux Etats-Unis il le CIA, le FBI, la DEA entre autres agences de renseignements... « Le président Jovenel Moïse n’a aucune velléité dictatoriale, avait-il affirmé. C’est la démocratie à la Jovenel. Cette démocratie que je construis doit se faire dans l’ordre et la discipline. Personne ne peut vouloir déstabiliser le gouvernement en finançant les bandits pour faire des kidnappings sans que nous n’ayons à notre disposition un instrument légal pour l’arrêter. »