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Le Nouvelliste

Les policiers ont-ils le droit de se syndiquer… ?

Feb. 10, 2020, midnight

Les policiers n’ont pas le droit de former de syndicat. Les règlements de la Police nationale sont clairs sur ce point », a déclaré au Nouvelliste un ancien inspecteur général en chef de la PNH. Il a souligné que c’est écrit clairement dans les règlements de disciplines généraux de l’institution policière. « Même les demandes collectives sont interdites dans la police nationale »,  a affirmé cet ancien responsable de l’inspection générale sous le couvert de l’anonymat. Selon lui, les responsables de l’Inspection générale auraient dû prendre des mesures préventives pour éviter ce débordement des policiers en uniforme à l’Inspection générale vendredi dernier lors de l’audition de la policière Yanick Joseph, présentée comme le leader du syndicat des policiers. « Cette situation tend à désacraliser l’Inspection générale de la PNH. C’est un coup de massue… », a-t-il tancé, soulignant que l’inspection générale n’aurait pas dû remettre à la policière sa carte et son arme après les avoir confisquées. Les avis sont aussi partagés chez les défenseurs des droits de l’homme. Pour Me Gédéon Jean, responsable du Centre d’analyse et de recherches en droits de l’homme (CARDH), les policiers ont le droit d’avoir des mécanismes de revendications, mais pas forcément un syndicat policier. « Avant d’être policier, il est un humain, un citoyen. Si ses droits sont bafoués, c’est normal que ce dernier ait un mécanisme de revendication. Cependant, le policier fait partie d’une institution qui a ses propres règlements  qui  interdisent la formation du syndicat », a avancé l’homme de loi. Interrogé sur la hiérarchie des lois qui fait de la Constitution la loi mère du pays,  Me Gédéon Jean a évoqué le principe en droit qui dit que « la norme spéciale déroge à la norme générale. C’est-à-dire, lors même que la Constitution reconnaît le droit à la liberté syndicale, le fait qu’un règlement intérieur d’une institution l’interdit, cela devient légal… », a-t-il ajouté. Me Gédéon Jean a évoqué aussi le Pacte international sur le droit civil et politique ainsi que la Convention américaine relative aux droits de l’homme signés et ratifiés par l’État haïtien. « Ces deux documents reconnaissent le droit syndical », a-t-il souligné. Cependant, ces documents reconnaissent aussi à l’État le droit de porter des restrictions pour des institutions comme l’armée et la police, a-t-il dit. Pour Pierre Espérance, directeur exécutif du Réseau national de défense des droits humains (RNDDH), il n’est pas interdit aux policiers de se syndiquer. « Le fait que c’est une police civile, il n’est pas interdit aux policiers de former des syndicats. La Constitution n’empêche pas non plus la formation d’un syndicat au sein de la Police nationale », a-t-il rappelé. Cependant, pour le défenseur des droits humains, ce qui s’est passé le vendredi février 2020 à l’Inspection générale de la police « est inacceptable ».  « Les policiers qui se regroupent en syndicat ne doivent pas donner la perception qu’ils cherchent à blanchir certains policiers qui font l’objet d’enquête à l’Inspection générale », a-t-il précisé, tout en soulignant l’importance de l’Inspection générale dans les actions des policiers. Pour un autre ancien cadre supérieur de la PNH, ce qui s’est passé à l’Inspection générale est effectivement inacceptable. Toutefois, il a évoqué la hiérarchie des normes pour reconnaître le droit aux policiers de se syndiquer malgré l’interdiction des règlements de la police. Toutefois, s’est-il empressé de souligner, cela doit se faire dans l’ordre, pas dans l'indiscipline actuelle. Pour cet ancien haut cadre la PNH, la direction générale de la police devrait d’abord écouter et discuter avec les policiers qui manifestent leur désir de se syndiquer. Selon lui, un syndicat policier devrait s'appuyer sur un cadre légal, qui n’existe pas actuellement. C’est de la création de ce cadre légal que les responsables de la police auraient dû discuter d’abord avec les policiers. Vendredi dernier, lors de l’audition de la policière Yanick Joseph, présentée comme le leader du syndicat des policiers, les agents de l'ordre ont manifesté et tiré en l’air pour exprimer leur soutien à la porte-parole du syndicat. Le directeur général de la Police nationale d'Haïti, qui dénonce des actions de violence et de vandalisme de la part de ces policiers, a annoncé que « dans le souci de préserver l’intégrité morale de l’institution policière, la discipline de sa marche et la cohésion institutionnelle et de maintenir l’orde public, tous les auteurs et complices de ces actes de violence et de vandalisme qui constituent de graves infractions pénales, outre les sanctions administratives, seront poursuivis et amenés devant les tribunaux compétents pour répondre de leurs forfaits»...