Le Nouvelliste
Fièvre, malaise et autres causes de décès... Quand meurt-on de la Covid-19 ?
June 15, 2020, midnight
La confusion sur les décès liés à la Covid-19 est un problème mondial. En Haïti, le virus poursuit sa course. Les cas déclarés et non déclarés augmentent à un rythme qui fait peur. Dans le silence de notre perplexité à prendre la Covid-19 pour ce qu'elle est, les gens meurent. Certains décès sont déclarés dans le bulletin du MSPP, d'autres sont uniquement rapportés par des proches ou des institutions concernées. Certains comparent les chiffres d'Haïti avec d'autres pays pour se donner bonne conscience. Cependant, pour une maladie qui risque de devenir endémique, sans aucune assurance sur l'immunité à long terme, chaque mort devrait être un mort de trop. Chaque famille devrait s'en inquiéter. L'État aussi. Dans une note publiée sur la confusion et le déni qui entourent la question du décès dû à la Covid-19, l'Organisation mondiale de la santé attire l'attention sur le fait que tous les décès doivent être comptabilisés afin d'éviter de donner à la population un faux sentiment de sécurité. "Un décès dû à la Covid-19 ne peut pas être attribué à une autre maladie (par exemple un cancer) et doit être compté indépendamment de conditions préexistantes qui sont soupçonnées de déclencher un cours sévère de Covid-19", a fait valoir l'OMS en guise de clarification pour ceux qui préfèrent évoquer la maladie chronique d'un malade Covid-19 comme cause de décès. Dans le registre des nouvelles définitions de cas du ministère de la Santé publique et de la Population, le Dr Patrick Dely préfère statuer, par prudence, uniquement sur les décès attribués à la Covid-19. N'ayant pas tous les éléments qu'il faut pour parler de décès dû à la Covid-19, le directeur de l'épidémiologie considère comme décès attribuable à la Covid-19 "tout décès survenant chez une personne confirmée, soit par un test positif ou par lien épidémiologique, ou faisant l'objet d'une confirmation post-mortem". Un peu partout à travers le monde, les gens ont peur de vivre avec la Covid-19. Les familles ont aussi peur que cette étiquette soit attachée à leur mort. En Haïti, la peur fait place au déni. D'une part, il y a un risque de surmortalité découlant d'une fausse estimation des autorités qui n'arrivent pas toujours à bien identifier les décès dus à la Covid-19, d'autre part, il y a un risque de sous-estimation de la mortalité, notamment quand il s'agit de décès d'une personne parmi les 40% qui n'ont même pas accès au système de santé haïtien. Pour éviter cette confusion, l'OMS propose une terminologie qui doit être désormais utilisée dans les certificats médicaux. Dans cette terminologie, il y a des décès dus à la Covid-19, des décès liés ou associés à la pandémie et d'autres décès qui ne peuvent être attribués à la maladie. "Un décès dû au Covid-19 est défini à des fins de surveillance comme un décès résultant d'une maladie cliniquement compatible, dans un cas Covid-19 probable ou confirmé, sauf s'il existe une autre cause de décès claire qui ne peut être liée à la maladie Covid-19 (par exemple, traumatisme). Il ne devrait pas y avoir de période de récupération complète de Covid-19 entre la maladie et la mort", précise l'Organisation mondiale de la santé. En revanche, les décès liés ou associés à la Covid-19 "peuvent être liés à des causes accidentelles ou fortuites, ou de causes naturelles lorsque la Covid-19 n'est pas identifiée comme la cause sous-jacente du décès." Beaucoup de personnes refusent que leurs proches soient des éléments de statistiques d'une maladie injuste qu'ils n'auront pas mérité. Cependant, "seules des statistiques fiables doivent guider les décisions des gouvernements", selon l'OMS, qui estime que certains pays ont crié victoire un peu trop tôt. "La Covid-19 doit être inscrite sur le certificat médical comme cause de décès pour tous les défunts où la maladie a causé ou est présumée avoir causé ou contribué au décès", préconise l'Organisation mondiale de la santé afin de freiner les incertitudes qui planent autour des morts. En outre, l'OMS recommande de notifier dans les certificats de décès les maladies qui découlent de la Covid-19 avec un luxe de détails, ce, pour ne pas négliger le tableau clinique dans lequel le patient est mort tout en rappelant que la Covid-19 reste la cause du décès, peu importe la pathologie qui découle de son apparition. "La spécification de la séquence causale menant au décès dans un certificat est importante. Par exemple, dans les cas où Covid-19 cause une pneumonie et une détresse respiratoire fatale, la pneumonie et la détresse respiratoire doivent être incluses, avec Covid-19, dans le certificat. Les certificateurs doivent inclure autant de détails que possible en fonction de leur connaissance du cas, à partir des dossiers médicaux ou tests de laboratoire (par exemple «Covid-19 (test positif)»)." Ainsi en Haïti, on pourra toujours notifier la fièvre, la détresse respiratoire et ce que l'on considère comme un "malaise" dans le certificat, sans oublier que la Covid-19 doit être considérée comme cause principale de la mort. Partant de cette considération, l'Organisation mondiale de la santé recommande que les pays élargissent leur capacité à tester et à rapporter les cas à temps afin d'éviter que le nombre réel de décès soit sous-déclaré.