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Le Nouvelliste

Jovenel Moïse évitera-t-il l'écueil de l’échec de sa présidence ?

Feb. 4, 2020, midnight

La visite du président Jovenel Moïse, au troisième et dernier jour de la conférence politique, le 31 janvier, à la nonciature, n’a pas donné des ailes aux acteurs pour voler vers une issue de la crise. Le Core Group, silencieux ces temps-ci, prend acte, partage ses regrets, constate des responsabilités non assumées. « Les membres du groupe invitent l’ensemble de la classe politique et des secteurs de la société haïtienne à prendre leurs responsabilités face aux défis auxquels le pays est confronté », a écrit le Core Group dans un communiqué, 1er février 2020. Les responsabilités non assumées, à n'en pas douter, sont celles de tous les acteurs. Le Core Group a estimé nécessaire de réitérer son soutien, non exclusivement à la présidence ou au président Moïse, mais  « aux institutions de l’État et au peuple haïtien ». « Le Core Group se tient prêt à soutenir toute initiative constructive de dialogue offrant une perspective réelle de résolution de la crise politique et institutionnelle dans laquelle Haïti demeure plongé », lit-on aussi dans le communiqué de ces diplomates qui ont pris le soin d’utiliser « constructif » pour qualifier le dialogue qu’ils  espèrent voir pour une résolution « réelle de la crise institutionnelle ». Pour le Core Group, le dysfonctionnement du Parlement a débouché une sur crise institutionnelle. Les amis d’Haïti le soulignent. Ni plus ni moins. Le plaisir retiré par le président Moïse le 13 janvier en constatant cette « caducité » n'a peut-être pas été anecdotique. Avant cette conférence politique, les Américains avaient fixé des objectifs à un moment où l’administration Moïse veut une nouvelle Constitution à voter fin 2020 par voie référendaire. Le chef de la diplomatie américaine, Mike Pompeo, le 24 janvier, avait explicitement exprimé ses « préoccupations  par le fait que le président Moïse dirige par décret ».  « Une fois que ces élections auront eu lieu, il y aura un gouvernement dûment élu. Nous n’aurons plus à nous préoccuper de la gouvernance par décret », avait révélé ce tweet du secrétaire d’Etat américain. Des élections crédibles au plus vite en Haïti est une nécessité, avait renchéri le patron de l’USAID, Mark Green, ce même 24 janvier 2020. « Le peuple haïtien doit avoir la confiance que ses leaders répondront à ses besoins », avait indiqué Mark Green dans ce tweet.  Le mot confiance est lancé. Pour le président Moïse, l’échec de la conférence politique confirme une incapacité à briser un plafond de verre. Le président, qui n’en finit pas de mettre en avant les vertus du dialogue, échoue systématiquement jusqu'ici à résoudre des problèmes politiques à travers le dialogue. Le président Jovenel Moïse, le nez dans le guidon de ses milles petits projets, s’est remis à bourlinguer, à disperser son énergie dans des initiatives qui ne retireront pas le pays dans le trou de la récession ni cette année ni celle d’après. Le président Moïse peine encore à comprendre que la seule chance pour que sa présidence ne soit pas celle de l’échec absolu est qu’il réussisse au moins la transition politique. Ce qui ne sera pas une partie de plaisir à cause des écueils et des obstacles sur la route d’un retour à la normalisation institutionnelle. Cela dit, le temps de répit que le président Moïse considère comme une victoire peut être de courte durée. Les fractures politiques et sociales observées en 2019 sont réelles.  Les entêtements de Jovenel Moïse à faire du Jovenel Moïse risquent, comme avant, d’entraîner des conséquences. Le temps, hier allié du président Moïse pour se défaire d’opposants coriaces et d’alliés voraces, est devenu aujourd’hui son talon d’Achille. Il n’a ni fusible ni prétexte, ni bouc-émissaire après le dysfonctionnement du Parlement. Il est le seul maitre à bord. En ce début février, la gouvernance financière a besoin peut être plus qu’avant de perspectives, de plus de lisibilité vers un retour rapide ou non à la normalisation institutionnelle. Sans un nouveau gouvernement, un nouveau cadre budgétaire, il n’y aura pas d’argent frais dans un contexte de grande précarité socioéconomique. Le financement monétaire sera surveillé. Avec tous les problèmes connus, rester au pouvoir s’inscrira peut-être dans le dessein des « ti pas kout » aux Tèt Kale et alliés, de bouclier à s’aménager en Haïti où des chefs, des amis de chefs tiennent beaucoup à leur statut, à leur brevet d’impunité. Le président Jovenel Moïse, entre-temps, continue de jongler entre échec et échec absolu de sa présidence…