Le Nouvelliste
Le bâtonnier de Port-au-Prince appelle à délocaliser le Palais de Justice
May 22, 2020, midnight
« Depuis deux ans environ, la profession d’avocat est paralysée par l’insécurité au Bicentenaire influant négativement sur le fonctionnement du tribunal de première instance de Port-au-Prince et de la cour d’appel de Port-au-Prince », a déploré le bâtonnier dans son allocution. Selon Monferrier Dorval, cette insécurité, couplée avec la Covid-19, entravent l’exécution de certains projets, dont celui sur le renforcement de la formation professionnelle. À cause des gangs armés qui répandent du sang à chaque opération, le tribunal de première instance de Port-au-Prince n’est pas non plus épargné. Il n’entend que des affaires correctionnelles, des recours en habeas corpus et des actions en référé, a fait savoir Me Dorval. Ainsi, de nombreuses affaires civiles, commerciales et criminelles ne sont entendues. Et ce, depuis la fin de l’année judiciaire 2018-2019. La cour d’appel de Port-au-Prince ne siège plus et ne rend donc aucun arrêt du fait de l’insécurité au boulevard Harry Truman. Des démarches ont été menées sans succès, alors que les responsables de la cour souhaitent se loger dans un autre espace. « La cour de cassation, juridiction suprême, ne peut être saisie de nouvelles affaires ordinaires et même urgentes en raison du non-fonctionnement de la cour d’appel de Port-au-Prince, juridiction de second degré », a noté le bâtonnier de Port-au-Prince, s’affligeant du fait que la protection des droits ne peut être assurée. Cela empêche subséquemment l’accomplissement de l’État de droit, argue Me Dorval. Or, quand les voies de droit sont obstruées ou inexistantes, il ne reste plus aux citoyens que la vengeance privée. L’homme de loi estime qu’il est donc de la responsabilité de l’État de garantir le fonctionnement de la justice. S’indignant du sort de ses pairs, Me Monferrier Dorval a rappelé que l’insécurité réduit surtout les avocats au chômage, condamne les cabinets d’avocats à la fermeture et prive les justiciables du droit d’accès à la justice. « Si l’État ne peut assurer la sécurité pour que le tribunal de première instance de Port-au-Prince et la cour d’appel de de ce ressort puissent continuer à remplir leur mission d’administrer la justice, il devra les délocaliser », a recommandé le bâtonnier. Plus loin, dans son allocution, Me Dorval durcit le ton : « Oui, l’ordre des avocats de Port-au-Prince demande à l’État de délocaliser dans une zone sécuritaire le Palais de Justice sis au Bicentenaire. » Suite au tremblement de terre qui a détruit le Palais de Justice à la rue de la réunion, au Bicentenaire, l'institution héberge la cour d’appel de Port-au-Prince, le tribunal de première instance de Port-au-Prince et le parquet près ce tribunal, ainsi que le barreau de cette juridiction. De l’avis de Me Monferrier Dorval, cette situation mortifère doit cesser. Personne ne devrait mettre en péril sa vie. Pour lui, le refus de l’État haïtien d’entreprendre cette délocalisation, protectrice et indispensable, met en danger le droit à la vie des avocats, des magistrats, des greffiers, des huissiers, des personnels administratifs non judiciaires et des usagers. À rappeler que le droit à la vie est le premier des droits fondamentaux garantis par la Constitution de 1987 en son article 19.