Le Nouvelliste
N’en déplaise à vous, Amis
April 16, 2021, midnight
Faut-il organiser des élections générales dans le pays ? Il n’y a l’ombre d’aucun doute dans l’esprit des citoyennes et citoyens haïtiens de bonne foi, de bonne volonté, de bon commerce. Pour au moins une raison évidente : changer le personnel politique, suivant les prescrits de la Constitution de 1987 en vigueur et le principe démocratique de l’alternance des partis au pouvoir. Même la démocratie formelle exige une consultation populaire périodique et régulière pour s’assurer de la gestion transparente, participative ou représentative de la chose publique d’États modernes ou qui aspirent à la modernité. Aurions-nous besoin d’Amis, plus démocrates que nous, pour nous l’imposer ? Puisque, depuis 1986, même nos périodes de déraison machiavélique, de folie furieuse, autoritaire, d’errements suicidaires, sont illuminées de courts moments de lucidité nous indiquant que la voie électorale est le seul moyen de parvenir à doter l’État de représentants dignes et légitimes. D’ailleurs, au parti Rassemblement des Démocrates, Nationaux, Progressistes (RDNP), nous continuons inlassablement à nous structurer, nous organiser, renforcer nos bases et cellules à travers le territoire national, en vue de participer à des joutes électorales crédibles, honnêtes, transparentes, inclusives… Mais pas à n’importe quel prix ! Que de soi-disant Amis nous encouragent, dans les conditions sociopolitiques actuelles, d’aller à des élections, part, apparemment, d’un bon naturel, tendant, toutefois, à insulter l’intelligence, la misère, à minimiser les calamités, la souffrance de toute une société dans son écrasante couche saine ; comme si ces soi-disant Amis sont les seuls à déterminer, à défendre les intérêts supérieurs de la Nation haïtienne ! Mes Amis, n’y aurait-il vraiment pas d’amis, mais que des intérêts égoïstes ? Ce souci de l’organisation d’élections ‘‘bridsoukou’’ cache mal les desseins inavoués et inavouables, tant du pouvoir actuel que des soi-disant Amis qui le supportent, de manière très diplomatique. Chers Amis, croyez-vous effectivement dans les conditions présentes des forces de securité nationale, qu’il soit possible de rassembler la population autour d’un projet commun pour les 25 prochaines années, incluant le démantèlement des «bandits légaux fédérés» armés et à cravate, objet actuel de tous les ressentiments, tristesses, opprobres, vilénies, infamies de la société ? Nous, du RDNP, croyons fermement — n’en déplaise à vous, Amis ! — que la société haïtienne ne veut, ne peut plus faire semblant et qu’elle aspire légitimement à une amélioration substantielle des conditions de son existence, faite, aujourd’hui, de kidnappings, de viols, de vols, de gaspillage des deniers publics, de crimes odieux, d’assassinats spectaculaires, de profanation de tout ce qui est sacré : le corps de la femme, le culte de la mort, l’éducation des enfants, le goût du travail, les moments festifs, l’espoir en l’avenir, la vie humaine… N’en déplaise à vous, Amis ! Ne remarquez-vous pas que les secteurs les plus conservateurs, silencieux ou indifférents expriment leur ras-le-bol, bravent leur torpeur pour descendre dans les rues ? Croyez-vous que tous les Haïtiens sont des fous, sadiques, psychopathes qui peuvent séquestrer, torturer, brûler à petit feu une femme policière, fût-elle proche du pouvoir ou de l’opposition ? Croyez-vous qu’une main tendue puisse être celle qui rit du malheur de l’autre, abâtardit, déshumanise ou mystifie l’autre ? C’est un crime de lèse-humanité de vouloir imposer de force à un peuple — simplement, parce que, hier rebelle, aujourd’hui pauvre, mais toujours digne — toutes recettes miracles pour le maintenir dans cette misère économique, cette instabilité politique, ce déchirement social ! Chers soi-disant Amis, il y a bien lieu pour nous, n’en déplaise à vous !, de vous rappeler l’histoire ancienne d’amitié sincère, désintéressée qui nous a rapprochés à d’autres peuples croupissant sous le joug cruel du colonialisme, dans un élan humaniste qui n’a d’égal que la force patriotique, fraternelle qui devrait unir les femmes et hommes vivant sur cette planète. Nous ne perdons pas, pour autant, cette foi en un courant humaniste qui doit régenter les rapports entre les Nations de la terre. De même, nous croyons en ce sursaut national, qualitatif et quantitatif, susceptible de réunir autour d’une table tous les Grenadiers, Guerriers de lumière, Magistratures morales pour signer cette nouvelle alliance, en vue de conjurer la déchéance du pays, la dégénérescence de la société, de n’être plus jamais dupes de sentiments généreux de surface, d’identifier les causes réelles, internes et externes, de tous nos malheurs. Un jour ou l’autre, il nous faudra organiser des élections générales dans le pays, pour en finir avec la permanence délétère du transitoire, assurer la stabilité politique dans l’alternance des partis politiques au pouvoir, doter le pays — à toutes les sphères de pouvoir de l’État — de dirigeants responsables, dignes et soucieux de la grandeur de notre destin, parce que, conscients et fiers de nos origines. La société haïtienne ne veut, ne peut plus faire comme si tout va très bien, quand tous ses enfants perdent les joies de la vie insouciante, leur innocence et l’espoir. Ensemble, ensemble, ensemble, jusqu’à la victoire finale. Met men, pran desten nou an men. Eric Jean Baptiste Secrétaire Général du RDNP