Le Nouvelliste
Affaire Yvickel Dabrésil: «Nous sommes dans l’arbitraire», soutient Me Samuel Madistin
Feb. 11, 2021, midnight
« Nous sommes dans l’arbitraire », a déclaré sans ambages Me Samuel Madistin lors d’une entrevue accordée à Panel Magik sur Magik 9. Commentant plusieurs dossiers qui occupent l’actualité politique, dont l’arrestation du juge Yvickel Dabrésil, la mise à la retraite de trois juges de la Cour de cassation, Me Madistin a dénoncé l’exécutif qui agit en se croyant être au-dessus de la Constitution et de la loi, mais a aussi pointé du doigt l’outillage intellectuel d’une extrême médiocrité des classes dirigeantes. Qu’il s’agisse de l’arrestation du juge Yvickel Dabrésil et des 22 autres personnes à l’habitation Petit-Bois, dans la nuit du 6 au 7 février 2021 pour complot contre la sûreté de l’État, ou encore de la mise à la retraite des juges Wendelle Coq Thélot, Yvickel Dieujuste Dabrésil et Joseph Mécène Jean-Louis de la Cour de cassation le 8 février 2021, ces actes de l’exécutif sont entachés d’irrégularités et sont arbitraires, considère Me Madistin. Il a avec luxe de détails soutenu que l'infraction de « complot contre la sûreté de l’État ou de tentative de coup d’État », reprochée aux personnes arrêtées ne s'est même pas matérialisée à la lumière des informations communiquées par les membres du gouvernement. « Dès que l’on a des autorités qui posent des actions en dehors de la loi et que ces actions conduisent à la violation de la liberté individuelle des gens, c’est de l’arbitraire », avance l’homme de loi, qui leur rappelle que « la Constitution a prévu que les victimes peuvent poursuivre les auteurs de ces actes arbitraires, à quelque corps qu’ils appartiennent ». Le président a estimé qu’en tant que garant du bon fonctionnement des institutions, il était en droit de prendre ces décisions. Me Samuel Madistin prend le contrepied de cette position estimant que les explications du président laissent penser qu’il se croit être au-dessus de la Constitution et des lois de la République et « ne se donne qu’une limite : sa volonté et sa conscience personnelle ». Pour le défenseur des droits humains, « le discours du président est le discours de ce que l’on appelle un tyran, un despote. Dans une société démocratique, ce qui fait la force de la société, c’est la force de ses institutions, des institutions qui fonctionnent selon des lois. La société répond à ce que l’on appelle l’exigence de prévisibilité. Les juges sont interdits de toute activité politique. Mais si vous estimez que les juges ont commis une faute, la loi prévoit ce qui doit être fait dans ce cas. Par exemple, l’exécutif pourrait saisir, via son ministre de la Justice, le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire (CSPJ) pour lui demander de sanctionner ces juges pour indignité, car les magistrats doivent agir dans le respect et la dignité de leurs fonctions. Il aurait pu aussi saisir le tribunal correctionnel pour lui demander de juger si leur action est conforme à la loi ou pas, d’ordonner la destitution de ces magistrats. Admettons que les juges auraient commis un acte illégal, l’exécutif ne peut pas non plus poser une action illégale pour le corriger. On ne peut pas corriger un mal par un mal ». «L'opposition doit se réinventer» Abordant le maintien au pouvoir du président Jovenel Moïse, en dépit des différents mouvements de protestation et de contestation un peu partout à travers le pays, Me Samuel Madistin a fait la part des choses entre les acteurs de l’exécutif et ceux de l’opposition. À l’heure où le spectre de l’autoritarisme plane sur la société, le président de la Fondation Je Klere estime qu’il nous faut commencer à réfléchir. « Nous sommes dans une situation où le pays fait face à ce que Jean Price Mars appelle un pays qui a un outillage intellectuel d’une extrême médiocrité. Les dirigeants, à tous les niveaux, que ce soit ceux du pouvoir ou de l’opposition, agissent en faisant de la vulgarité et du populisme leur discours politique. Or je suis désolé, la vulgarité ne peut pas être un discours politique. Notre deuxième problème est que nous avons des personnes qui se battent mais c’est la théorie de l’idiot utile qui explique leur comportement. Ils agissent, et sans qu’ils ne se rendent compte, contre les causes même qu’ils défendent, en posant des actions qui favorisent l’adversaire. Et troisièmement, vous avez une bataille qui se fait sans ancrage idéologique. Si vous n’avez pas d’ancrage idéologique, comment voulez-vous trouver des alliés ? À ce moment vous repoussez ceux qui pourraient être vos alliés naturels ou les réduisez tout simplement au silence », a martelé l’homme de loi, qui soutient que dans ce contexte, l'opposition doit se réinventer.
