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Le Nouvelliste

Les Haïtiens fuient leur pays, leur président est la source du problème

Feb. 11, 2021, midnight

Les difficultés chroniques et la faim d’Haïti ont longtemps été liées à une longue lignée de dirigeants corrompus, autocratiques et brutaux qui ont exacerbé l’instabilité du pays. L'actuel président haïtien, Jovenel Moïse, est l'un des pires de mémoire récente. Entré en fonction il y a quatre ans, le mandat de M. Moïse a été marqué par une dégradation des institutions démocratiques et une descente dans la violence qui a transformé la capitale haïtienne, Port-au-Prince, en un tableau de peur et d’insécurité. Les gangs armés s'attaquent aux civils en toute impunité, certains d'entre eux par le biais de rackets, d'enlèvements contre rançon. Des quartiers connus pour leur opposition au président ont été la cible d'attaques sanglantes de criminels que le gouvernement américain a liés à de hauts fonctionnaires de l'administration de M. Moïse. Ces responsables ont été frappés de sanctions par le Département du Trésor américain en décembre. En Haïti même, pratiquement aucun responsable des attaques n’a été traduit en justice. M. Moïse a mis fin au mandat de la plupart des parlementaires élus du pays et dépouillé les maires du pays de leurs fonctions. Le président nie être un dictateur; ses actions suggèrent le contraire. Son mandat a expiré dimanche dernier. Néanmoins il dit qu'il restera au pouvoir une autre année, en raison du fait qu'un gouvernement intérimaire était en place lors de la première année de son mandat de quatre ans - le résultat d'élections entachées de fraude en 2016. Le fait est que M. Moïse n'a permis aucune nouvelle élection, et que l'opposition fracturée et faible n'est pas en mesure de former un gouvernement pour le remplacer. Cela peut aider à expliquer pourquoi le Département d'État, tout en appelant au rétablissement de la démocratie, a soutenu l'affirmation du président haïtien selon laquelle il devrait rester en fonction jusqu'en février 2022. Pour être crédible, cette position doit être renforcée par des pressions pour fixer un calendrier et des repères conduisant à des élections. Alors que les manifestations s'intensifiaient, le gouvernement de M. Moïse a arrêté dimanche plus de 20 personnalités, dont un juge de la Cour de cassation, affirmant que ces dernières prévoyaient de renverser et de tuer le président. Étant donné le chaos, il n’est guère surprenant que les Haïtiens aient quitté le pays dans l’espoir de se rendre aux États-Unis en passant par le Mexique. Plus de 600 d'entre eux ont été expulsés sur une demi-douzaine de vols depuis le début du mois de février après avoir tenté de traverser la frontière sans papiers, selon Haitian Bridge Alliance, un groupe de défense qui suit les vols. Aucun n'a été autorisé à demander l'asile dans le cadre de l'urgence de santé publique liée à la pandémie déclarée au printemps dernier par l'administration Trump, que l'administration Biden a jusqu'à présent maintenue en place. Aucun pays n'a plus d'influence en Haïti que les États-Unis. En soutenant le statu quo politique là-bas, l'administration Biden garantit que davantage d'Haïtiens désespérés fuiront leur pays, et beaucoup finiront par ajouter à la marée montante de franchissements illégaux à la frontière mexicaine. Comme pour les migrants d'Amérique centrale, le problème des immigrants illégaux en provenance d'Haïti ne peut être atténué que par une poussée américaine concertée pour résoudre les problèmes à la source. En Haïti, ces problèmes commencent avec M. Moïse. Source : The Washington Post Traduit de l'anglais