Le Nouvelliste
Jovenel Moïse appelle la CNDDR à dialoguer avec les gangs armés
March 5, 2020, midnight
Ces six derniers jours, pas moins de 20 personnes ont été tuées dans l’aire métropolitaine et en province. La police nationale a arrêté de compter les cas de kidnapping. Sur les réseaux sociaux, on voit les bandits crier leur exploit et passer au soleil leur arsenal. La population a peur et les forces de l’ordre sont visiblement dépassées par les événements. C’est dans ce contexte que le président de la République a appelé la Commission nationale de désarmement, démantèlement et de réinsertion (CNDDR) à dialoguer avec les gangs armés pour les pousser à déposer les armes. Vingt-quatre heures après ces déclarations, l’administration américaine met le pays sur la liste noire de niveau 4 des pays où il ne faut pas voyager. À Carrefour-Feuilles, à Cité Soleil, au Bicentenaire, à la rue des Miracles, à Pétion-Ville, à Martissant, à Savien dans le département de l’Artibonite… les bandits armés sèment le deuil et le désespoir. Les gangs armés se renforcent et ne ratent jamais une occasion de faire parler la poudre. « Les gangs armés constituent l’un des plus grands problèmes du pays actuellement », a affirmé le président de la République mercredi au Palais national lors de l’investiture du Premier ministre Joseph Jouthe et de son gouvernement en présence des représentants les plus influents de la communauté internationale. Le chef de l’État en a profité pour demander aux membres de la Commission nationale de désarmement, démantèlement et réinsertion (CNDDR) de dialoguer avec les bandits. « Nous priorisons le dialogue dans tout ce que nous faisons et même dans notre bataille contre les bandits et les gangs, nous faisons le dialogue. Je suis le président de tous les Haïtiens, des bons comme des mauvais, nous sommes tous des Haïtiens », a lâché Jovenel Moïse. Pour le chef de l’État, les gangs armés « sont nos démons. S’il y en a qui veulent remettre leurs armes, on ne doit pas mettre en face d’eux la police. On doit leur permettre de remettre leurs armes et de se réinsérer dans la vie sociale comme tout le monde. Toutefois ceux qui ne veulent pas remettre leurs armes, on connait déjà leur place : la prison ou le cimetière », a-t-il prévenu tout en demandant à son nouveau Premier ministre de renforcer la CNDDR. Jean Rebel Dorcénat, membre influent de la CNDDR, a confié au Nouvelliste que bien avant les déclarations du président, la commission avait déjà initié un processus de dialogue avec les gangs armés à travers le pays. « Nous sommes déjà dans un processus de dialogue avec les groupes armés. C’est grâce à ce dialogue que nous avions pu récupérer une partie des armes de Ti Ougan (NDLR : un des chefs de gangs qui contrôlait Cité Soleil mais tué le mois dernier par un des membres de son clan) », a indiqué M. Dorcénat. « Nous allons signer un accord avec le groupe armé de Croix-des-Bossales. Nous sommes en discussion avec eux », a-t-il révélé. Jean Rebel Dorcénat a dit aussi constater la recrudescence des actes de kidnapping dans le pays. Selon lui, il revient à la police de faire régner l’ordre dans le pays. Interrogé sur les trafiquants d’armes et de munitions qui alimentent les groupes armés, M. Dorcénat a fait savoir au journal que la CNDDR a déjà fait des recommandations aux autorités compétentes pour les suites nécessaires. Selon lui, outre les gangs armés, ceux qui les alimentent sont tout aussi importants dans la recrudescence de l’insécurité. Le rétablissement du climat sécuritaire dans le pays est l’une des priorités du Premier ministre Joseph Jouthe, du moins c’est ce qu’il avait dit lors de son investiture. « La peur doit changer de camp, la peur va changer de camp », a annoncé jeudi de son côté le nouveau ministre de la Justice et de la Sécurité publique, Lucmane Delille jeudi lors de son installation. La réalité, cette semaine des individus armés ont tué trois jeunes hommes à Carrefour-Feuilles, quatre hommes ont été tués par balle à la rue des Miracles samedi dernier. Le même jour, quatre personnes ont été tuées par balle à Pétion-Ville. En province, il y a eu aussi des morts. À Boucan-Carré, dans le bas Plateau central, quatre hommes, Rodrigue Policier, son frère Sayofe Policier, Louis Willy et Joseph Paul, interpellés la veille à Grabay, 2e section, et gardés à vue au commissariat aux ordres de la justice en raison de leur implication présumée dans un kidnapping, ont été extirpés samedi de leur cellule par une foule en colère et tués. Le journal a appris que quatre autres hommes ont été tués, lapidés dans le bas Artibonite, non loin de Petite-Rivière de l’Artibonite le week-end dernier. Moins de vingt-quatre heures après avoir appuyé la formation et l’investiture du nouveau gouvernement Jouthe et moins de vingt-quatre heures aussi après l’appel du président de la République à la CNDDR pour dialoguer avec les bandits, l’administration américaine a mis à nouveau le pays sur la liste noire de niveau 4 des pays à ne pas visiter. Dans un avis aux voyageurs publié jeudi sur son compte Twitter, Travel-State Department indique de ne pas « voyager en Haïti en raison de troubles sociaux, de kidnapping et de crimes ».