Le Nouvelliste
Rameau Normil dirige la PNH par temps d’avarie…
July 8, 2020, midnight
Le directeur général par intérim, Rameau Normil, installé fin août 2019, est en passe de boucler sa première année à la tête de la PNH. Le super flic, dont l’efficacité à la DCPJ avait fait consensus, avait assuré que le président Jovenel Moïse ne serait pas « déçu » de l’avoir choisi. La PNH ne sera ni polarisée, ni politisée. « La neutralité a un prix. C’est le statut de l’institution qui l’impose », avait affirmé Rameau Normil, qui s’était engagé à solidifier la PNH en solidifiant sa base. Entre les promesses du chef a.i de la PNH et la réalité, un petit fossé, pour toutes sortes de raisons, s’est creusé. Au lieu de se consolider, la PNH est passée tout près de l’implosion sous les coups de boutoir revendicatifs de policiers voulant avoir à tout prix un syndicat et des actions violentes du regroupement de policiers « Fantom 509 ». Les débordements ont été préjudiciables aux gens ordinaires qui ont été dépossédés des clés de leurs véhicules par de vrais ou de vrais-faux policiers qu'ils ont utilisés pour obstruer la voie publique. L’affrontement mortel entre policiers et militaires au Champ de Mars, après l’annulation de la révocation des leaders du SPNH par les autorités politiques, a terni le blason de la PNH et de ses chefs. Sous Rameau Normil, la perception de neutralité de la PNH a pris un sacré coup. La dispersion brutale, une nouvelle fois ce lundi, d’un sit-in pacifique et les policiers aux abonnés absents lors d’un défilé de bandits armés ponctué de rafales mardi, au Bicentenaire, sont les dernières taches sur la vareuse du DG a.i. Pour Normil Rameau, spécialiste de la répression du grand banditisme, il y a plus grave encore et sans doute un effort à faire pour apprendre à contenir sa rage en voyant que les principaux chefs de gangs, de Martissant à Cité Soleil, en passant par le bas de Delmas, certains recherchés par la police pour leur implication dans des massacres, aient constitué un consortium baptisé « G-9 an fanmi ak alye ». Pis, le RNDDH a indiqué qu’au moins cinq blindés de la PNH payés avec l’argent du contribuable ont été utilisés pour permettre à des bandits armés aujourd’hui membres de G-9 de se rendre dans les zones comme Cité Soleil qu’ils devaient attaquer. Le Premier ministre Joseph Jouthe a demandé des preuves, l’inspection générale de la PNH a diligenté une enquête pour authentifier ou non ces affirmations et chercher à savoir qui et comment des blindés acquis avec l’argent de l’Etat, confiés à des unités spécialisées, puissent se retrouver au service de bandits armés, « au service d’une stratégie de contrôle de territoire, poursuivant, entre autres, un dessein électoral », ont soutenu des organisations de défense des droits humains. Si personne ne peut douter de l’intégrité de Rameau Normil, DG a.i que le président Jovenel Moïse peut remercier en claquant les doigts, ces incidents ne sont pas sans effet. Ils mettent à l’épreuve la confiance nécessaire en l’indépendance, l’impartialité et les capacités de la PNH à sécuriser les prochaines élections. Sans aucun doute, la PNH se trouve à un carrefour. D’aucuns se rappellent de la démission fracassante et l’exil quasi immédiat de l’un de ses directeurs, Jean Robert Faveur, qui avait dénoncé la mainmise sur la PNH par le président Jean Bertrand Aristide. Des policiers ont participé à des fraudes électorales à grande échelle sous le président Jean Bertrand Aristide, avaient dénoncé des observateurs. Les fraudes électorales en 2000 ont débouché sur la crise politique ayant mené aux évènements de 2004, à l’intervention américaine, à l’Opération Bagdad, à la mise d’Haïti sous le chapitre 7 de l’ONU qui lui a valu la MINUSTAH et le choléra en prime pendant plus de quinze ans. Sans retenue, des policiers, lors de l’élection de Martelly en 2011, ont affiché leurs bracelets roses, au mépris du règlement de discipline générale. Si l’histoire ne s’écrit jamais d’avance, le silence et la soumission apparente du directeur général a.i de la PNH Rameau Normil posent question même à ceux qui ne doutent ni de ses compétences ni de son intégrité. Entre-temps, au regard de l’histoire récente, il n’est pas inutile de rappeler aux uns et aux autres les enjeux de la mise sous coupe réglée de la PNH. Ce sont le pays, la démocratisation, la stabilisation, le renforcement institutionnel qui casquent à chaque fois que la PNH sert d’instrument à la matérialisation des projets d’un clan, d’une famille politique pour se maintenir ou pour arriver au pouvoir.