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Le Nouvelliste

Existe-t-il un plan pour pour pousser les forces vives hors d'Haïti ?

Sept. 20, 2019, midnight

« Bonjour Aly. Comment vas-tu ? Tu sais, j’ai fait le choix de quitter le pays avec mon fils. » Ces phrases que j’ai retrouvées ce matin sur mon whatsapp sont d’une amie ! Cette mère monoparentale qui vit avec son charmant et brillant petit garçon et qui aime son pays se sent contrainte de s’en aller. Partir, c’est mourir un peu, disait le poète. C’est la mort dans l’âme que j’ai reçu son message. Bien entendu, cette terre a souvent vu ses fils partir massivement pour l’ailleurs éternel (les premières nations) ou éphémère (les masses de réfugiés). Evidemment, j’ai vécu l’exode massif des jeunes vers le Brésil, ensuite le Chili depuis 2012, jusqu’à 2018. On sort les explications macro-économiques habituelles et on passe à autres choses. On en fera même des films ! Mais quand on arrive à mettre un nom, un visage, et des anecdotes à l’exil, le drame des réfugiés devient personnel. Une proximité interpelant. Une intimité étouffante. Un interrogatoire que nous fait subir la vie ? Qu’avez-vous fait pour que la société soit meilleure ? Comment avez-vous pu laisser les choses en arriver là ? Avez-vous assisté votre ami qui part ? Combien d’autres sont partis dans votre indifférence, la plus totale ? Combien de réfugiés votre attitude a-t-elle créé ? Réfugiés, ce mot réfère à tout individu qui est obligé de quitter son pays en temps de crises. Je suis d’ailleurs, moi-même, un exilé de l’intérieur. Je fuis l’Haïti des PHTK et des résidus Lavalassiens ainsi que l’appendice Makout que nous trainons depuis plus de trente ans (je ne compte plus). Mon  refuge est dans l’écriture, les réseaux virtuels, mes innombrables engagements communautaires… et associatifs et aussi dans l’amour… au moins, ils n’ont pas réussi à nous enlever, ce cadeau divin. L’exil, est un peu comparable à l’artiste qui retourne en studio pour apporter des corrections à son œuvre. L’exil c’est remixer sa vie, avant le grand lancement. L’exil prend forme lorsque le palais national, le parlement et d’autres institutions étatiques ont presqu’autant d’individus soupçonnés d’affaires louches qu’a l’intérieur des espaces pénitentiaires du pays. L’exil prend forme dans notre tête comme une alternative, lorsqu’une vidéo, en circulation, sur les réseaux sociaux, montre des balles étalées sur un lit dans une chambre d’une maison, dans un ghetto pauvre et qu’on se demande si l’un de ses projectiles de cette vidéo ne finira pas loger dans notre tête. L’exil c’est la fuite, devant la terreur, l’imminence de la guerre, l’obscurantisme. Nous partons vers la recherche de la lumière, en espérant trouver ailleurs la dignité égarée. « L’Exil, c’est brisé un lien relativement intolérable avec des gens, soi, et le réel. » Hubert Aquin On s’en va parce que nous avons perdus nos repères, tout a basculé autour de nous. Quand on a peur des rues de notre enfance et que notre maison est devenue une prison dont nous détenons la clé. C’est que nous sommes déjà étrangers sur notre propre terre. Alors vaut mieux l’être véritablement, en terre étrangère. Pourtant, comme mon amie, j’aime Haïti, c’est mon pays et mon choix de résidence. Mon fils Akim et moi, nous travaillons, depuis trois ans, a la faire connaitre. Est-ce que je la quitterai ? Avez-vous, tout le monde, des plans pour vous en aller ? Comme plusieurs d’entre vous, je résiste. Je persiste ! Je m’obstine ! Je persévère ! Je m’accroche aux parois lisses de l’abime. « Koman w ye ? » « Map Kenbe ! » Je comprends, à présent, ce que nous, haïtien[AA1] s, croyons tenir ; c’est Haïti! Nous nous y accrochons tous, jusqu’à ce que des énergumènes, directement sortis de l’époque médiévale avec leur mentalité moyenâgeuse nous pousse, épuisés, en dehors des 27 000 km2. Est-ce qu’Edzer Emile aurait raison ? Lorsqu’il raconte, dans une capsule vidéo, que nos dirigeants poussent nos jeunes dans le dos, et nous montrent, la porte de sortie ! Plus d’exilés et de réfugiés impliquent moins de contestataires et plus de transferts ! Aujourd’hui les transferts représentent 40% du PIB (Produit intérieur Brut) d’Haïti.  Ils seraient en train de bâtir une économie basée sur le transfert des refugiés. Haïtiens, quel que soit le plan des gens de pouvoir, ne nous laissons pas mener comme des troupeaux vers les pâturages de l’exil. Non à ces Bergers ! Aly Acacia