this used to be photo

Le Nouvelliste

L’information à l’ère du numérique, Gotson Pierre, Carel Pèdre et Frantz Duval opinent

April 30, 2020, midnight

L’organisation du Sommet international sur la finance et la technologie a reçu ce jeudi Gotson Pierre du groupe Média Alternatif, Carel Pèdre de Chokarella et Frantz Duval, rédacteur en chef du Nouvelliste et directeur de Ticket Magazine. Les intervenants ont abordé le secteur de l’information à l’ère du numérique ainsi que le développement des médias en ligne en Haïti. Les 3 intervenants sont revenus sur l’histoire de leurs médias respectifs et leur place aujourd’hui dans l’évolution du numérique.  En 2001, Gotson Pierre rappelle avoir créé le groupe Média alternatif. Selon le journaliste, ce groupe avait pour objectif d’implémenter un espace d’information, de communication alternative. Alterpresse a été le premier média créé au sein du groupe Média alternatif, souligne Godson Pierre. Il précise que le défi était énorme à l’époque puisque que seulement 7000 personnes avaient accès à l’Internet en Haïti. « Il y avait des préoccupations pour l’audience, la rentabilité, etc. Mais Alterpresse était un bras concret pour le groupe média alternatif de matérialiser sa vision. Je peux dire qu’Haïti était à l’avant-garde dans ce secteur quand nous avons créé ce média pure player en 2001. La France n’avait pas encore fait l’expérience », a-t-il ajouté, évoquant d’autres expériences dans le domaine en Haïti comme HPN ou encore AHP.  Des années plus tard, Gotson Pierre se félicite qu’Alterpresse soit un espace où l’on aborde d’autres thématiques et valorise d’autres sources d’informations. « Nous avons voulu contribuer à la diversification des thèmes abordés dans les nouvelles. Nous nous sommes donné pour mission d'introduire les problématiques sociales, le mouvement social dans l’actualité. Aujourd’hui, nous sommes l’une des sources d’information crédibles en Haïti. Nous sommes très suivi en Haïti et à l’étranger. Nous sommes une base de données pour la recherche universitaire et la recherche appliquée. En même temps, nous donnons la voix aux mouvements paysans, à des pratiques culturelles sur l’échiquier », a-t-il affirmé.  Carel Pèdre est le fondateur de la plateforme Chokarella en 2015. Avant d’avoir créé cette plateforme multimédia, il travaillait dans des stations de radio. Ses expériences dans la création d’une station de radio en ligne et la diffusion des prestations du show Digicel stars l’ont vite fait comprendre qu’il y avait un engouement pour les contenus distribués en ligne. « Cela m’a poussé à faire un mariage entre les médias traditionnels et l’Internet. Cela m’a définitivement donné la possibilité d’accroitre mon audience et de ne plus dépendre de la bande FM. À cette époque, l’Internet ne représentait pas vraiment une opportunité d’affaires. Il n’y avait pas beaucoup de moyens pour monétiser les contenus. C’était une dépense en plus. Mais l’audience pouvait attirer des commanditaires », raconte-t-il.  Au fil du temps, Carel Pèdre révèle que Chokarella a pris sa place dans le secteur  en diffusant ses contenus et celui des autres collaborateurs. Il confie que la plateforme diffuse des contenus multimédia, notamment podcast, vidéo, web radio, article, etc. « Je me suis rendu compte que Chokarella devenait définitivement un média de référence. Beaucoup d’utilisateurs visitent la plateforme. Beaucoup de créateurs ont collaboré avec nous. 5 ans plus tard, nous avons grandi », soutient-il.  Pour sa part, Frantz Duval a présenté Le Nouvelliste comme le média qui a suivi toutes les consignes évolutions technologiques. « Lors de sa création, Le Nouvelliste était le premier média haïtien connecté au câble transatlantique. Cela permettait au journal de diffuser des informations provenant de l’étranger le même jour. Avant, les médias haïtiens devaient attendre 3 ou 4 jours avant de publier les nouvelles.  Nous avons suivi toutes les évolutions (technologiques) : le grand format, le petit format, l’impression en couleur, entre autres. En 2006, on s’est rendu compte qu’il était nécessaire d’être sur Internet. Encore une fois, nous sommes devenus le premier quotidien à diffuser des informations gratuitement sur l’Internet en Haïti », a déclaré le rédacteur en chef de Le Nouvelliste.  Aujourd’hui, avance Frantz Duval, le www.lenouvelliste.com est le site web le plus visité en Haïti et à l’étranger. « Ce record d’affluence s’explique par le besoin des Haïtiens de se connecter avec le pays. Cela s’explique du fait que le journal devient une marque d’information de qualité au fil du temps. Le journal tisse une relation de confiance avec ses lecteurs, ses abonnés, ses commanditaires et tous les étrangers qui veulent des informations sur Haïti. Les informations du Nouvelliste sont traitées, modérées, hiérarchisées », a fait savoir le rédacteur en chef du journal.  Parallèlement, Frantz Duval a parlé de Ticket Magazine, créé en 2002 et fruit de plusieurs initiatives antérieures du Nouvelliste, notamment « spectacles et variétés » « Tap-tap » et « Super stars ». « Ticket était devenu la publication imprimée la plus populaire en Haïti, avant de passer exclusivement sur Internet, Ticket comptait plus d’abonnés que Le Nouvelliste. Aujourd’hui, Ticket Magazine existe uniquement sur la Toile. Au fur et à mesure, ce média prend sa place sur les différentes plateformes des réseaux sociaux », s'est-il réjoui.  Frantz Duval reconnaît que Le Nouvelliste, quoiqu’il soit présent sur toutes les plateformes, n’arrive pas encore à grands pas vers le numérique. « Nous n’arrivons pas encore à mettre les contenus multimédias dans le journal papier. Le Nouvelliste reste conservateur dans le sens qu’on a l’impression de lire un journal papier sur le site du journal et non un journal du XXIe siècle. C’est une mutation que le journal doit faire. Mais cela doit s’accompagner d’un modèle économique. Nous n’avons pas encore trouvé la formule », a-t-il rappelé. Toutefois, il souligne qu’un média traditionnel peut faire la transition vers le numérique et un nouveau média peut faire la transition vers le traditionnel. « Un web radio peut obtenir une fréquence sur la bande FM. Un média FM ou AM peut avoir une présence sur le net », illustre-t-il. Gotson Pierre croit que l’Internet ne va pas remplacer les autres médias. « Un média ne remplace pas un autre. Il y a une complémentarité qui se développe. De la même manière que la télévision n’avait pas remplacé la radio, je ne pense pas que l’Internet va tout chambarder. Certainement les manières de faire vont être influencées, mais les besoins d’informations restent les mêmes. L’enjeu de taille, c’est la qualité de l’information », croit-il.  Carel Pèdre, de son côté, a évoqué la nécessité de réguler ce secteur. Pour soutenir sa proposition, il a mentionné le pullulement de blogs et de channels don’t l’objectif premier est de gagner de l’argent. Certaines fois en volant les contenus des autres médias.  Frantz Duval s’est montré favorable lui aussi à la nécessité d’une régularisation. Toutefois, il s’est dit beaucoup plus favorable à la nécessité de ne pas oublier la logique. « Ce n’est pas le téléphone intelligent qui viendra nous sauver mais son contenu. Cela dit, il ne faut pas confondre les moyens et les finalités. Le deuxième est la clé du succès. Ceux qui ont créé l’Internet avaient un objectif. En Haïti il faut certes avoir l’Internet mais il faut aussi des objectifs. Sinon, on passera à côté de l’autoroute de l’information », théorise-t-il.