Le Nouvelliste
Grand virage sur le marché pétrolier et petite pénurie de gazoline…
June 15, 2020, midnight
Durant tout le week-end et encore ce lundi, des files de véhicules privés, de tap-tap, de taximoto et de particuliers munis de « gallons jaunes » ont été observées dans plusieurs stations d'essence de la zone métropolitaine. Ces files d’attente, qui donnent un air de déjà-vu, sont dues à une pénurie de gazoline. Le président de l'Association nationale des distributeurs de produits pétroliers (ANADIPP), David Turnier, interrogé par le journal, lundi 15 juin, a confié que les commandes de gazoline placées auprès des compagnies pétrolières ne sont pas honorées. « Elles nous disent qu’elles n’ont pas de gazoline pour le moment », a-t-il fait savoir, soulignant que suivant ses informations, « le bateau transportant la gazoline arrivera le mardi 16 juin, à 19 heures ». « Comme il y a urgence, je suppose que si le bateau arrive demain soir ou en fin d’après-midi, ils commenceront à débarquer tout de suite. Je pense que d’ici la fin de la semaine, les stations seront alimentées. Je l’espère », a indiqué le président de l’Anadipp, David Turnier. Le 11 juin, le secrétaire d’Etat à la Communication, Eddy Jackson Alexis, avait indiqué dans un tweet que « plus de 200 000 barils de gazoline et 40 000 barils de kérosène arriveront au pays en début de week-end ». « Cet après-midi à Thorland, le pétrolier STAR OSPREY VOY 17933 :AAA, battant pavillon panaméen, avec à son bord 150 000 barils de diesel. Demain soir on recevra la gazoline et le kérosène », avait-il écrit dans un second tweet. «Ce n'est pas la première fois que la parole officielle ne rencontre pas la réalité dans les délais promis par les autorités», s'est amusé à répondre un observateur attentif de la communication gouvernementale. Contexte de la pénurie… Cette pénurie de gazoline survient dans le cadre de la première livraison de produits effectuée par Prebel-Rish, l’entreprise qui a remporté l’appel d’offres de l’État pour alimenter le marché durant six mois après la décision de sortir de la libéralisation ayant permis aux compagnies d’importer elles-mêmes des produits pétroliers durant plus d'une année. En ce qui a trait à ce virage, le ministre de l’Economie et des Finances, Michel Patrick Boisvert, sans accuser nommément aucune compagnie, avait déploré l’imposition de premiums par ces importateurs de produits pétroliers, l’utilisation d’index de fixation des prix bancal, la perception de frais absents de la structure de prix, la collecte des gains et de surgains engrangés dans l’opacité, au moment d’annoncer en début de semaine dernière la révision de la structure de prix avec l’appui du FMI. La libéralisation du marché ayant permis aux compagnies d’importer elles-mêmes les produits pétroliers s’est accompagnée de premium imposé à l’État. « A partir du mois d'avril 2019, chaque compagnie réalisait son importation avec ses prix. Ces prix nous tombent dessus. Elles communiquaient les prix et nous disaient quel premium est fait sur le produit. L’Etat a pris ces informations qui sont devenues pour lui des données. Il les a prises et les a matérialisées à l’intérieur de la structure des prix qui a donné lieu à la subvention par gallon de produit débité. Cela a donné des chiffres vraiment phénoménaux », a indiqué le ministre de l’Économie et des Finances Michel Patrick Boisvert, soulignant que c’est la compagnie importatrice « qui donne son premium sur lequel l’Etat n’avait rien à dire ». Interrogé sur le fait, à ses dires, que les compagnies agissaient contrairement aux normes et que l’État ne faisait pas son travail, le ministre de l’Economie et des Finances, Michel Patrick Boisvert, a chargé l’Etat, le ministère de l’Économie et des Finances, où il a fait une bonne partie de sa carrière, qui réalise avec le BMPAD la structure des prix. « Disons de préférence que l’Etat ne fait pas son travail. Ce sont des investisseurs. Si l’Etat est absent, on ne peut qu’en profiter », a indiqué le ministre, qui assure que l’Etat fait maintenant son travail. Clouée au pilori, l’APPE s'est réjouie du changement annoncé de la structure de prix L’Association des professionnels du pétrole (APPE), qui regroupe cinq compagnies pétrolières, n’a pas réagi aux affirmations de premiums exagérés imposés à l’Etat, les gains, les surgains ni aux frais absents dans la structure des prix dénoncés par le ministre Michel Patrick Boisvert. L’APPE a indiqué, dans une note de presse, 12 juin 2020, qu’elle « se réjouit d’apprendre que le ministère de l’Économie et des Finances (MEF) accède finalement à sa demande de révision de la structure des prix » «En effet, depuis 8 ans, l’APPE demande au MEF que cette structure de prix soit revue pour refléter fidèlement et en toute transparence la réalité économique de l’industrie pétrolière », a indiqué cette note. Contacté via email, SMS et par téléphone vendredi et encore ce lundi, le président de l’APPE, Randolph Rameau, n’a pas encore répondu aux questions du journal sur l’absence de changement dans la structure des prix depuis huit ans alors que les prix des produits pétroliers sont assez volatiles et pourquoi la demande publique de changement de la structure des prix vient de l’État. Contacté vendredi par le journal, le ministre Michel Patrick Boisvert a indiqué qu’il n’était pas au courant de la note de l’APPE. Interrogé la semaine dernière sur la capacité de Prebel-Rish à assurer la fourniture des produits dans le cadre du contrat de six mois, le ministre Boisvert avait indiqué qu’il fallait attendre et voir ce que cela va donner. La compagnie a la garantie que nous allons la payer. Il y a un crédit qui va être accordé à l’Etat qui va nous permettre de mieux gérer le taux de change. L’Etat aura un délai relativement long pour payer. Nous allons pouvoir lisser les interventions sur le marché des changes pour éviter de grandes fluctuations, avait-il dit. En ce qui concerne Prebel-Rish, présentée comme une compagnie qui jouit des faveurs en haut lieu du pouvoir Tèt Kale lui permettant de gagner des appels d'offres et d’engranger des contrats dans différents secteurs d’activité, Michel Patrick Boisvert s’était référé au BMPAD pour indiquer que la compagnie en question a un objet « un peu vaste ». Le MEF, via cet appel d’offres, cherchait un premium lui permettant de faire des économies, avait avancé Michel Patrick Boisvert.